x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le mardi 6 janvier 2015 | La Synthèse

Côte d’Ivoire/Sécurité privée: les vigiles entre risques et galère

Postés devant les entrées d’établissements bancaires, supermarchés et autres entreprises publiques et privées, les agents des sociétés de gardiennage, encore appelés «vigiles», jouent-en plus des forces de l’ordre- un rôle primordial dans la lutte contre la criminalité en Côte d’Ivoire. Malheureusement, leurs efforts ne sont pas toujours récompensés puisque leurs conditions de travail et de vie laissent à désirer. La Synthèse a fait une incursion dans leur milieu pour comprendre leur situation.

Jeudi 18 décembre 2014, nous débarquons à Marcory, commune du District d’Abidjan qui regorge un nombre important d’entreprise et par ricochet de vigiles. Salif Traoré, la trentaine révolue, accepte de s’ouvrir à nous, après un long moment d’hésitation. «J’étais élève en classe de Terminale. Mes parents n’ayant pas assez de moyens pour prendre en charge mes frais de scolarité, j’ai dû abandonner les études pour me lancer dans la quête d’un emploi à Abidjan. Dès mon arrivée, un monsieur m’a proposé l’activité de gardiennage avec un salaire de 40 000 FCFA, ce que j’ai accepté», raconte cet agent de sécurité privée. Hormis le salaire qui ne vau pas le SMIG en Côte d’Ivoire, qui est de 60 000 FCFA, Salif T. se plaint du temps de travail qui, pour lui, est au-delà des normes édictées par le droit du travail. «Lorsque nous montons à 6h, c’est le lendemain à 6h que nous descendons, c’est-à- dire que nous travaillons 24h d’affilée, sans même un temps de repos», explique-t-il amer. Pour se protéger du soleil ardent qui s’abat à cette heure de la journée, le jeune homme et ses collègues sont obligés de se ‘’débrouiller’’ sur la dalle du bâtiment où ils travaillent. D’ailleurs, c’est à ce même endroit qu’ils se restaurent. «Je n’ai pas le choix puisqu’il n’y a pas de boulot dans ce pays», lance-t-il, avec dépit. K.I, également agent de sécurité privée, en poste à Koumassi, travaille dans la même précarité. Celui-ci déplore sa situation mais se sent quelque peu obligé de faire ce travail que de rester à la maison à ne rien faire. «Ça fait 4 ans que je suis vigile, je n’ai jamais eu de congé, jamais eu de prime ou autre gratification», se lamente cet homme d’une quarantaine d’années qui dit faire ‘’ce travail parce qu’il n’y a rien d’autre à faire’’. Continuant son propos, l’homme affirme que sa ‘’chance’’ c’est que ses quatre enfants et quatre petits-enfants sont à la charge de ses tantes. Sinon «Comment j’aurais pu m’en sortir avec mes cinquante mille francs (50.000F) de salaire qui depuis toutes ces années n’ont pas augmenté d’un iota ?» se demande-t-il. Isaac Yéo, avec qui nous avons échangé dans un quartier d’Abidjan affirme, pour sa part, que ce sont 45.000F qu’il perçoit, depuis près de deux ans sans aucune prime. Il affirme faire ‘’avec’’, le temps pour lui d’avoir une meilleure situation. ‘’Le marché du travail est saturé, il faut attraper son cœur’’, espérant que cette situation ne soit pas une fatalité. Cet homme dit avoir même été victime d’agression une fois et n’a eu son salut que grâce à ses collègues qui étaient en patrouille. Ce qui, selon lui, a dissuadé ses agresseurs qui n’ont pu rien emporter. Un autre, qui a gardé l’anonymat, apprend que lors de l’entreprise pour laquelle il travaille, une nuit, il a été ligoté mais il s’en est sorti par la grâce de Dieu.

L’Etat appelé au secours

Outre l’environnement d’insécurité dans lequel baignent les vigiles, parce qu’il ne leur ait pas permis d’être armés, ces derniers disent être victimes de la mauvaise foi de leurs employeurs. «Je fais le travail depuis environ trois (03) ans, je n’ai jamais été déclaré à la CNPS. Nos patrons nous ont donné, à moi et mes collègues, des numéros qu’on pensait être des numéros de CNPS, mais à notre grande surprise, nous nous sommes rendus compte qu’aucune cotisation n’a été versée à la structure», relate notre interlocuteur, désabusé. Pour lui, des complicités existent entre certains patrons d’entreprise et des agents véreux qui ont pion sur rue à la CNPS. Un de ses collègues, exerçant dans une autre entreprise, a été viré après que son patron a découvert qu’il est allé vérifier si ses cotisations étaient versées. Cissé A, rencontré à Marcory, spécialiste en sécurité, est d’avis avec tous les témoignages que nous avons recueillis. Mais pour, lui les autorités ont une part de responsabilité dans cette affaire. «Dans le secteur de la sécurité, il y a vraiment beaucoup de problèmes, mais moi j’accuse d’abord les autorités parce qu’il ne s’agit pas de dire aux jeunes travaillez et quand ceux-ci travaillent il n’y a aucun suivi après», estime-t-il. «La répartition du gain est mal faite, nos responsables vont négocier des contrats de 150.000F, 200.000F voire 220.000 pour des éléments simples, c’est-à-dire des éléments qui ne sont pas en arme, ceux qui sont en arme c’est souvent 250.000F à 350.000F mais en retour, l’élément ne perçoit que 50.000 ou 60.000F. Ce qui est vraiment déplorable», poursuit-il. De l’avis de notre expert, «même les assistants, qui interviennent lors des braquages, malgré tous les risques qu’ils prennent, n’ont qu’une prime mensuelle de 10.000FCFA». Il pense également qu’en Côte d’Ivoire, les vigiles étant mal traités par les employeurs, sont minimisés dans la société. Pour cette raison, ajoute-t-il, ils devraient avoir ‘’des primes d’au moins 50.000F pour la tenue’’. IB explique, quant à lui, que dans l’entreprise où il travaille, les agents payent eux-mêmes leurs tenues. «Pour que je puisse avoir mon habit de travail, on a coupé la somme de 10.000 FCFA sur mon salaire et ce, en 3 mensualités parce que la tenue coûte 30.000FC FA. Mais aujourd’hui pour ceux qui viennent d’arriver, on coupe les 30.000FCFA une fois. Pour quelqu’un qui a un salaire de 50.000F, si on coupe 30.000 F un coup, voyez ce que ça fait», révèle-t-il. Un autre vigile confirme l’information, expliquant qu’en plus de prélever le coût de l’argent des tenues sur leur maigre salaire, les entreprises soustraient également celui des chaussures. Pourtant, dit-il, «c’est la publicité de l’entreprise qu’on fait, ce n’est pas normal». Pour lui, il faut que l’Etat ‘’essaie de voir’’, en s’impliquant dans ce secteur d’activité pour qu’il soit revaloriser afin que les jeunes s’y intéressent. Cela pourrait participer à la lutte contre le chômage qui, selon les derniers chiffres du ministère de l’emploi, des affaires sociales et de la formation professionnelle, est de 25% en Côte d’Ivoire.

Marina NOUAN
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