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International Publié le mardi 21 janvier 2014 | Diasporas-News

Faada Freddy : « Les artistes africains sont obligés de faire des compromis en Europe »

Chapeau melon vissé sur des dreadlocks faussement négligés, l’artiste séducteur sourit, l’homme timide s’excuse de l’attente. Ces deux personnages se réunissent en un Faada Freddy révolutionnaire en pleine répétition.

Les 17 et 18 décembre, Faada Freddy donnait ses ultimes concerts en France pour couronner une année 2013 marquée par le début d’une carrière solo accolée à la poursuite de l’aventure au sein de Daara J Family. Bilan, projections, coup de cœur et de blues…

Diasporas-News : Faada Freddy, 2013 aura été une année importante car vous avez fait une vingtaine de dates de concert en solo en France et en Allemagne. Qu’est-ce que vous retenez depuis vos débuts jusqu’à cette nouvelle orientation de votre carrière ?

Faada Freddy : Effectivement c’est une année de changement car je démarre une carrière en solo mais je précise que je suis toujours dans le groupe Daara J Family. Si je me retourne sur ces 20 ans de carrière, je me rends compte que j’ai encaissé (des désillusions) dans le business.

J’ai trainé avec des gens qui n’étaient pas compatibles avec nos ambitions. Nous avons vu des « requins » et des gens qui vivent autour du business. Ils ont causé pas mal de blessures et des contraintes qui ont fait que les choses n’ont pas décollé comme nous le voulions. Des blessures et des exploitations qui ont fait que matériellement nous n’étions pas confortables. C’est valable aussi bien au Sénégal qu’en Europe. En tant qu’artiste, tu subis et on peut croire que cela t’affaiblit mais intérieurement t’es plus fort pour te battre pour un idéal en toi.

Dans le business, certains pensent parce que tu es, je ne dirai pas naïf, mais gentil, et donc tu n’es pas au courant de ce qui se passe réellement. Se taire et acquérir de l’expérience afin de savoir dans le futur avec qui tu vas travailler. Et c’est ce qui s’est passé. J’aime observer les gens en sachant qui est qui.

Je suis content que la vie m’est laissé un ami fidèle qui croit en moi et vice versa : Ndongo D. C’est ma plus grande victoire malgré toutes les tentatives pour nous diviser. Je n’ai jamais douté de mon frère Ndongo. Il a été un ami, avant Daara J sur le chemin de l’école. Notre engagement est dans le social mais aussi dans la valorisation de l’Africain, du Sénégalais.

D-N : Est-ce que le fait de venir de Dakar, d’Afrique a joué sur cette forme d’exploitation artistique ?

F.F : Oui c’est la cause fondamentale. Quand tu viens d’Afrique et que tu souhaites faire une carrière internationale, il y a des compromis à faire qui ne sont pas toujours avantageux pour les artistes africains. Quand tu comprends mieux, tu peux voler de tes propres ailes.

D-N : Malgré ces compromis, quelles sont les évolutions artistiques notées sur votre musique ?

F.F : Je suis devenu autodidacte en Jazz, en guitare. J’ai appris le solfège moi même. A l’école, j’étais nul en solfège. A un moment j’ai senti le besoin de m’améliorer, j’ai pris des bouquins de Joe Pass, de Jaco Pastorius. Ce qui fait que parfois je fais un peu de slap ou du tapping sur la guitare.

Je joue à la guitare comme un bassiste parce que le premier qui m’a donné un micro pour chanter est un bassiste et s’appelle Papis du groupe Takou. Je me suis mis à la bass, puis à la batterie, clavier, guitare. Au fur des années, je me suis amélioré. C’est ce qui m’a amené au Scat puis au Jazz. Et je finis par faire un projet comme celui de Gospel Journey avec des percussions corporelles. C’est un enrichissement permanent.

D-N : Quels sont les enseignements de cette tournée ?

