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Société Publié le samedi 12 juillet 2014 | AFP

A Abidjan, "déguerpissement" des habitants à risque pour éviter de nouvelles victimes de la pluie

© AFP Par SIA KAMBOU
La campagne de "déguerpissement" de quartiers à risque a débuté à Abidjan
Vendredi 11 juillet 2014. Abidjan, Attécoubé.
Abidjan - Des cris sourds résonnent et les larmes coulent alors que la pelleteuse démolit une maison accoudée à une colline : la campagne de "déguerpissement" de quartiers à risque a débuté à Abidjan, où les glissements de terrain mortels se sont multipliés.

La machine arrache les pans de murs pourtant épais et les fins toits de tôle avec une facilité déconcertante. En une demi-heure à peine, plus rien ne subsiste des trois maisons, réduites à un tas de gravats.

Des dizaines de personnes se sont amassées, tenues à distance par un cordon policier, alors que l’engin s’active. Quelques jeunes invectivent. Plusieurs femmes sanglotent doucement. "C’était ma maison", murmure l’une d’entre elles.

La campagne de "déguerpissement" de quartiers dit "précaires" d’Abidjan,
démarrée au printemps dernier, a repris de plus belle vendredi.

Une cinquantaine de petits lotissements, où familles pauvres et de classe
moyenne se côtoient, seront démolis partout dans la ville pour éviter de
nouveaux éboulements mortels.

Les glissements de terrain se sont multipliés depuis juin, provoqués par
des pluies diluviennes. Au moins 23 personnes ont péri dans la capitale
économique ivoirienne, pour 39 victimes à l’échelle nationale, selon un
dernier bilan communiqué vendredi.

Les autorités, taxées de laxisme, ont donc voulu réagir. "Nous ne voulons
plus être indexés. Chaque fois qu’il y a mort d’homme, c’est à Attécoubé",
explique Théodore Koffi, le secrétaire général de la mairie de cette commune
pauvre d’Abidjan.

A la base du problème, le manque de terrain dans la mégalopole de six
millions d’habitants, où les constructions destinées aux classes plus aisées
font pourtant florès.

Les moins riches, qui cherchent à se loger à proximité de leur lieu de
travail et non dans la lointaine banlieue, pour éviter d’onéreux trajets,
s’établissent où ils le peuvent.

"Quand ma famille est arrivée d’Odienné (Nord-ouest), tout était +colliné+
(vallonné) ici", se souvient Sékou Sylla, un membre de l’opposition au conseil
municipal d’Attécoubé, qui dit avoir subi la destruction de sa maison parce
qu’il s’opposait aux +déguerpissements+.

- "Illégalité" -

Désormais, les maisons s’entassent au gré des humeurs de leurs
propriétaires. Les collines sont creusées méthodiquement pour faire de la
place à de nouveaux arrivants, au péril des habitants demeurant à leurs
sommets ou à leurs bases quand il pleut trop fort.

"Les terrains sont vendus par les chefferies traditionnelles. La plupart
des maisons reçoivent des autorisations de construire de la mairie, dénonce M.
Sylla. Les agents municipaux prennent l’argent et ferment les yeux."

Quelques minutes avant la démolition de son bien, une bâtisse propre
donnant dans une cour carrelée où trône un portrait du président Alassane
Ouattara et de sa femme, Aïchata Doumbo, brandit une "attestation de cession"
du terrain issue de la "communauté villageoise" et tamponnée par la mairie.

"Ces actes sont simplement certifiés, et non délivrés, par la mairie. On ne
peut pas accorder des permis de construire sur des terrains inconstructibles,
regrette Théodore Koffi. Tous sont dans l’illégalité."

Un peu plus loin, deux hommes pestent alors que la pelleteuse dépèce les
gravats. "Avant ils étaient pauvres. Ils sont devenus misérables."

Lamine Diané, d’un mouvement apolitique ivoirien, s’énerve : "les
déguerpissements ne devraient pas nous poser problème si des vies sont en
danger. Mais là, il n’y a pas d’accompagnement, pas de politique sociale.".

"On détruit les maisons des pauvres, des sans-voix. On ne leur donne pas
cinq francs et on s’en va", tonne-t-il.

Selon la mairie d’Attécoubé, les habitants ont été prévenus il y a un mois.
Des pans de leurs maisons ont été troués à la masse en guise d’avertissement,
ce qui ne les a pas empêchés de s’y installer à nouveau.

"Et maintenant, on va dormir où ?", s’interroge Aïchata Doumbo, Malienne
mère de cinq enfants, dont le mari en a dix autres avec deux autres épouses.

Ses meubles, comme ceux de ses voisins, gisent épars dans des herbes folles.

Quelques familles seront temporairement hébergées dans une école proche,
inactive durant les vacances scolaires. D’autres rejoindront des foyers.
Attécoubé comptera plus de 2.000 +déguerpis+, selon la mairie.

"Ouattara n’a qu’à nous aider, soupire Mme Doumbo, 28 ans, dont l’époux est
employé sur le chantier-phare du président ivoirien, celui du 3e pont
enjambant la lagune abidjanaise. Car ici, c’est toujours souffrance,
souffrance, souffrance."

jf/bap
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