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Art et Culture Publié le mardi 27 août 2013 | Ministères

Camp Mondial de la jeunesse IYFCI 2013: Le Prof. Lazare Poamé montre comment la jeunesse peut être au cœur du développement durable

© Ministères Par DR
Jeunesse : Yamoussoukro a abrité le Camp Mondial IYFCI 2013
Yamoussoukro. L’ONG « International Youth Fellowship » a organisé, du 19 au 23 août 2013 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix. Photo: Prof Lazare Poamé de l`Université Alassane Ouattara lors de sa conférence
L’Organisation Non Gouvernementale (ONG) « International Youth Fellowship » a organisé, du 19 au 23 août 2013 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la Recherche de la Paix à Yamoussoukro, le « Camp Mondial IYFCI 2013 ».

A cette occasion, le Président de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké, le Professeur Lazare POAME, Titulaire de la Chaire UNESCO de Bioéthique, a donné une conférence sur le sujet: « Du mode d’être de la jeunesse comme baromètre axiologique du développement». Nous vous proposons en intégralité son intervention.

LIMINAIRE

Nombreux sont les paradigmes du développement qui ont marqué notre époque en quête de valeurs universalisables.

Du paradigme néo-marxiste-léniniste (caractérisé par l’affranchissement de la domination impérialiste du capital) au paradigme ontologique, voire éthicologique (dont la particularité est l’affirmation du primat de l’être sur l’avoir) en passant par le paradigme des besoins dits essentiels (alimentation, santé, éducation et logement), le souci de la jeunesse est souvent apparu comme une composante molle de la problématique du développement.
Nous nous proposons, ici, de vivifier cette composante en commençant par interroger le paradigme du développement aujourd’hui en vogue : le développement durable.

I. LE PARADIGME DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET LA PLACE DE LA JEUNESSE

Le qualificatif « durable », qui confère au développement une nouvelle orientation, est la traduction anglaise de « sustainable » qui a pris différents sens : « soutenable », « acceptable », « raisonné », « vivable », « durable ».

Qu’est-ce qui peut conférer au développement sa durabilité ?

Plaçant la complexité au cœur du développement dit « durable », les initiateurs et promoteurs de ce concept s’efforcent d’opérer un dépassement dialectique du développement dans son acception classique en préconisant la recherche de l’équilibre entre l’économie, l’écologie et le social. Plus encore, le développement durable porte la marque de la triple exigence de compétitivité économique, de satisfaction rationnelle des besoins sociaux et de protection durable de l’environnement (espèces animales et végétales, ressources naturelles et énergétiques). On peut donc comprendre la signification que nous propose Marie-Claude Smouts : « Le développement durable signifie que la satisfaction des besoins humains d’aujourd’hui ne doit pas se faire au prix d’une destruction irréversible des ressources naturelles et d’une mise en péril des grands équilibres de la biosphère », mais surtout que « ce qui doit être légué aux générations futures, ce n’est pas seulement un patrimoine naturel de qualité, c’est la possibilité de choisir la façon dont elles satisferont leurs besoins, ce sont des capacités, des « univers de choix » (2008 : 15).

Ainsi, par-delà la lettre, l’esprit qui structure le développement durable est la prise en compte de la dimension éthique du développement et son inscription dans la longue durée. Comment se décline cette dimension éthique du développement ? Par trois éléments essentiels :

1. La limitation des dérives productivistes de l’économie de marché et des effets pervers de la surcroissance de l’activité outillée ;
2. La prise en compte des valeurs que promeut l’éthique de responsabilité dont le principe spéculatif est notre responsabilité envers les générations futures ;
3. Le souci de la préservation de l’équilibre entre l’économie, l’écologie et le social qui a conduit certains auteurs à dénoncer les mauvaises pratiques du développement durable que l’on peut ainsi résumer : « un peu de social, beaucoup d’économie, une pincée d’environnement» (M.-C Smouts, 2008 : 21).

Il s’agit donc d’un développement éthiquement soutenable, viable pour la planète et ses habitants, les générations présentes et surtout, les générations futures.

Quelle doit être la place de la jeunesse dans le développement durable ?

La jeunesse a bien souvent été appréhendée avec ce stéréotype qui donne à penser : « si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ». Autrement dit, les jeunes n’ont pas l’expérience des vieux, lesquels n’ont pas la vigueur des jeunes.

En observant minutieusement la jeunesse de notre temps, on est tenté de dire que ce stéréotype fait l’impasse sur les nouveaux types d’expérience et de savoir dont la jeunesse est le dépositaire.

Sa place, qui ne doit pas être l’espace laissé vacant par des adultes impuissants et démodés, doit tenir compte de ce que nous considérons comme le principe unificateur de la jeunesse à travers le monde, à savoir :

- Sa créativité naturelle ;
- Sa participation active au processus d’universalisation de la culture technique ;
- Son poids dans la mondialisation des habitus culturels ;
- Sa passion pour les jeux qui ébaudissent le monde.

