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Région Publié le samedi 1 février 2014 | AIP

Enquête sur la léproserie de Chrétienkro (Dimbokro): de la douleur à l’espoir d’une visite d’Etat

Dimbokro - La lèpre est une maladie contagieuse invalidante qui se transmet par voie orale via le bacille de Kock. La période d’incubation, lente, peut aller au-delà de dix ans selon Dr Alain De Kersabec, représentant de la Fondation Raoul Follereau en Côte d’Ivoire et au Bénin, (in ‘’Les repères’’). En Côte d’Ivoire, au nombre des centres d’accueil des personnes atteintes de cette maladie, figure celui situé à environ deux kilomètres de la ville Dimbokro communément appelé Chrétienkro et qui abrite encore une vingtaine de malades. Les malades de ce centre, bandonnés à leur propre sort meurtris par la douleur espèrent retrouver le sourire avec une "probable" visite d'Etat du Président Ouattara dans la région.

Historique du centre

Selon Lancina Sangaré, ex-premier adjoint au maire de la commune de Dimbokro, affectueusement appelé "La bibliothèque" pour ses nombreuses connaissances sur l’histoire de Dimbokro, l’ouverture de ce centre a été favorisée par l’existence de l’hôpital de la ville appelé "L’ambulance" au quartier Commerce dans les années 1943-1944. Les lépreux étant vus comme des hommes complètement finis, et pour leur donner de l’espoir et faciliter leurs soins, un centre a été ouvert à côté de cet hôpital pour les accueillir. Par la suite, un centre plus grand a été ouvert. Il abrite aujourd’hui le terrain de golf. Ce centre était dénommé "Service de la trypanosomiase" et accueillait, en plus des malades atteints de trypanosomiase, ceux de la lèpre. "C’est dans ce centre qu’a servi l’artiste Amédée Pierre comme infirmier autour de 1960. C’est quelques années après que le service des grandes endémies a ouvert pour continuer à donner les soins à tous ces malades », a rappelé le doyen Lancina Sangaré.

Poursuivant, il a dit « c’est pour éloigner les malades de la lèpre que des religieux catholiques, comme ils l’ont fait aussi à Adzopé, ont créé ce centre d’accueil dénommé "Chrétienkro". Aux dires d’Adama Koné, chef de Chrétienkro, c’est un prêtre Italien du nom de Père Berger qui a démarré les travaux de construction de cette léproserie en 1972. Et quand il est rentré pour cause de maladie, il a été remplacé par le Frère Elias. "A ce temps-là, on s’occupait bien de nous. On nous envoyait des vivres, des vêtements, des récipients... En tout cas, on prenait vraiment soin de nous au point qu’on ne se rendait plus compte de nos handicaps", a-t-il dit, précisant que Chrétienkro compte une trentaine d’habitations, un dispensaire, une église catholique, un grand préau servant de salle de réunions, et une cordonnerie.

Des malades abandonnés à leur sort

Très nostalgique, Adama Koné qui s’est replongé dans les beaux jours du centre, déplore que depuis le départ des religieux Italiens dans les années 1992-1993, les habitants de Chrétienkro sont abandonnés. "C’est seulement à la faveur de la journée nationale des lépreux que nous recevons quelque chose de nos autorités de la ville", a-t-il fait remarquer, non sans préciser "ce sont les Sœurs catholiques et l’ONG Amis des malades qui nous apportaient de l’aide deux fois par mois".

"Malheureusement depuis la crise, plus aucune aide ne nous parvient. Nous avons faim. Certains malades, les moins affectés qui peuvent encore utiliser ce qui reste de leurs doigts, veulent cultiver la terre pour nourrir leurs familles. Malheureusement ils ne parviennent pas à acquérir de portion de terre", a-t-il dit.

C’est le cas du jeune Siallou Yao, malade guéri. "J’avais obtenu une parcelle de forêt que j’avais fait défricher par des jeunes gens moyennant de l’argent. Au moment où je devais faire les buttes pour planter mes ignames, des voisins de Chrétienkro, précisément leur chef m’a arraché la parcelle alléguant qu’en venant ici, nous ne sommes pas arrivés avec de la forêt", a-t-il révélé, fondant en larmes, et plaidant comme le chef de Chrétienkro, afin que le président de la République et le gouvernement se penchent sur leur situation.

