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Art et Culture Publié le samedi 4 janvier 2014 | Le Patriote

2ème édition du Festival des arts sacrés de la Savane (FASSA) : Lumière sur la culture sénoufo, sa richesse et ses potentialités

Il a été plus d’une fois reporté, mais quand il a été lancé, le Festival des Arts Sacrés des Savanes, puisque c’est de lui qu’il s’agit, a tenu toutes ses promesses. Pour la deuxième fois, le ministère de la Culture et de la Francophonie a mis les arts sacrés du Nord à la portée du grand public. En 2012, la 1ère édition, sous la bannière du Festival des Arts Sacrés de Korhogo (Fasko), qui était une rampe de lancement, n’a pas joui des qualificatifs d’un franc succès. Et pour cause : fortement plombés par les soucis financiers, les organisateurs ont eu un mal énorme à agencer les activités d’un programme pourtant riche et alléchant. Pour cette deuxième édition, deux grands changements sont à noter. Premièrement, le Dr Syna Ouattara, Commissaire général du Fasko, a cédé sa place à Zié Coulibaly, commissaire général du Fassa. Deuxièmement, cette fois, l’élan s’est étendu à l’ensemble du district des Savanes, avec pour thème "Patrimoine culturel sacré et Renaissance ivoirienne", les organisateurs ont fouillé dans la culture sénoufo. Entre spectacles, exposition et réflexion pour présenter la culture sénoufo sous ses aspects les moins connus et surtout pour donner un aperçu du rôle que peut jouer cette culture dans l’émergence de la Côte d’Ivoire. A travers des danses, des expositions d’objets de culture et le colloque international, le FASSA a jeté les bases de la vulgarisation de la culture sénoufo, sans manquer de faire un clin d’œil à bien d’autres cultures du pays. Incursion au sein d’un festival qui a vu les hommes de culture à la tâche pendant deux jours, les 27 et 28 décembre derniers à Korhogo.

Ils sont venus de la région du Poro (Korhogo), du Tchologo (Ferké) et de la Bagoué. De Korhogo à Ferké, jusqu’à Tengrela en passant par Boundiali donc, les faiseurs d’arts se sont retrouvés. Et chacun a montré son savoir-faire et sa spécificité. Au-delà des prestations, l’on a surtout compris que le mot fortuit n’a pratiquement pas de place au sein de la culture sénoufo. Tout a un sens et tout a une raison d’être. Mais, malheureusement, tout n’est pas à la portée de tous. Ce milieu a aussi ses analphabètes et ils sont légion par ces temps modernes. Selon le rituel, ce sont tantôt les non-initiés, tantôt les femmes et même parfois presque tout le monde ; à l’exception de quelques privilégiés triés sur le bout des doigts d’après un héritage culturel ou cultuel bien établi qui a traversé le temps et résisté aux mutations. Le FASSA a essayé de donner un aperçu de ces messages cachés et surtout de mettre en valeur leur aspect éducatif.
Du côté de la région du Tchologo, l’on a fait connaissance avec les femmes du Dongui de Diawala qui n’ont rien à envier à feue Zélé de Papara, sinon sa célébrité. L’intonation alerte, limpide et le message tout aussi captivant. La lead vocal, une sexagénaire aux réflexes d’une véritable bête de scène, a le don de la combinaison des chansons à thème. «Un ami sincère est mieux qu’un frère», ou encore « tout l’or du monde ne peut dissuader ton ennemi de te nuire », ont conseillé ces femmes au public.
Toujours du Tchologo, les festivaliers ont découvert le Djebide Lafilé (département de Ferké), une danse qui précède et annonce l’arrivée du chef de canton. «Mais aussi une danse qui parle au chef et qui, selon son message, peut mettre le chef en courroux ou l’apaiser», a révélé le chef de canton de Korhogo, l’une des rares personnes à cerner le message transmis lors de la prestation du Djebi. Le Tchologo a aussi apporté au festival, le Toumgbolo de Palwalakaha, une danse sacrée exécutée à l’occasion de l’intronisation du chef de canton. Et encore, le Fonombigué de Tcholokaha, une danse de réjouissance et le Pré de Djasséni qui loue les mérite des travailleurs pour les encourager à la tâche pendant les travaux champêtres.

