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Art et Culture Publié le mercredi 26 mars 2014 | Nord-Sud

Zio Moussa (Pdt de l’Olped) : “Nous n’avons pas vocation à punir les journalistes”

Zio Moussa, président de l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et de la déontologie (Olped), a présenté, récemment à Abidjan, le site internet de sa structure en vue d’accroître la visibilité des actions en direction des journalistes. Il en a profité pour jeter un regard critique sur la corporation.

A quoi répond la création du site internet de l’Olped ?
L’objectif principal est d’être dans le concept sociotechnique. Il faut répondre aux changements, aux progrès et aux évolutions technologiques qui conditionnent aussi la pratique du journalisme. L’Olped étant une organisation professionnelle de journalisme essentiellement, doit pouvoir mettre à la disposition des journalistes l’essentiel des débats sur le métier et rendre visible un certain nom­bre d’idées. L’Olped veut capter des savoirs sur son site internet au profit des journalistes.

A quoi sert réellement l’Olped ?
On peut dire à quoi sert la gendarmerie ? A quoi sert la justice ? A quoi sert la police ? S’il y a toujours de grands criminels qui courent les rues, c’est la même question. L’Olped n’est pas un gendarme qui frappe les journaux et met les journalistes fautifs en prison. Au contraire, ce que fait l’Olped, c’est de contrôler l’exercice de ce métier au sens de responsabiliser socialement les journalistes. Nous travaillons sur l’esprit des journalistes pour qu’ils adoptent les meilleures pratiques. Nous n’avons pas vocation à punir comme on le voit avec les tribunaux, la police et autres. Nous recherchons la qualité de ce métier dans son exercice.

Que peut et que fait concrètement votre structure ?
Nous faisons beaucoup de choses. Nous avons eu un long moment de silence quand la crise a commencé en 2002, parce que nous n’avons pas voulu continuer les communiqués pour livrer les journalistes à la vindicte populaire. Déjà avant la crise, les gens se servaient de nos communiqués pour porter plainte et c’était une réaction contraire à nos attentes et à nos objectifs. Mais nous avons continué de faire du monitoring, c’est-à-dire de faire le suivi et l’évaluation éthique et déontologique des médias. Il existe des données importantes que nous allons mettre sur le site qui concernent la période de crise. Nous avons gardé le silence pour protéger les journalistes. Nous avons aussi réglé des problèmes qui ont évité aux journalistes d’aller en prison. Nous avons eu plus de 500 plaintes en 19 ans d’existence. Nous avons, entre autres, organisé des formations pour les journalistes et les dernières étaient en 2013 ; nous avons formé 60 journalistes. Nous menons une diplomatie de l’ombre, c’est-à-dire parfois quand les journalistes doivent se retrouver devant les tribunaux, nous faisons en sorte que ce ne soit pas le cas.

L’Olped a-t-il des moyens de répression ?
Quand vous travaillez sur l’esprit d’une corporation, la meilleure pression c’est la sanction morale. Quand un journaliste commet une faute déontologique et éthique, on le sanctionne en lui faisant réparer la faute. Cette réparation doit être publiée dans le journal. Dans le journalisme, partout à travers le monde, cette sanction est la plus dure. Mettre un journaliste en prison n’est pas toujours la sanction la plus adaptée.

Pensez-vous que les journalistes tiennent vraiment compte de vos décisions ?
Des journalistes ont eux-mêmes témoigné que quand ils voyaient les communiqués de l’Olped, ils se sentaient immédiatement interpellés. Ils font donc l’effort de bien écrire.

Vous faites partie de ceux qui pensent que les journalistes n’ont pas aujourd’hui un bon niveau. Quelles sont les causes du mal?
Il y a deux explications qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. La première, c’est que la formation de base. Même quand un journaliste a une formation universitaire importante, ce n’est pas un niveau excellent. Le second axe c’est que beaucoup de journalistes qui exercent aujourd’hui n’ont jamais été formés de façon formelle dans une école, dans un institut, dans une université, dédié au journalisme pour apprendre la théorie et par la suite voir comment la mettre en pratique. Nous vivons dans un monde compliqué et complexe et les journalistes se sont donnés la mission d’expliquer ce monde. Mais si vous n’avez pas la clé pour le faire, c’est-à-dire le savoir nécessaire, savoir universitaire et professionnel, c’est difficile. Le niveau des journalistes ivoiriens n’est pas excellent. Combien de journalistes ivoiriens qui font du journalisme politique dont les éditos font autorité ? Citez-moi un seul. Combien font du journalisme économique dont les écrits font autorité dans le monde des finances et de l’économie ? Il n’y en a pas.