"Nous sommes des invalides et c’est rarement que ceux qui ont encore leurs parents en vie reçoivent d’eux de quoi pour survivre. Et quand pour des raisons quelconques ceux-ci nous oublient, c’est en ce moment que nous ressentons plus les douleurs de nos handicaps", ont soutenu l’ensemble des habitants de Chrétienkro.

Cependant quelques aides leur sont octroyées

M. Yoboué, chef du service financier de la mairie de Dimbokro a indiqué que la commune octroie chaque année une subvention de 400.000 FCFA au village de Chrétienkro. Cette subvention est donnée en vivres et non vivres chaque année lors de la célébration de la journée des lépreux. A cette aide, s’ajoute l’appui de la Communauté des sœurs de la charité Sainte Anne de l’église catholique, communauté créée en 1974.

"L’un des volets essentiels de notre mission c’est d’assister les malades atteints de la lèpre et qui vivent sur le sol de Chrétienkro", a révélé la responsable de cette communauté charitable, ajoutant par ailleurs, "on sait rendu compte que les malades de la lèpre ainsi que ceux qui en étaient déjà blanchis étaient délaissés après le départ des Frères Italiens. Ils étaient abandonnés entre les mains de la direction départementale de la santé. La plupart des malades et des mutilés de cette maladie ont été délaissés par leur famille. Et c’est lors de la journée mondiale qu’il est jeté un regard sur eux".

Selon elle, la Communauté des Sœurs de la charité de Sainte Anne de Dimbokro s’est résolue à leur donner deux repas par semaine, avec l’appui de la Fondation Raoul Follereau. Mais compte tenu des difficultés actuelles, la communauté ne leur achete que des vivres une fois tous les deux mois.

"A chaque rentrée scolaire, nous payons ce qui reste des fournitures des enfants après que les parents ont payé ce qu’ils peuvent payer", a également expliqué la responsable de cette communauté. Qui précise que la communauté prenait en charge les frais de cercueil quand un des malades venait à décéder. "Depuis trois ans, c’est la Fondation Raoul Follereau qui envoie l’argent pour toute l’année. Ce qui constitue un appui pour nous", a-t-elle expliqué, indiquant en outre que la communauté met deux infirmiers à la disposition de ces malades deux fois par semaines, les mercredis et samedis, en dépit de l’accès difficile à ce village surtout en période de pluie est difficile.

Un ancien malade, fabricant de chaussures pour les lépreux

Brou Kouassi Samuel est un malade guéri de la lèpre. A la différence de tous les autres qui ont été moins affectés, il a un métier, celui de cordonnier. Brou Kouassi a d’ailleurs reçu une formation en plus de ses connaissances personnelles pour confectionner les chaussures des pensionnaires de cette léproserie.

Il est pour le moment, selon lui, le seul artisan de ce domaine à l’intérieur du pays. "J’ai fini de fabriquer les chaussures des malades de Dimbokro. J’ai également fini pour ceux de Toumodi. Et je suis aujourd’hui en train de confectionner celles des malades d’Amanikro dans le département de Bouaké. De là, je partirai pour Daloa", a-t-il confié.

Malgré ce travail abattu, le cordonnier dit ne pas percevoir de rémunération jusqu’à présent, mais qu’il est prévu quelque chose pour lui. "C’est le représentant de Raoul Follereau qui me donne les matériaux avec lesquels je travaille. Pour le moment on ne me donne rien. Mais quand je dois me déplacer dans le cadre mon travail, d’une ville à une autre, c’est lui qui paie mon transport et assure les frais de mon hébergement. Pour le salaire, il est prévu un montant par paire de chaussures fabriquées", a-t-il précisé.

Chrétienkro et son chef attendent énormément de la visite du chef de l’Etat qui se rendra bientôt dans le N’Zi pour une visite d’Etat. Dans cette attente les pensionnaires de Chrétienkro, toujours affectés comptent retrouver le sourire.
D’après des statistiques, la prévalence de la lèpre est en baisse considérable dans le monde chutant de 5,2 millions de cas en 1985 à quelque 228.474 cas en 2010.

Zgrp/Ask
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