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Editorial Publié le lundi 14 octobre 2013 | Nord-Sud

Prime à l’impunité

On est à fond là dans la victimisation. Avec les Africains, même au plus haut niveau, c’est toujours la mentalité de la tribu assiégée. L’Union africaine voit d’un mauvais oeil les poursuites de la Cour pénale internationale (Cpi) contre des dirigeants africains.
La bataille africaine contre la CPI remonte aux mandats d’arrêt pour génocide et crimes contre l’humanité émis en 2009 contre le président soudanais Omar Al-Bachir. Il se trouve que ce membre du syndicat des présidents est accusé de crimes de masse au Darfour. Chacun y voit une menace qui pourrait le frapper à tout moment pendant ou après le pouvoir. Mais il est déjà trop tard, ils sont 34 à avoir signé le Traité de Rome, qui donne la chicotte à la CPI pour flageller les violateurs des droits de l’Homme. Ils estiment alors qu’il faut faire quelque chose puisqu’ils ne sont pas tous blancs comme neige. Trois pays mènent la fronde : le Kenya, l’Ethiopie, le Soudan... Le 27 mai dernier, à Addis- Abeba, à l’issue du sommet des chefs d’Etat marquant les 50 ans de l’Union africaine, (OUA de 1963 à 2002) Hailemariam Desalegn, le président en exercice de cette organisation, accusait la Cpi de mener «une sorte de chasse raciale contre les Africains». Le ton de la révolte contre cet instrument ‘’néocolonial’’ était donné. Que faut-il retenir de cette poussée de fièvre des présidents africains ? Tant qu’un président reste au pouvoir, il peut tuer son peuple sans crainte de poursuites. Les victimes peuvent attendre. Pour obtenir gain de cause, nos dirigeants s’en remettent à l’Union européenne. A l’issue du sommet du week-end dernier, l’Ua donne sa caution morale à tous les dictateurs. Un permis de tuer. Ils ont surtout exigé à Addis-Abeba que toutes les poursuites contre les dirigeants en exercice (Kenya, Soudan…) soient purement et simplement arrêtées. A défaut de pouvoir aller au bout de leur stratégie de retrait en bloc de la Cour, ils ont arrondi les angles. La nouvelle proposition (hic) est tout simplement indigne d’eux. L’UA qui vient certainement de se réveiller de son long sommeil de 50 ans veut maintenant des tribunaux assez compétents, pour que la CPI reste une juridiction de dernier ressort. Et toute honte bue, c’est Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente sud-africaine de la Commission de l’UA qui a appelé à l’éveil des consciences. Selon elle, l’Afrique doit «renforcer la capacité de (ses) systèmes judiciaires, nationaux et continentaux (...) afin que la CPI devienne en réalité une Cour de dernier ressort». Cela veut dire quoi concrètement ? Rappelons simplement que la Cpi est toujours entrée en scène quand les juridictions nationales ont été dépassées. Parce qu’à la vérité, c’est la démarche de la Cpi depuis 11 ans qu’elle existe. Il ne sert à rien de disserter sur le sexe des anges. En plus, ce sont les Etats africains eux-mêmes - République démocratique du Congo (RDC), Ouganda, République centrafricaine, Côte d’Ivoire, Mali et qui l’ont invitée à venir jeter un œil sur ce qui s’est fait de pas bien chez eux. La thèse d’une Afrique victime des grandes puissances ne peut donc pas prospérer. Si ce sont les Africains qui sont les plus appelés à la Cpi, c’est que c’est en Afrique qu’il y a le plus de turpitudes politiques. A sa décharge, l’institution ne peut que poursuivre les ressortissants d’Etats qui ont ratifié son traité, ou ceux qui commettent des crimes sur les territoires de ces derniers. La Syrie, la et les Etats-Unis (que les Africains indexent) n’ont pas signé le Traité de Rome. Ils sont donc quasi exemptés de risques de poursuites. En effet, seul le Conseil de sécurité des Nations unies peut permettre à la Cour d’intervenir sur les territoires des 79 Etats non parties à la CPI. Le club des chefs d’Etats doit être courageux et respecter les documents librement signés. La main sur le cœur, le président de l’Ua veut donc nous faire croire que l’Afrique «n’a pas soutenu et ne soutiendra jamais l’impunité des dirigeants qui ont, volontairement, assassiné leurs propres peuples». Avec cette prime à l’impunité offerte aux chefs d’Etat, ne soyons pas surpris de voir des gouvernants africains continuer d’agir comme bon leur semble sans jamais être inquiétés tant qu’ils seront aux affaires. Les victimes, elles, peuvent continuer de souffrir en silence.
Par Bakayoko Youssouf
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