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Société Publié le mardi 20 août 2013 | Le Patriote

Gestion des Hôpitaux publics : Pourquoi le gouvernement durcit le ton

© Le Patriote Par Didier ASSOUMOU
Dr Raymonde Goudou Coffie, Ministre de la Santé et de la Lutte contre le Sida
C'est devenu un refrain. Chaque fois qu'elle rencontre le corps de la santé, la ministre Dr. Raymonde Goudou Coffie dénonce le comportement des agents de santé. Elle insiste sur la nécessité de changer de comportement, faute de quoi, tous les sacrifices consentis actuellement par le gouvernement pour sortir le secteur de son sinistre seront vains. Pourquoi la première responsable de la santé insiste tant sur l'aspect humain ? Nore analyse.

2013, année de la santé. Lorsqu'en début d'année, le gouvernement avait fait cette annonce, nombreuses sont les personnes qui ont cru à un simple slogan. Mais, le gouvernement du Premier ministre Daniel Kablan Duncan savait exactement ce qu'il entendait par cette décision. Le 1er février déjà, les couleurs sont annoncées par la première responsable de ce département, Dr Raymonde Goudou Coffie. Ce jour-là, dans une salle de conférence archi-comble du ministère des Affaires étrangères, au Plateau, la ministre de la Santé et de la lutte contre le Sida partage sa vision du développement du système de santé avec les Ivoiriens, dont le Premier ministre Duncan, présent à la rencontre. Raymonde Goudou Coffie commence par faire un diagnostic sans complaisance et sans faux-fuyant de son secteur. Après dix années de crise, de sous investissements et de difficultés opérationnelles de tous ordres, la situation, avoue-t-elle, n'est pas reluisante. Le système est défaillant à plusieurs niveaux.

La reforme hospitalière mise en route

Mais, les plus importantes sont la vétusté du plateau technique, l'inadaptation des textes régissant les hôpitaux publics avec la nouvelle vision de la santé, la deshumanisation du personnel et la démotivation des agents. Après ce diagnostic, elle égrène un chapelet d'action à entreprendre pour sortir la santé de l'ornière. Presque six mois après, soit le mardi 13 août 2013, Dr. Raymonde Goudou Coffie rencontre à nouveau le personnel de la santé, pour faire un bilan à mi-parcours. En ce qui concerne le second point, les réflexions pour une véritable réforme hospitalière, annonce-t-elle, ont été lancées. Elles doivent permettre de mieux préparer les hôpitaux à jouer leur rôle dans les nouveaux paradigmes à venir. A savoir : la décentralisation, mais aussi la reconfiguration du système de santé avec l'avènement de la Couverture maladie universelle (Cmu). La reforme prendra également en compte le mode de financement des hôpitaux et le statut des personnels qui y travaillent. Sur ce chapitre, le ministère de la Santé et de la lutte contre le Sida est totalement en phase avec la Coordination des Syndicats du personnel soignant, principal mouvement des agents de la santé qui a fait de cette reforme, une de ses revendications majeures. «Cette reforme nous permettra de définir les postes et les avantages liés à chaque poste. Elle permettra de faire en sorte qu'un médecin qui est affecté dans une localité reculée du pays soit motivé à s'y rendre », a affirmé Dr. Ernest Atté Boka, porte-parole de la coordination, assurant qu'ils sauront réagir lorsque le gouvernement trainera les pieds. Concernant le colossal chantier de réhabilitation et de restauration des plateaux techniques, on peut le dire, le gouvernement s'est engagé dans une véritable course contre la montre. Selon le tableau présenté par la ministre Raymonde Goudou Coffie, le Programme Présidentiel d'Urgence (Ppu) a permis la réhabilitation de six hôpitaux généraux. Il s'agit des hôpitaux de Bondoukou, Korhogo, Bonoua, Grand-Lahou, Grand-Bassam et Jacqueville. Toujours grâce aux Ppu, des formations sanitaires de la ville d'Abidjan érigées en hôpitaux généraux, sans que les moyens ne suivent, ont été mises aux normes. Ce sont les hôpitaux généraux de Koumassi, Marcory, Treichville, Yopougon Attié et Abobo-sud. Ces investissements, selon Dr Raymonde Goudou, ont coûté 10 milliards de FCFA. L'hôpital général de Bingerville et l'hôpital psychiatrique ont également été pris en compte. Ce n'est pas tout. Selon le ministre de la Santé, 42 hôpitaux et établissements sanitaires de référence ont été identifiés afin d'en relever les plateaux techniques par des équipements modernes. Et 38 d'entre eux seront entièrement équipés d'ici fin 2013, pour un coût total de plus de 20 milliards de FCFA.

