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Société Publié le vendredi 27 février 2015 | Le Sursaut

World music: faut-il aller au cimetière ?

Je discutais récemment avec un aîné de la presse culturelle qui essayait de me convaincre de ceci : la world music est l’avenir de la musique et le salut de toutes les musiques. Pour lui, le monde évolue vers une fusion certaine de toutes les musiques, le grand métissage culturel. La logique qui se dégage de cette analyse est qu’il faut tendre, pour exister, vers une musique universelle c’est-à-dire la world music. Ce terme traduit, littéralement, de l’anglais vers le français donne musique mondiale. Ce qui nous met en face d’une musique transfrontalière, transnationale, transcendant donc les barrières linguistiques et culturelles. Une musique accessible tant aux Nippons qu’aux Yankees, tant aux Scandinaves qu’aux Papous, tant aux Helvètes qu’aux Eskimos, tant aux Massaï qu’aux Basques. Ce serait vraiment formidable ! Le pied ! Mais que serait l’essence de cette musique ? Où puiserait-elle les fondements de ces lignes mélodiques et les canons de son architecture ? A partir de là, je dois avouer que je suis perdu et inquiet comme le randonneur, égaré, surpris par la nuit dans la forêt obscure. Oui, je n’arrive pas à comprendre ! Quelles seraient la texture, la couleur qui distingueraient cette musique ? Quand on parle de world music, j’ai la curieuse impression que ce terme s’applique aux chanteurs africains qui veulent vendre sur le marché européen qui est la plaque tournante internationale des Africains. Je voudrais donner quelques exemples pour apporter plus de lumière à la conduite de ma pensée. J’invite donc à comparer le M’balax de Youssou N’dour d’avant la rencontre avec Pieter Gabriel et la musique qu’il pratique aujourd’hui. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Dakarois est dépaysé voire dérouté comme l’est aujourd’hui l’Abidjanais à l’égard de Magic System. L’opus ‘’Tout est kalé’’ est aux antipodes de ‘’Premier gaou’’. Il en de même pour Salif Kéita, Mory Kanté ou le couple aveugle du Mali. Idem pour le Raï de Faudel ou de Khaled. Biensûr, il faut s’ouvrir mais à quel point, à quel prix ? Ces artistes, qui sur la route de leur carrière, sont devenus world pour mieux vendre sur le marché international partagent, à peu près, la même structuration musicale basique. Ce sont les rythmiques funky, dance, soul, RnB, jazz et parfois rock et pop. Ces genres musicaux occidentaux sont le moule dans lequel il faut se fondre pour aller à l’universel. Dans ce vaste échange que doit forcément sous-entendre le terme world music, on s’attend aussi à ce que les autres viennent emprunter, comme nous le faisons pour eux, quelques ‘’trucs’’ de chez nous. Est-ce le cas pour Beyonce, Céline Dion, Carla Bruni, Johnny Halliday, Elton John, Mike Jagger, Robert Kelly, Don Williams, Richard Clayderman ? La musique de tous ces artistes que nous connaissons, que nous écoutons et que nous aimons pourraient-elles fusionner avec le Tohourou ou le Goumé. Si la world music doit s’appréhender en sens unique, elle trahit l’idée de métissage. En embrassant les sonorités world, c’est pour les musiques africaines perdre la substantifique moelle qui doit faire leur particularité pour s’altérer et mourir en une musique hybride sans âme. Faut-il alors l’éviter ou décider d’aller au cimetière des authenticités ? Je ne comprends toujours pas…

Constant Guei
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