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Société Publié le mercredi 26 mars 2014 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Sandrine Assemian, prêtresse Komian : ‘‘Nous sommes une puissance métaphysique, ancestrale, à ne pas négliger’’

«Je suis Komian et je le défends». Sandrine Assemian, prêtresse Komian ne cache pas sa dévotion et son engagement à faire valoriser la richesse de la tradition africaine méconnue par beaucoup d’Africains. Ceux-ci ont tendance, déplore-t-elle à porter leur regard sur «ce qui vient d’ailleurs» et à oublier «ce qu’ils ont de bons chez eux». Komian, religion de base africaine, renseigne avec Sandrine Assemian – sans être dans la négativité sur «tout ce qu’il y a de positif» – sur tout ce qui est métaphysique, fétichisme, sorcellerie, sort, etc.

Comment êtes-vous devenu Komian ?

Tout ce qui a trait à la tradition, on ne le choisit pas. Cela devient une obligation. Ce n’est pas comme dans d’autres religions où certains peuvent décider de devenir prêtres ou pasteurs. Dans la tradition, ce n’est pas le cas. Il arrive un moment de ta vie où, tu te rends compte que tu es dans l’obligation de suivre la tradition. Donc, il n’y a aucun choix. Ailleurs, des personnes décident d’être prêtres et on en voit beaucoup qui ne respectent pas réellement ce qu’ils enseignent. Etre Komian, c’est le même riruel que toutes les autres religions. Les prêtres ont suivi une formation. C’est le cas aussi chez les musulmans !

Etre Komian, c’est donc appartenir à une religion ?

C’est une religion. Nous sommes des prêtres traditionnels. Le fait d’être Komian représente une religion de base. Celle de nos ancêtres avant les religions importées.

Etant prêtresse Komian, quels sont vos enseignements ?

On n’a pas la prétention d’enseigner quoique ce soit. Nous sommes une représentation physique, une sorte d’intermédiaire pour diriger, guérir, conseiller, délivrer. C’est le panel de tout ce qu’il y a de positif et qui nous concerne tous, en Afrique. C’est-à-dire tout ce qui est métaphysique, sorcellerie, sort, etc. Le Komian nécessite un grand respect. Ce n’est pas un choix, c’est quelque chose qui se perpétue. C’est très sérieux, puissant et concret. Nous représentons la sagesse africaine.

Comment procédez-vous lorsque vous êtes sollicités ?

Quand on s’adresse à nous, tout commence par la consultation. Pour définir et voir tout ce qui est bonne chance. Nous cherchons à savoir quel est le problème de la personne et comment le résoudre naturellement par les plantes. Mais, par sagesse et sans faire de mal. C’est faire un inventaire total sur la vie de la personne qui s’adresse à nous et que nous guidons. C’est réussir à retracer la vie d’une personne.

C’est une perception plutôt métaphysique ?

C’est métaphysique puisque c’est le Bossonisme. N’empêche, ce sont nos religions de base, nos origines ! Même en dehors du Komian, dans les autres ethnies – chez les Agnis ou Baoulé –, dans d’autres traditions, tout se rejoint. Chacun a sa religion de base avant d’opter pour les religions importées. Chaque ethnie, chaque région a ses bases religieuses que nous, nous appelons prêtres Komians.

Comment appréhendez-vous qu’on vous identifie à des féticheurs ou féticheuses ?

Le mot féticheur est vulgaire. Parce que beaucoup se disent que le féticheur c’est le sorcier, avec un os dans les cheveux, dans le nez et qui jette des sorts. Non, les fétiches ne sont pas forcément négatifs. Il faut le respect nécessaire. Par exemple, la majorité des gens viennent vers nous en pensant qu’ils vont juste bénéficier d’un sort protecteur sans comprendre qu’il s’agit d’abord de respecter quelque chose. Dans toutes les religions il y a des règles et la vie en est régie. Beaucoup ne comprennent pas qu’il faut être investi, car on s’adresse à une puissance. Ceux qui ne le comprennent pas ne peuvent jamais atteindre leur objectif. Ils diront : ‘’On va voir ces gens-là, on paie, on fait des sacrifices mais rien n’aboutit’’. Ce n’est pas de la magie ! Nous sommes capables de grandes choses, de soigner beaucoup de maladies, d’exorciser, etc. Mais, il s’agit d’un réel investissement et d’un respect à y apporter – auquel cas tout est vain. Le regard que doivent avoir les gens, c’est de simplement comprendre qu’il n’y a pas rejet à avoir. Il ne s’agit pas d’une guerre de religion. Il serait bénéfique à tout le monde de reconsidérer ses origines et ses traditions. Etre Komian, nous le sommes avec dévotion. Ceux qui ne seront pas satisfaits, ne se seront pas investis ou, ils ont voulu eux-mêmes se tromper en voulant tromper la tradition.

Sont-ce là des situations qui arrivent généralement?

