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Économie Publié le mercredi 18 septembre 2013 | Fraternité Matin

Interview/Jean Kacou Diagou, président de la Cgeci : “ L’intérêt commun l’a emporté sur les intérêts individuels

© Fraternité Matin Par Atapointe
Coopération économique: le Premier ministre lance le Forum "Investir en Cȏte d`Ivoire 2014"
Lundi 16 Septembre 2013. Abidjan Cocody. Hôtel Sofitel. Le Premier ministre Daniel Kablan Duncan a présidé la cérémonie de lancement officielle du Forum "Investir en Cote d `Ivoire". Plusieurs membres du gouvernement, des ambassadeurs, et des cadres du secteurs de l`économie étaient également présents. Photo : Jean Kacou Diagou
Reconduit le 5 septembre dernier à la tête de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, le président du groupe Nsia explique ici les conditions de la prorogation de son mandat.

Le consensus tant souhaité par le conseil d’administration de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) a été trouvé, le 5 septembre dernier, à l’issue de l’assemblée générale du patronat ivoirien qui a vu votre mandat et celui de l’ensemble du conseil d’administration prorogé pour la deuxième fois consécutive. Etesvous soulagé ?
Avec tout ce que nous avons entendu dans la presse et ailleurs, et au vu des interrogations que cela a suscité auprès de nombreux membres, je peux affirmer que je suis soulagé.
Toutefois, je ne doutais pas que nous serions arrivés à ce consensus. Parce que nous avons toujours fonctionné de cette manière.
Le conseil qui a eu lieu avant l’assemblée générale a permis d’obtenir le consensus et de maintenir la cohésion au sein de notre organisation. Nous sommes donc arrivés à cette assemblée unis.

C’est vrai qu’il y a eu un consensus. Mais, contrairement aux années antérieures, celui-ci a été très difficile. Comment expliquez-vous cela ?
Par essence, il est toujours difficile d’aboutir à un consensus. Mais je tiens à préciser que le dernier n’a pas été plus difficile que celui des années passées. La seule différence, c’est qu’il a été public. Ce qui a fait penser à certaines personnes qu’il y a une implosion à la Cgeci. Nous avons l’habitude de discuter.
A chacun de faire valoir sa position sur un sujet, avant d’arriver au consensus. Et c’est la chose la plus normale. Il n’y a pas d’unanimisme au patronat. Chacun a sa position à défendre.
C’est à force de discuter que nous parvenons à trouver un juste milieu.

Quelle réponse donnez-vous à ceux qui pensent que vous voulez vous accrocher
à ce poste ?
Quand on lit tout ce qui a pu être écrit dans la presse, cela peut donner cette impression.
Au cours de l’assemblée générale, j’ai apporté un éclairage à nos membres sur cette question.
Je ne suis pas candidat pour un 3e mandat. Les textes ne me le permettent pas.
Mais le conseil ayant estimé qu’il n’était pas en mesure de trouver un candidat de consensus dans un délai proche, m’a fait la proposition de proroger mon mandat d’une année. Proposition
à laquelle j’ai accédé après une longue période d’hésitation. Car j’ai la conviction qu’à un moment, il faut savoir passer la main pour accompagner le changement.
J’ai, de tout temps, eu envie de faire avancer les choses aux plans national et international pour le secteur privé. Ce rôle, je continuerai de le jouer, même après avoir quitté mes fonctions
de président du patronat ivoirien.

Quels enseignements tirez-vous de cette assemblée générale ?
Notre organisation a changé et gagné en maturité. L’intérêt commun l’a emporté sur les intérêts individuels. Il faut cependant intégrer désormais le fait que notre organisation sera en perpétuelle évolution parce que ses membres (les entreprises du secteur privé) évoluent dans un environnement
économique extrêmement changeant et dans un climat sociopolitique pas toujours très
bien maîtrisé. Se doter de textes forts avec des organes de gestion performants est le gage d’une cohésion forte et d’une indépendance pérenne.

Envisagez-vous une modification de vos textes ?
Je préfère utiliser le terme réforme, plutôt que modification. «Modification des textes», à tord ou à raison, renferme insidieusement un caractère suspicieux. La modification des textes donne souvent l’impression que cet exercice est entrepris pour servir les intérêts d’un groupe de personnes.
L’assemblée générale a approuvé la réforme de nos textes, afin de les mettre en conformité avec la volonté d’une communauté des affaires qui a besoin de s’adosser à une vraie pratique démocratique.
Un comité pluridisciplinaire sera mis en place, afin de proposer à l’assemblé générale des textes en adéquation avec les réalités de nos membres.

