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Politique Publié le samedi 15 février 2014 | Nord-Sud

Kanigui Mamadou Soro, député de Sirasso, L’homme qui ne veut ressembler à personne

Kanigui Mamadou Soro s’est engagé tôt aux côtés de la rébellion de septembre 2002 en Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, à la tête du Réseau des amis de la Côte d’Ivoire(Raci), il arpente le pays profond pour prêcher la paix. Zoom sur un homme qui a bien surmonté son handicap physique.



Il se tient difficilement sur les pieds. C’est même aidé d’une canne qu’il se déplace, parce que frappé dès le bas âge, précisément à quatre ans, par une poliomyélite qui le prive de l’usage des membres inférieurs. Mais ce handicap n’entache en rien le parcours de ce fils de planteur sénoufo, né le 25 décembre 1973, à Aboisso. Bien au contraire. « C’est un homme à poigne, courageux qui sait défendre ses convictions », témoigne le député de Fresco, Daniel Domené Zadi. Aujourd’hui, député de Sirasso, Kanigui Soro a réussi à fédérer les élus et cadres de toutes les contrées de la Côte d’Ivoire dans une structure qu’il préside lui-même, le Réseau des amis de la Côte d’Ivoire (Raci). « Ce qui me fait courir, dit-il, c’est la paix et la réconciliation ». Le président du Raci croit que la guerre est finie, et que le temps est maintenant venu de construire un modèle de société ivoirienne. «Il faut que je me mette au service de la nation, y compris de ceux qu’hier j’ai combattus». En effet, Kanigui, (qui signifie en sénoufo un autre garçon), a combattu aux côtés de la rébellion armée de 2002. Et il l’assume. Il a été en effet le délégué général des Forces nouvelles à Korhogo. «Tout le monde connaît Kanigui à Korhogo pour son franc-parler. Il dit ce qu’il pense et l’assume », témoigne notre correspondant, dans le district des Savanes, Cheick Timité, qui dit avoir été témoin de plusieurs de ses échanges avec les populations. « Dans toute la région, Kanigui est craint et respecté », ajoute-t-il. Mais si l’homme est tant redouté dans la cité du Poro, c’est qu’au-delà de sa franchise, Kanigui Soro se révèle comme un intrépide défenseur de ses convictions. Souvent au péril de sa vie. Le dernier événement en date, c’est la marche gigantesque sur Abidjan des populations de l’intérieur du pays, en décembre 2010, pour exiger le respect du verdict des urnes de l’élection présidentielle tenue la même année. Les marcheurs venus de plusieurs régions de l’ex-zone Cno ont été impressionnés par le courage de Kanigui Soro, ce 15 décembre. Ce jour-là, les manifestants avaient été stoppés après N’Guattadolikro, à environ sept kilomètres de Tiébissou, par des forces pro-Gbagbo. « Kanigui Soro était, malgré son handicap, en première ligne », se souvient Nerguégnon Tuo, l’un des manifestants convoyés, à Bouaké, à bord d’une cinquante de cars. Le député de Sirasso soutient qu’après le Forum de la réconciliation en 2001, il était dans les prédispositions d’une rébellion. D’ailleurs, dit-il, la situation était telle que si Guillaume Soro n’avait pas été le chef de cette rébellion, peut-être que je l’aurais été. Aussi, Kanigui Mamadou ne cache-t-il pas son estime pour le président de l’Assemblée nationale. «J’admire Guillaume Soro, parce qu’il a appris à se battre et à défendre des convictions. Et il est cohérent avec ce qu’il fait », note-t-il. Mais le fils de Kolo Soro et Silué Tiépélé, ne veut pas ressembler à celui qu’il dit admirer. «Ressembler à Guillaume Soro, c’est ne rien lui apporter. Je ne veux ressembler à personne, à part moi-même», clame le député de Sirasso. « Dans la vie, ajoute-t-il, pour être utile, il faut être un complément des autres». Eh bien, là, c’est le philosophe qui parle! Kanigui Soro était en effet un très brillant élève, notamment en littérature. « En classe de terminale, il était le meilleur en philosophie », témoigne l’un de ses camarades de classe. Révolté par ‘‘les injustices’’ de la société, Kanigui Soro voulait consacrer sa vie à la défense des plus faibles. C’est pourquoi il rêvait de devenir avocat. Malheureusement, Kanigui Soro sera orienté contre son gré en faculté de criminologie, après son baccalauréat obtenu au lycée moderne de Divo. Le nouvel étudiant se résigne en criminologie, après avoir vainement remué ciel et terre