Bien sûr ! Beaucoup de gens viennent, en étant concentrés que sur leurs besoins du moment. Ils peuvent paraître respectueux et investis. Mais, il ne s’agit pas d’aller vénérer des choses et poser des actions contraires. Il s’agit d’un réel respect. Il faut réellement comprendre la personne qu’on a en face de soi et savoir que c’est une religion, une puissance métaphysique, ancestrale, à ne pas négliger ! C’est ce qui nous a toujours protégés. Il n’y a pas de raisons que cela change.

Vous prônez donc une reconsidération dans l’approche du Komian et de la tradition?

Qu’on sache que les traditions sont là pour nous aider, et non nous détruire. Il y a du mauvais dans tout mais, à la base, les Komians – les prêtres traditionnels, sont là pour aider et soigner. Ceux qui ont sollicité les Komians et qui se sont dits insatisfaits, c’est qu’ils ont voulu tromper la religion. Dieu est au dessus de tout. On ne trompe pas Dieu. Ils ont voulu satisfaire un besoin du moment sans être réellement investis. Avec une réelle reconsidération, un réel respect de la tradition, nul ne se dira jamais insatisfait.

Ailleurs, dans les religions importées, il existe des écrits à l’exemple de la Bible chez les chrétiens, le Coran avec les musulmans, etc. En est-il de même chez les prêtres traditionnels – Komians ?

Au risque de ne pas tout savoir, je dirai tout simplement que je n’ai connaissance des traces écrites par rapport à tout ce qui est tradition. Quand la Komian ou le Komian forme ses élèves, c’est ainsi qu’il y a transmission. Il nous revient de produire des écrits. Mais, je pense qu’il y a tout de même une différence avec les religions importées. On ne peut pas les comparer ! Il n’y a pas de prières chez les Komians. Il s’agit de puissances réelles et non de simples récitations.
Je pense que je serai amené à laisser de toute façon des traces auprès de ceux que je formerai. (Rires) Si j’ai la possibilité d’en laisser d’une autre manière, ce serait génial ! Mais, du peu que je sais, je vais défendre cette cause.

Pour une Komian qui est loin du village et des plantes, n’est-ce pas difficile d’exercer en ville ?
C’est un peu fatiguant. Car, pour chercher des plantes et autres remèdes, il faut se déplacer loin. Du coup, cela devient une expédition. C’est le plus dur, le fait de ne pas avoir les produits, les arbres qu’il faut, les racines à portée de mains. Il faut aller loin pour chercher ce qu’il faut. En dehors de cette difficulté, ça ne dérange pas. Le fait d’être en ville ne m’empêche pas d’être Komian.

Cette méconnaissance de la valeur des Komians n’est-ce pas le fait d’être porté vers la modernité ?

Les Ivoiriens sont beaucoup portés sur ce qui vient d’ailleurs. Du coup, ils oublient de regarder ce qu’ils ont de bons chez eux. C’est aussi ce qui nous met en retard. Alors que nous-mêmes, nous avons d’énormes possibilités qui sont à exploiter mais, les jeunes les rejettent. Ils les méconnaissent et ne les soutiennent pas. Ils se font embrigader. Finalement, on ne fait que suivre les autres, alors que nous pourrions être plus forts avec nos croyances à nous. Les Américains ont leur manière de fonctionner et ils dirigent le monde. Si les Africains savaient ce qu’ils valaient et comprenaient la puissance qu’ils détiennent à l’intérieur de leur pays – c’est-à-dire tout ce qu’ils ont comme possibilités et puissances qui reposent sur leurs traditions et leurs religions de base –, ils ne seraient pas à la traîne, derrière tous les autres. (D’un air triste) On ne sait pas exploiter ce qu’on a, et on l’accepte. Il faut amener les gens à se cultiver sur leurs origines et leurs traditions.

Il est connu que la culture, dans les pays qui se sont développés, a été un pilier non négligeable. N’est-ce pas que la culture continue d’être en Côte d’Ivoire un parent pauvre?

Il n’y a aucune raison que ce ne soit pas possible ici. Nous ne sommes pas bien partis, voilà pourquoi il y a une réelle prise de conscience à avoir. Au lieu de se chamailler et de regarder ailleurs, on ferait mieux de se concentrer sur nos cultures. C’est ce qui fait avancer les peuples. Les Américains se sont basés sur ce qu’ils ont, et ils sont au sommet de la connaissance. Nous, notre problème, au lieu de compter sur ce que nous avons et avancer avec, on veut forcément se mettre en dessous de ce que les autres nous ont apporté et nous ont infligé. Ils ont écrasé nos dieux pour nous mettre en esclavage et nous déraciner. Au lieu de briser ces chaînes – on les brise en apparence – on les cultive chaque nuit en dormant. On a adopté quelque chose [Ndlr ; religions importées] sans rien y comprendre et on se plaint. Je suis Komian et je le défends. Au final, dans toute l’Afrique, nous avons tous des points communs. Le Komian a ses équivalents au niveau du Vaudou. Tout est équivalent, dans toute l’Afrique, en termes de culture et ce n’est pas que pour faire du mal. Il n’y a pas que le Komian qui viendra changer les choses, mais la conjugaison de tous.
Réalisée par Koné Saydoo
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