Cette prorogation fait de vous un président à trois mandats. Alors que les textes le limitent à deux…
Je laisse à chacun son interprétation de cette prorogation. Notre organisation, en toute conscience et en toute responsabilité, a décidé de proroger le mandat de l’ensemble des administrateurs et celui de son président d’une année. Cette décision qui relève de la souveraineté de l’assemblée générale a été approuvée à l’unanimité
des membres présents. C’est l’essentiel.

Que ferez-vous de cette prorogation qui fait de vous un président, de manière exceptionnelle,
à trois mandats ?
La priorité sera de renforcer la cohésion au sein de notre communauté des affaires. Pour ce faire, la Cgeci, dans un exercice démocratique, va se doter de nouveaux textes régissant l’organisation. Celle-ci consolidera, au cours
de cette année, le partenariat secteur-public, secteur privé. Ce partenariat est un puissant levier d’investissement dans l’atteinte des objectifs du Programme national de développement (Pnd) élaboré par le Président Alassane Ouattara. C’est ce partenariat fort qui a permis l’amélioration sensible du climat des affaires en Côte
d’Ivoire. Nous continuerons sur cette lancée.
Le patronat ivoirien mènera aussi des actions auprès des femmes et des jeunes afin de susciter la création de nouvelles entreprises. Ce qui favorisera la création de richesses et d’emplois.
Avec le gouvernement, nous allons voir comment mettre en place des procédures visant à susciter et promouvoir des entreprises qu’on pourrait appeler les « Champions nationaux et de la sous-région» capables de rivaliser avec les grands groupes étrangers. Car c’est à cette condition que nous pourrons avoir une économie
émergente inclusive. Comme préalable à ces objectifs, notre organisation continuera
de travailler à lever les freins aux développements des entreprises, tels que l’accès au financement, l’amélioration de l’environnement judiciaire, l’instauration d’une fiscalité de développement etc., en participant activement aux réformes en cours pour améliorer aussi notre rang dans le Doing Business.

Vos propositions sont-elles prises en compte ?
Oui, dans l’ensemble, nos propositions sont prises en compte. Nous avons la chance formidable d’avoir un Président de la République très au fait de la chose économique et un Premier ministre très compétent, tous les deux sont très attentifs aux souhaits et positions du secteur privé.
Parlant du Pnd, où en êtes-vous avec Côte d’Ivoire 2040 qui se voulait, lui aussi, un plan stratégique de développement de la Côte d’Ivoire ?
Côte d’Ivoire 2040 a été présentée au Président Alassane Ouattara qui l’a accueillie avec beaucoup d’intérêt.
Une présentation technique de notre étude a été ensuite faite au Premier ministre qui, après examen, nous a fait ses observations par écrit. Les points de convergence entre les deux études sont extrêmement forts.
La mise en oeuvre des actions de notre plan stratégique de développement, pour le volet qui concerne le secteur privé ivoirien, s’en verra donc facilitée.

Pourquoi ne vous limiteriez-vous pas à l’horizon 2020 ?
On aurait pu. Mais qui peut le plus, peut le moins. 2040 n’est pas si loin que ça, c’est seulement dans 27 ans. Nous avons fait le choix de l’horizon 2040 parce que nous croyons que la naissance de l’Ivoirien nouveau est le résultat d’actions menées sur plusieurs générations. Trente années permettront à nos enfants de devenir les adultes qui seront les véritables acteurs de l’édification d’un Ivoirien nouveau et d’une Côte d’Ivoire où il fait bon vivre. Notre souci est de transformer la mentalité des jeunes d’aujourd’hui qui sont appelés à être les acteurs économiques, politiques et sociaux de demain. Et c’est maintenant qu’il faut y penser et mettre en place les actions stratégiques nécessaires.
Comment se porte, aujourd’hui, le patronat ivoirien ?
Nous sommes sortis de l’assemblée générale plus unis et plus forts et prêts à affronter les défis du développement.

Quels sont ces défis ?
L’objectif ultime du secteur privé ivoirien est de créer, autant que faire se peut, la richesse et les emplois, dans un environnement attractif. Pour ce faire, l’amélioration permanente du cadre de fonctionnement des entreprises reste le défi à relever.
La Cgeci, par des actions fortes, favorisera la création d’entreprises dans tous les secteurs d’activité. Plus nous serons nombreux, et moins difficile sera la lutte contre le chômage des jeunes ivoiriens. Plus les entreprises seront nombreuses, plus facile sera la lutte contre la pauvreté.
Nous mènerons des actions de renforcement des capacités des chefs d’entreprise, ainsi que de
nos cadres, afin d’avoir des dirigeants performants faisant parti, des meilleurs de la sous-région et, pourquoi pas, du monde.