F.F : On peut venir du fin fond du Sénégal mais il faut connaître ses valeurs. J’ai beau chanté en anglais mais je reste fondamentalement Sénégalais et Africain. Je dois tout à notre terre, tout. Le Sénégal m’a donné mes premiers enseignements. Tout ce que je fais aujourd’hui c’est pouvoir y retourner un jour et transmettre mon expérience et bâtir la terre. Je suis cultivateur à l’origine, je suis un homme du fleuve. Je travaille, si je gagne de l’argent je vais cultiver la terre.

C’est comme cela que les choses fonctionnent pour moi. C’est une manière de donner le ton aux jeunes qui font de l’exode urbain ou comme immigrer. Si on part c’est pour mieux revenir. Je pars en Europe deux ou trois mois et je rentre avec du matériel, un apport intellectuel, moral ou même financier. C’est important pour moi. Montrer le visage de l’Afrique, celle de la béatitude humaine en développant et montrant nos compétences africaines.

D-N : Faites-vous de la politique dans son sens grec ancien ?

F.F : Oui ! Qu’on le veuille ou non, nous avons tous des attitudes ou une manière de penser qui sont pour un courant politique. C’est comme refuser de voter, c’est contraire aux ambitions de stabilité d’un peuple et son ambition de développement. Je tire mon chapeau à « Y’en a marre » pour son combat pour l’égalité des chances. Je trouve juste dommage qu’en Afrique, que la corruption soit aussi présente dans nos villes, la police, la justice, partout. Mais à chacun sa conscience et son combat. Nous avons tous intérêt à ce que le Sénégal soit un pays qui ait des mains propres.

On peut investir dans nos enfants pour qu’ils aillent étudier à l’étranger afin de revenir un jour et participer au développement du pays. Parfois c’est instable et c’est le cas de Karim Wade. Si l’enfant revient qu’il n’est pas imprégné des valeurs du pays, cela peut créer des frottements. Il ne faut pas que nous condamnions nos enfants à être victime d’un système ou d’une incompatibilité politique.

D-N : Un jugement sur l’actuel régime ?

F.F : La justice est en train de faire de son mieux et j’ai foi en la justice sénégalaise. Je pense qu’il faut que l’Etat sénégalais prenne plus de décisions par lui même et ne pas laisser d’autres pays ou groupes ou lobbys le faire à sa place. Penser à l’intérêt des populations avant tout. Il faut casser les chaines qui nous maintiennent dans une forme de dépendance des lobbys. C’est dommage que certains chefs d’Etat africains copulent avec des lobbys.

D-N : Quel est votre sentiment sur la supposée ou réelle montée du racisme en France ?
F.F : En 1998, Youssou Ndour faisait l’hymne d’ouverture de la coupe du monde de football. J’étais en France et je marchais tranquillement et content de voir Youssou Ndour au Stade de France quand subitement et comme dans un film des policiers sont descendus d’un véhicule pour me pointer des guns sur la tête. J’étais menotté et mis à terre.

Les policiers ont eu un langage raciste : l’un d’eux en regardant mon passeport m’a fait remarquer que je n’avais pas les yeux bleus. La violence du racisme je l’ai vécu pour savoir qu’elle existe. Mais derrière il y a une manipulation des médias qui fait que les gens deviennent de plus en plus individualistes. Toute cette tension sert à des lobbys. On stigmatise telle communauté ou telle autre. Le système crée une sorte de peur. On a des besoins d’amour et de partage.

D-N : Quelles sont les suites de votre carrière solo et celle au sein de Daara J Family après cette tournée ?

F.F : Je suis content de retourner au Sénégal. Il suffit que je fasse deux jours à l’étranger pour que mon pays me manque. Je suis content du travail qui a été effectué autant par Daara J Family que par moi même durant l’année 2013. Ce fut une année de dur labeur mais qui justifie mon existence. Pour moi, il n’y a d’existence que lorsqu’il y a des défis. Je suis content des chemins pris pour aller vers de nouvelles perspectives car en 2014, Daara J Family va sortir un nouvel album début janvier sur le marché national.

J’en sortirai un premier album en tant qu’artiste en solo sur le marché international.

Un EP est prévu en mars et le reste de l’album « Gospel Journey », est déjà mixé. C’est un album révolutionnaire car je vais utiliser mon corps comme principal instrument.

Moussa DIOP
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