Des investissements à coût de milliards

Au nombre des acquis, elle a noté l'ouverture du nouvel hôpital général de Gagnoa, des centres d'hémodialyse à l'intérieur du pays (Bouaké et Yamoussoukro), l'ouverture d'un centre d'hémodialyse au SAMU, à Abidjan, l'ouverture de plusieurs unités de centre de transfusion sanguine à l'intérieur du pays. Afin de faciliter les évacuations sanitaires, 10 ambulances ont été affectées à l'intérieur du pays rien qu'en début d'année 2013. Dix autres, a confié le ministre de la Santé, seront distribuées au mois de septembre. Une commande est en cours pour 50 autres. A ceux-là, viendront s'ajouter les 20 autres en cours de livraison dans le cadre des appuis de la Banque Africaine de Développement (Bad) au gouvernement ivoirien. Autant d'investissement qui font dire à Dr Raymonde Goudou Coffie que les perspectives sont bonnes. Surtout que le gouvernement a ordonné la prise en compte des besoins additionnels requis pour 2013 et qui sont de l'ordre de 36 milliards. Les perspectives, c'est également l'ouverture en octobre de l'hôpital général d'Adjamé, l'achèvement des travaux de l'hôpital Saint-Joseph Moscati de Yamoussoukro, l'achèvement du centre d'hémodialyse de San-Pedro, le démarrage prochain des travaux de cardiologie de Bouaké sur financement de la Banque islamique de développement (Bid), la réhabilitation et le renforcement des plateaux techniques de l'Institut de cardiologie d'Abidjan (Ica) et de la Polyclinique Internationale Sainte Anne-Marie (PISAM), l'achèvement des travaux du Centre national de médecine nucléaire et la validation par le ministère de l'Economie et des finances, du projet du centre de radiothérapie et d'oncologie médicale. La question de la disponibilité des médicaments, est en passe d'être résolue avec la reforme de la Pharmacie de la santé publique (Psp). La nouvelle Psp dont le Conseil d'administration a été mis en place le 21 juin 2013 est maintenant une association gestionnaire de type Association sans but lucratif (Asbl). «Cette réforme vise à doter la nouvelle structure d'une autonomie financière et d'une autonomie de gestion, en vue d'améliorer la disponibilité des médicaments dans les établissements sanitaires publics. Le gouvernement s'active à faire face aux besoins financiers en rapport avec cette reforme», assure-t-elle.

Les hommes, le véritable problème

Pour Dr. Raymonde Goudou Coffie, «le gouvernement est au travail». Cela «pour que les choses changent, s'améliorent progressivement et pour que les tendances observées ces dix dernières années s'inversent». Mais, le changement tant souhaité par le gouvernement ne peut s'opérer sans des agents de santé dévoués pour la cause. Or, cela n'est pas encore le cas. « Vous conviendrez avec moi, que la dimension la plus critique de ces changements espérés demeure la dimension humaine», fait remarquer Raymonde Goudou Coffie. En effet, il apparaît clairement que le comportement des agents de santé plombe tous les efforts entrepris par le gouvernement pour donner un visage plus reluisant à la santé en Côte d'Ivoire. Ce comportement tant décrié revêt plusieurs aspects, dont l'éducation (mauvais accueil des patients), la formation, l'engagement, le leadership, l'intégrité professionnelle, la moralité, l'éthique et la déontologie.

«Trop de faits déplorables, regrettables, voire indignes de notre corporation nous interpellent quotidiennement. Je ne voudrais ne citer que ceux des CHU de Yopougon, Treichville, de l'hôpital général de Tabou et de Grand-Bassam », relate-t-elle. Dans ces différant hôpitaux, des agents ont été pris en flagrant délit de racket, de vente illicite de médicaments, ou tout simplement ce sont des infirmiers qui se substituent aux médecins pour prescrire de nouvelles ordonnances, en lieu et place de celles prescrites par le médecin. Tous ces dysfonctionnements, selon Dr. Raymonde Goudou Coffie, arrivent parce qu'il y a une rupture dans les chaînes successives de responsabilité au sein des structures sanitaires. A ce niveau, elle indexe les chefs de services qui sont toujours absents de leurs services, permettant ainsi à «une catégorie de personnes de s'organiser en de véritables réseaux de mafieux». Lesquels s'investissent dans le domaine de la contrebande des médicaments contrefaits, la création de pénuries fictives par la rétention des films de radiologie et de réactifs de laboratoire. D'autres endommagent intentionnellement le matériel médical, en vue de créer l'arrêt des prestations et favoriser la réorientation des patients vers les centres privés, moyennant des ristournes. A la conclusion, il apparaît clairement que les structures sanitaires ne sont pas gérées correctement.

Les manquements observés relèvent le plus d'un manque de responsabilité de la part des dirigeants. Pourtant, le gouvernement, a indiqué la ministre de la santé, a fait beaucoup d'efforts pour satisfaire le personnel. Elle en veut pour preuve l'octroie de 400 points d'indices supplémentaires aux cadres supérieurs de la santé et 150 points aux personnel technique. Avec ces indices, à compter de janvier 2014, les cadres supérieurs de la santé auront 118 000 CFA de plus sur leur salaire de base et le personnel technique 44 000 FCFA. C'est pourquoi, Raymonde Goudou Coffie a estimé que les choses doivent changer radicalement. «J'espère que ça sera le dernier avertissement. Nous allons prendre des sanctions. Dès maintenant, je vous demande de dégager les brebis galeuses qui sont au sein de vos services, car vous les connaissez. Sinon, c'est vous qui serez dégagés», a-t-elle mis en garde les responsables de services.

Dao Maïmouna
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