Il importe également de faire remarquer, au regard des interprétations multiples de la « durabilité » référée au développement dit durable, que la place de la jeunesse ne doit pas être confinée dans le primat d’un futur lointain, dans une temporalité cosmique.
La foi en l’avenir que doit cultiver la jeunesse ne doit pas être abusivement exploitée ; il faut que le souci de la jeunesse s’affine au fil des ans dans tout projet de développement durable.
Que peut espérer la jeunesse dans la pratique du développement pensé à nouveaux frais ?
Ce qu’elle est en droit d’espérer dépend pour une grande part de son mode d’être.

II. DE L’ÉQUATION ENTRE TYPE DE JEUNESSE ET TYPE DE DÉVELOPPEMENT

Comme l’humain qui appelle l’humain, l’espérance est le juste retour de ce que l’on peut légitimement attendre des actes posés. Dites-moi quel type de jeunesse vous avez et je vous dirai à quel type de développement vous avez affaire et réciproquement.
Sans prétendre à l’exhaustivité, prétention limitée au cadre qui nous est offert, nous avons répertorié dix (10) modes d’être respectifs renvoyant à des types de jeunesse que l’on peut rencontrer à travers le monde. Ces modes d’être sont les suivants :

1. L’homo bellicus : il s’agit de la propension de l’homme à faire la guerre, le type d’une jeunesse singulièrement violente ;

2. L’homo negans radicalisé : c’est la tendance de l’homme à vouloir dire non à tout prix. Le cas par exemple d’une jeunesse qui conteste tout ;

3. L’homo dolorosus: l’homme dont la vie n’est que douleur, celui qui a perdu la joie de vivre. Le cas typique d’une jeunesse désespérée ;

4. L’homo ludens : l’homme défini par le jeu, par l’importance accordée à la dimension ludique de la vie qu’exalte la jeunesse ;

5. L’homo negans mesuré : l’homme qui sait exprimer son refus, le cas d’une jeunesse qui conteste raisonnablement ;

6. L’homo oeconomicus : l’homme maximisant la satisfaction de ses besoins, une jeunesse fascinée par l’americanway of life;

7. L’homo technologicus: figure moderne de l’homo faber, il incarne le génie créateur des objets techniques sophistiqués qui fascinent et façonnent la jeunesse ;

8. L’homoloquax : l’homme défini comme essence langagière, comme être-au-monde par le langage qui garantit l’ouverture à autrui comme la communication qui offre aux jeunes l’occasion de tisser des liens entre eux;

9. L’homo capax: l’homme capable de..., celui dont les capacités se déploient en direction de ce qui rend humain, le sens de responsabilité par exemple avec une jeunesse dite responsable ;

10. L’homo ethicus: figure emblématique du monde des valeurs, il doit garantir la ’’ permanence d’une vie authentiquement humaine sur terre’’ (Hans Jonas) pour toutes les générations. C’est le cas d’une jeunesse qui promeut sans compromission les valeurs humanistes.

La mesure axiologique du développement que dévoilent ces modes d’être de la jeunesse se présente comme suit :

1. La jeunesse de types homo bellicus et homo negans radicalisé correspond à un développement an-éthique ;

2. Le développement éthiquement irrecevable est la terre natale de l’homo dolorosus ;

3. Le développement éthiquement étriqué est le terreau de l’homo oeconomicus et de l’homo technologicus ;

4. Le développement éthiquement faible est le lieu de prédilection de l’homo ludens ;

5. Le développement éthiquement modique est le reflet du mode d’être de l’homo loquax ;

6. Le développement éthiquement substantiel (développement durable) est révélateur du mode d’être de l’homo negans mesuré et de l’homo ethicus en puissance et partiellement en acte ;

7. Le développement éthiquement admirable est celui par et dans lequel l’homme réalise toutes ses virtualités socialement et ontologiquement valorisées. Il révèle la figure de l’homo ethicus accompli, l’homme porteur des valeurs qui fondent et fécondent l’humanité (dignité, respect de l’environnement, solidarité et justice).

La jeunesse, quand elle existe sous le mode de l’homo ethicus, est la plus grande richesse dont nous pouvons nous targuer dans un Etat rationnel. Dans un tel Etat, il est évident que par-delà le simple souci, c’est une place de choix qu’il faut accorder à la jeunesse dans presque tous les domaines, notamment, dans le développement des pôles de compétence, la conception et le déploiement du service civique, la promotion de l’autonomie et du genre, dans la gouvernance locale et mondiale.

Ce monde, qui se manifeste comme technocosme naissant, est l’espace d’élection et de prédilection pour une jeunesse pensante, une jeunesse industrieuse au sens saint-simonien. Il est le lieu d’éclosion par excellence de sa créativité multiforme. Il suffit qu’elle arrive à s’en convaincre pour voir les adultes et décideurs faire valoir et même prévaloir sa condition (à ne pas confondre avec ses conditions) dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de développement.

Prof. Lazare POAME
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