Qu’avez-vous reproché aux candidats du dernier prix Ebony ?
On n’est pas fondé à expliquer cela individuellement. C’est juste une sanction. Je dirais pour punir un travail qui a été mal fait. On ne décerne pas un prix tout simplement parce qu’il doit être décerné de peur que le métier voit son image détériorée ou salie. Ce qui détériore plutôt l’image du métier, c’est la façon dont les journalistes l’exercent. Toute la chronique que le journaliste va défrayer. Après la non attribution du prix, voyez tout ce qui nous est arrivé, c’est ça le métier. Le prix ne peut pas être attribué à des papiers qui ne répondent pas du tout aux règles élémentaires du métier.

Quelles critiques faites-vous des papiers que vous avez reçus ?
Il y a eu beaucoup de confusion de genres dans les papiers que nous avons reçus. Quand on fait un reportage, il y a des règles. On ne confond pas un reportage avec une enquête et vice-versa. On ne confond pas un reportage avec un compte rendu. On ne confond pas une interview avec une banale causerie. L’interview date de 1835 aux Etats-Unis, ce qui veut dire qu’elle a plus de deux siècles d’existence. L’enquête a des règles, le reportage a des règles, le compte rendu a aussi des règles. Il y a sept genres journalistiques, réunissez les journalistes ivoiriens et demandez leur combien de genres journalistiques ils connaissent. S’ils en citent demandez leur comment ils s’écrivent, quelle est la différence entre un billet et un filet ? Entre une enquête et un reportage ? Ils ne le savent pas.

Ne pensez-vous pas que les conditions de travail soient l’explication de la médiocrité que vous déplorez aujourd’hui ?
Il y a plusieurs explications dont la plus importante est l’absence de savoir relativement aux règles du métier. Et c’est ce que le prix Ebony sanctionne. Si le prix doit tenir compte des conditions de travail, il ne sera plus un prix d’excellence.

Que répondez-vous à ceux qui voient en la décision de votre jury un conflit de générations ?
Ce sont des expressions qui, selon moi, sont dépassées. Penser cela, c’est faire preuve de nanisme intellectuel. Les règles sont universelles et ne tiennent pas compte de l’âge, des générations et des races. Quand je rencontre un confrère américain ou français, nous sommes d’accord sur les règles. Les journalistes ivoiriens ramènent toujours tout à des explications bancales qui n’ont rien à voir avec des explications scientifiques et professionnelles. Les notations se font sur la base de règles.

Que répondez-vous à ceux qui réclament votre départ de la tête de l’Olped, pointant la durée de votre mandat?
J’aimerais bien savoir qui demande mon départ. Ceux qui pensent que si je quitte la tête de l’Olped j’arrêterai de dire tout ce que je pense de la façon dont ils font le métier se mettent le doigt dans l’œil. Nous continuons de demander de l’argent à nos partenaires pour organiser nos congrès et changer nos instances. Je ne pense même pas que l’Olped ait du pouvoir. Il est un outil d’amélioration des pratiques journalistiques. Ce sont les institutions internationales et l’Etat qui doivent nous subventionner. C’est cette année que le fonds a décidé de nous donner de l’argent et c’est depuis 2013 que nous sommes inscrit au Plan national de développement (Pnd) pour avoir de l’argent de l’Etat afin de véritablement fonctionner et organiser nos activités, nos congrès, etc. Donc j’invite tous ceux qui réclament mon départ de l’Olped, à venir le récupérer. Tout compte fait, j’ai déjà signalé à mes collègues que je pars à l’issue du prochain congrès qui sera organisé dès que nous réunirons l’argent nécessaire pour cela.


Réalisée par EG (stagiaire)
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