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Économie Publié le jeudi 19 mars 2015 |

Ce "Macron" ivoirien va-t-il changer la politique africaine ?

© Par Serges T
Panel Diaspora for Growth - La diaspora ivoirienne face aux défis de l`émergence
Lundi 02 Février 2015 Abidjan. M. Abdourahmane Cissé Ministre auprès du Premier Ministre chargé du budget a présidé les travaux du panel inaugural avec pour thème``la diaspora ivoirienne face aux défis de l`émergence``
INTERVIEW Nommé ministre du Budget à seulement 32 ans, Abdourahmane Cissé a exercé, comme Emmanuel Macron, le métier de banquier d’affaires, et fait partie de la nouvelle classe politique africaine.



Il fait partie de la nouvelle génération de ministres africains. Certains l’ont même surnommé le "Macron ivoirien". Comme le ministre français de l’Economie, Abdourahmane Cissé, a exercé le métier de banquier d’affaires – il a passé six ans chez Goldman Sachs – avant d’être nommé en novembre 2013, à seulement 32 ans, ministre du Budget de la Côte d’Ivoire, une première dans l’histoire politique ivoirienne. Diplômé de l’Ecole Polytechnique de Paris et de l’Institut français du pétrole (IFP), ce spécialiste des matières premières, supporter du PSG et de Chelsea, revient pour Challenges, sur son parcours et sur les réformes menées par le gouvernement ivoirien pour attirer les investisseurs.

Même si vous avez été nommé ministre quelques mois avant lui, on vous surnomme le "Macron ivoirien". Cela vous agace-t-il ?

Le plus important, c’est le message, le signal qu’on entend donner. Les présidents Ouattara et Hollande veulent lancer des jeunes à des postes clés. Ils souhaitent que le changement se fasse avec les jeunes. On doit apporter du sang nouveau, une nouvelle façon de penser. En Côte d’Ivoire, les jeunes représentent 30 à 40% de la population. Le développement ne peut se faire sans eux. Je ne suis pas le plus intelligent de la Côte d’Ivoire, je me sens chanceux d’avoir eu cette opportunité là, c’est un beau challenge.

En quoi votre manière de faire de la politique diffère-t-elle de celle de vos prédécesseurs ?

Déjà je suis frais (rires). J’apporte une nouvelle façon de travailler. Quand j’ai évoqué mes collaborateurs avec le président il m’a dit : "embauche qui tu veux, tu as carte blanche. Ce que je veux ce sont des résultats". J’ai un ministère clé puisque je gère la douane, les impôts, le budget de l’Etat et les participations de l’Etat dans les sociétés. Il me faut donc une équipe très compétente. Un de mes collaborateurs a fait l’Edhec, il a aussi un MBA de l’université de Chicago, mon directeur de cabinet adjoint est polytechnicien comme moi. Moi j’ai fait l’X (le surnom de l’école Polytechnique, Ndlr) et l’Institut français du pétrole (IFP). Mon cabinet compte une vingtaine de personnes avec un mix public-privé. On a envie de montrer qu’on peut réussir la tâche qui nous est confiée.

C’est un changement dans la vie politique ivoirienne?

Le président Ouattara a une volonté de changer et d’aller vite. C’est une bonne chose qu’il y ait plus de personnes qui viennent du secteur privé, nous connaissons ses attentes. Il faut être pratique. Cela permet aussi de lancer une nouvelle génération. On ne doit pas échouer, car si les choses ne se passent pas bien, donnera-t-on aux autres la chance qu’on a eu ?

Comme Emmanuel Macron qui a été banquier d’affaires chez Rothschild avant d’être ministre, vous avez travaillé chez Goldmans Sachs. Est-ce un atout pour vous ?

Absolument. Je gagnais très bien ma vie chez Goldman Sachs à Londres mais je veux apporter quelque chose à mon pays. J’ai un profil de banquier, ce qui veut dire ouverture d’esprit et connaissance du secteur privé. Mais je suis surtout un pur produit de l’école française, j’ai passé six ans en France. Je suis un bon mélange du monde français qui est ce qu’il est (sourire) et du monde anglophone, du monde des affaires, qui est très pratique. Cette dimension concrète, pratique, est importante. Cela nous a permis de faire pas mal de réformes. Pour la première fois de l’histoire de la Côte d’Ivoire, nous avons émis en juillet dernier un eurobond par exemple, nous sommes aussi allés pour la première fois l’an dernier sur les marchés internationaux. Nous avons eu notre première notation souveraine... Nous sommes dans une logique de marketing.

Depuis que le président Ouattara est en fonction, nous avons jugé bon de mettre l’accent sur l’investissement. Il y a une histoire à vendre en Côte d’Ivoire. Nous essayons de créer un climat d’affaires favorable. Nous avons par exemple créé un tribunal de commerce car les entreprises ont besoin de sûreté, la justice doit être impartiale. Nous avons aussi créé un code des investissements. Le secteur informel représente environ 50% de notre économie, nous devons donc lutter contre ça et cela passe par une simplification des procédures existantes. Et cette politique porte ses fruits. Sur toute l’année 2012, nous avons créé moins de 3.000 entreprises et sur le seul mois de janvier 2015 nous en avons déjà vu naître 880. Nous voulons attirer un maximum d’Investissements directs étrangers (IDE). En deux ans, en terme de facilitation et création d’entreprises, nous avons d’ailleurs gagné 135 places au rapport Doing Business.

Comment vous définiriez-vous politiquement ?

Je suis un capitaliste. Il faut être le moins interventionniste possible en économie pour créer de la valeur. Mais je pense aussi qu’il faut créer les conditions pour que les personnes les plus défavorisées puissent s’en sortir. Le budget de la Côte d’Ivoire est d’environ 10 milliards de dollars et nous en affectons entre trois et quatre à la réduction de la pauvreté.

Entre 2000 et 2010 la France a vu ses parts de marché en Afrique subsaharienne passer de 10 à 5%. Dans le même temps la Chine et l’Inde sont devenus des partenaires majeurs des pays africains. Comment expliquez-vous cette situation ?

Nous sommes dans une économie totalement ouverte. En Côte d’Ivoire nous publions chaque année un plan de passation des marchés. Toutes les entreprises du monde peuvent y participer. J’invite les entreprises françaises à être plus compétitives. Il y a un lien, une histoire commune, mais ça ne suffit pas toujours. La concurrence est de plus en plus forte et les entreprises françaises ont été un peu surprises, elles se sont montrées moins agressives. Il faut qu’elles soient plus offensives. Mais en Côte d’Ivoire, elles sont quand même bien présentes. Les Français participent à plusieurs gros projets, comme celui du train urbain d’Abidjan avec Bouygues ou celui de deuxième terminal à conteneurs d’Abidjan, avec Bolloré.

Propos recueillis par Antoine Izambard, à l’Africa Forum de Genève.
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