Le FASSA, un festival ouvert au monde sénoufo

On notait également la présence de deux danses venues de la région de la Bagoué à savoir le célèbre N’Goron (avec des jeunes filles aux seins nus) et le Bandjé de Tengrela. Avec le N’Goron, c’est la même interrogation qui revient chez le public : comment le "Sapiguefolo", le plus vaillant des hommes de sa génération, s’arrange t-il pour faire claquer un fouet long de plus de 5 mètres d’un ton retentissant sans jamais toucher ni un danseur, ni quelqu’un dans la foule ? Pour sa part, la région du Poro a mis en exergue deux de ses danses les plus célèbres: le Boloye ou la danse panthère et le Wambêlê. Pour voir le Boloye, les festivaliers conduits par le Directeur de Cabinet du ministre de la Culture et de la Francophonie, M. Fausséni Dembélé, sont allés à la source, précisément à Waraniéné, l’un des villages qui pratiquent cette danse. Là-bas, avant la prestation des danseurs acrobates sur la place du village, certains membres de la délégation, uniquement des hommes, ont eu le privilège d’assister à la sortie des masques, du bois sacré où ils se préparent. Une préparation nécessaire dit-on pour que jamais, ne survienne un accident malgré les figures risquées réalisées par les danseurs. Le Wambêlê, symbole de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody et célèbre pour ses nombreux pouvoirs, était attendu. Certes, dans le bois de la cour de l’hôtel Mont Korhogo où il a fait sa prestation, le "Waouh", comme l’appelle les connaisseurs, a laissé dans la case sacrée ses pouvoirs de masque redouté dont il faut connaître les interdits pour assister à ses prestations. Mais, le rythme des tams-tams qui l’accompagnent, son pas trompeur qui paraît veule et presque maladroit et son regard que tout le monde fuit, peuvent bien suffire pour un spectacle. La région du Poro a aussi présenté le Dozokpori, la danse des chasseurs animée par des masques aux têtes tournoyantes. Bien sûr, l’inévitable balafon en pays sénoufo était là et bien d’autres danses.

Korhogo, un musée plein air

Une autre étape d’intenses découvertes, la visite des sites culturels. Les visites au village du festival installé au sein de l’hôtel Mont Korhogo, mais surtout, les sculpteurs de Koko. L’on a pu découvrir des pièces rares, dont certaines en exemplaire unique. Plusieurs pièces des grands symboles du peuple sénoufo dans du bois sculpté. Le calao par exemple, cet oiseau mythique et surtout symbole de la sagesse, de la fécondité et de la fertilité. Il est le protecteur par excellence. On l’appelle «Ségèn». La culture sénoufo dit qu’il transporte les âmes des morts dans l’autre monde et sert généralement dans les rites initiatiques du Poro. Au-delà de la fécondité, le calao renferme trois grandes notions qui caractérisent le Sénoufo. Son dos large signifie qu’il encaisse beaucoup pour protéger sa postérité.Son gros ventre est le symbole de celui qui sait beaucoup mais qui ne dit mot. C’est la connaissance, le savoir qui se couve, qui ne se dévoile pas. Son bec long, pointu et couché représente celui qui parle peu. C’est l’expression de celui qui ne parle que pour s’engager et cet engagement est symbole de détermination. Mais comme l’a démontré la visite, la plupart de ces pièces sont détenues par des particuliers, parfois chez eux, à la maison. A la portée d’éventuels voleurs ou d’un probable sinistre. Ces risques et la quasi inexploitation de ces joyaux n’ont certainement pas échappé aux organisateurs qui ont inscrit au programme du festival, un colloque pour réfléchir sur l’avenir de la culture Sénoufo. Le volet scientifique et universitaire du FASSA a axé ses réflexions autour du thème : « Patrimoine culturel et renaissance ivoirienne ».

Le colloque, la partition des universitaires pour une société ivoirienne valorisée « Korhogo est une mine d’or culturel qui reste inexploitée », a indiqué Zié Coulibaly, le commissaire général du Festival dont l’ambition est de faire de Korhogo un grand centre de recherche scientifique comme Genève, en Suisse. Selon Dembélé Fausseni, le directeur de Cabinet du ministre Maurice Bandaman, la dimension académique de la culture tient une place de choix dans le programme du ministre.

« Il était donc important de prévoir un colloque à l’occasion de ce festival des arts sacrés à Korhogo», a souligné le collaborateur du ministre de la Culture et de la Francophonie. Pour lui, si par un retour dans son passé, l’occident a fait sa mue pour devenir le modèle de démocratie qu’on connait, nous aussi, nous devons nous référer à notre passé pour aller de l’avant. Dix-sept communications dites par d’éminents chercheurs venus de toutes les universités du pays pour sortir de la culture sénoufo ce qu’elle a de meilleur. Mais aussi, pour jeter un regard sur certains aspects des autres cultures du pays. Des sous-thèmes comme «la femme dans la culture sénoufo», «contribution des masques sacrés à la réconciliation en Côte d’Ivoire», ou encore « l’Adjanou chez les Akans etc.», ont été développés. Un travail de diverses contributions au terme duquel sont sorties des résolutions qui ont été remises au représentant du ministre Bandaman. Deux de ces recommandations préconisent d’une part la construction d’un complexe culturel à Korhogo et d’autre part, l’institution du Fassa en festival National.

Mack Dakota, correspondant
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