Ce message, vous l’avez fait passer à la Cgeci Académie.
Où en êtes-vous avec la concrétisation de tout ce qui a été dit et fait ?
L’engouement des Ivoiriens pour la « Cgeci Académie «nous a démontré que la population ivoirienne veut se prendre en charge. Des actions éclatées et de proximité seront menées tout le long de l’année, afin de mettre en oeuvre toutes les recommandations du forum.

M. le président, quel regard portez-vous sur les entreprises en Afrique et, en particulier, dans la sous-région ?
Depuis une quinzaine d’années, ce que je ressens, c’est que les entreprises ivoiriennes et africaines ont pris une nouvelle dimension. Nos entreprises sont gérées avec des outils encore plus modernes et son capables de rivaliser avec d’autres. Par le passé, la présence de l’Etat se faisait beaucoup sentir. Il n’y avait ni objectifs de gestion, ni vrais contrôles de l’action du top management.
L’on observait un monopole de fait ou de droit qui endormait parfois les cadres les plus compétents et annihilait toute innovation. Aujourd’hui, nous avons plutôt des entreprises africaines qui sont créées dans l’adversité et la concurrence, souvent sans soutien spécial de leur gouvernement. Je suis heureux que cela se multiplie car il y a une dizaine d’années, on pouvait difficilement voir trois ou quatre sociétés émerger avec des entrepreneurs africains. De plus en plus, de nos jours, on trouve des sociétés ivoiriennes ou africaines de taille moyenne
et même des groupes, comme le groupe Nsia que je dirige, qui ont pignon sur rue. Et parfois, ceux-ci sont plus performants que ceux qui viennent d’ailleurs. Nous n’avons plus de complexe face aux entrepreneurs européens, américains ou asiatiques. Il n’y a plus de domaines dans lesquels les Africains ne sont
pas capables de rivaliser avec les autres. Je suis convaincu que l’ère de l’Afrique a sonné. Celle de l’Africain est en train de sonner. Il faut que l’Afrique prenne son destin en main. Les pionniers qui ont tracé le chemin doivent montrer aux Africains qu’ils peuvent avoir des entreprises performantes.

Vous êtes aussi le président de la Fédération des organisations patronales de l’Afrique de l’ouest (Fopao). Quel rôle peut jouer cette institution dans la politique d’intégration sous-régionale?
Cette organisation est à l’Afrique de l’ouest ce que la Cgeci est à la Côte d’Ivoire. Le combat que je mène vise aussi à mettre en place une organisation forte et capable de proposer des solutions pratiques pour faire avancer l’intégration économique.
L’épanouissement des entreprises au niveau sous-régional est aussi l’affaire de notre organisation.
Depuis trois ans, nous nous sommes battu pour que cette organisation ait une voix au niveau de le Cedeao. A ce titre, nous y avons sollicité un poste d’observateur. Sur le plan du principe, cela a été accepté.
Il reste à finaliser cela. La Cedeao a prévu d’installer un conseil économique et social où nous serons représentés.
Le dynamisme de la Fopao ouvrira des marchés nouveaux pour nos entreprises. Mais surtout, il en facilitera l’accès.

En 2014, il y aura le Forum Investir en Côte d’Ivoire (Ici). Quel sera le rôle du patronat ivoirien dans cet évènement?
Nous participons déjà aux réflexions, à l’organisation d’Investir en Côte d’Ivoire. Nous sommes présent aux assises. Nous ferons la promotion de cet événement, aussi bien auprès de nos membres qu’auprès de nos partenaires extérieurs. Nous serons les ambassadeurs d’Investir en Côte d’Ivoire partout où nous irons.

Le Président de la République veut une Côte d’Ivoire émergente à l’horizon 2020, le secteur privé est-il prêt à jouer ce rôle?
La question ne se pose même pas. La mise en oeuvre du Pnd est, en grande partie, la mission du secteur privé ivoirien. Nousn’avons pas d’autre choix que d’être prêt. Et je peux vous dire que notre motivation est forte.
Nous nous organiserons, nous tisserons des partenariats entre entreprises ivoiriennes nous permettant de ne pas manquer ce rendez-vous. Nous parviendrons à mutualiser les expertises des Pme issues d’un même secteur et à en faire de grandes entreprises capables de soumissionner à des appels d’offres pour la réalisation des grands projets contenus dans le Pnd. Notre objectif est de faire en sorte qu’émergent de grandes entreprises compétentes dans le pays, capables de relever les défis.

INTERVIEW RÉALISÉE PAR
MICHEL KOFFI ET
DAVID YA
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