pour se faire réorienter en droit! En cette fin des années 1990, l’université fonctionne au rythme de l’actualité politique. Et c’est là que commence l’orientation politique du destin de celui qui voulait défendre la cause des opprimés. Kanigui Soro ne tardera pas à se rapprocher de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) dirigée alors par un certain Guillaume Soro. Mais si Kanigui Soro adhère à la lutte du syndicat, il ne digérera pas ‘‘l’allégeance’’ de la Fesci, dirigée par Charles Blé Goudé, au Front populaire ivoirien (Fpi), dès sa prise du pouvoir, en 2000. Le révolté rédige un réquisitoire qu’il affiche au campus et dans les cités universitaires pour dénoncer le ‘‘virage de la Fesci’’. Ce texte titré : « Non à la prostitution de la lutte estudiantine », lui attire le courroux de celui qui avait réussi à s’imposer, par la machette, à la tête de la Fesci. Mais curieusement, Kanigui Soro n’est pas intimidé par le rapport de force qui était bien en sa défaveur. Lors d’une émission dénommée « Le débat contradictoire », animée par le journaliste Ben Zahoui, à la télévision nationale, Kanigui Soro dénonce les crimes du secrétaire général de la Fesci : « S’il y avait une justice en Côte d’Ivoire, toi Blé Goudé, tu serais au bâtiment C de la Maca ». Au Forum de réconciliation nationale initié par le pouvoir Fpi, Kanigui Soro, alors à la tête d’un Forum des élèves et étudiants libéraux de Côte d’Ivoire (Feelci), revendique et obtient le droit à la parole alors qu’il avait été préalablement exclu, avec plusieurs autres associations. Il était accompagné par Alphonse Soro et Monsea Blaise, représentant respectivement les jeunesses du Nord et de l’Ouest. Le directoire dudit forum avait fini par accéder à leur requête, d’autant plus que Blé Goudé avait parlé la veille, bien qu’il n’y était pas autorisé. « Il fallait rétablir les faits que Blé Goudé avait tronqués la veille », se souvient le président du Raci.
Mais le lundi, 7 novembre 2001, l’étudiant Kanigui Soro sera tabassé et laissé dans une mare de sang par les nervis de Blé Goudé. Kanigui Soro s’était entêté à se rendre au campus pour les compositions, malgré les menaces du patron de la Fesci. « J’ai eu la vie sauve grâce à Farik Soumahoro, alors adjoint au maire d’Adjamé », se remémore-t-il. Mais contre toute attente, il est transporté d’urgence à l’hôpital, avant de retourner le lendemain poursuivre ses épreuves ! « Tu es vraiment têtu», lui a lancé l’un des agresseurs de la veille. Aujourd’hui, à la tête du Raci, Kanigui Soro Mamadou dit avoir pardonné à ceux qui ont voulu lui arracher la vie pour ses convictions. Aussi, ne manque-t-il pas de demander pardon à tous ceux qu’il aurait offensés durant ce parcours rythmé par les crises politiques du pays. « Le Raci est constellé de cadres de toutes les régions de la Côte d’Ivoire. C’est par la volonté de ces cadres que la paix et la réconciliation s’installeront durablement en Côte d’Ivoire », assure-t-il. Homme de caractère, Kanigui Soro est également connu comme un homme ouvert, mais qui n’aime pas la trahison. Passionné de littérature, Kanigui Soro est également un sportif. N’a-t-il pas été plébiscité par ses camarades, au collège moderne de Guitry, président du Club des amis du sport (Cas) ? « Je jouais à quatre pattes au football », se vante-t-il, pour dire qu’il s’est très vite affranchi du complexe de son infirmité. La petite enfance de celui qui sillonne aujourd’hui le pays pour rassembler les Ivoiriens est bien restituée par une ancienne conseillère pédagogique ayant servi à Guitry, Mme Gabra. « C’était un enfant courageux, brillant et attachant », témoigne celle qui a apporté au ‘’petit Soro’’, toute la chaleur maternelle, à l’école primaire de Guitry. C’est également un homme très affectif, comme en témoigne son épouse, Yoh Soro, qui porte en ce moment la grossesse de leur quatrième enfant. «Il n’a jamais le temps, mais je suis habituée maintenant », se résigne-t-elle. Pour ce qui est de sa religion, Kanigui Mamadou Soro avoue que sa pratique de l’Islam laisse à désirer. «J’ai fait le bois sacré », confie-t-il. « ‘‘Chou’’ (c’est ainsi qu’il appelle son épouse : ndlr) est chrétienne et moi je suis né musulman », fait-il savoir.


Par Ténin Bè Ousmane
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