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Afrique Publié le mardi 14 avril 2015 | Diasporas-News

Afrique: plaidoyer pour une électrification

© Diasporas-News Par DR
Jean-Louis Borloo, homme politique français
Rusé comme un renard, charmeur, persuasif, Jean-Louis Borloo veut-il prendre sa revanche pour la prochaine Conférence sur le Climat de Paris, après l’échec de Copenhague en 2009 ? La France subjuguée, sans grandes initiatives, veut bien croire à une telle chimère. On sera en droit d’exiger de ce Don Quichotte un bilan « carbone », fin 2015, pour ses incessants déplacements en Afrique.

Homme de défi, Jean-Louis Borloo (J-L B) veut s’attaquer cette fois-ci au mont Kilimandjaro par la voie Machame c’est-à-dire l’ascension la plus difficile : apporter de l’électricité à 600 millions de personnes sur le continent africain. A la louche, son projet nécessite 200 milliards €uros, étalés sur une dizaine d’années. Plus ambitieux que le président Barack Obama qui, lui, annonça modestement une Africa Power de 7 milliards $, lors de sa tournée africaine de 2013.

L’idylle Borloo - Hollande
La création d’une fondation pour l’accès à l’énergie en Afrique ; telle est la nouvelle marotte de J-L B. Depuis six mois, au sortir d’une longue maladie, l’ancien ministre français décida de repartir au combat en essayant de mobiliser toutes les ressources possibles et d’embarquer plusieurs chefs d’Etat pour cette cause ô combien honorable. Le président François Hollande est séduit par l’initiative. La fondation est même logée à l’hôtel Marigny, l’annexe du palais de l’Elysée. Le 3 mars dernier a eu, en ce lieu, la présentation officielle de la fondation en présence du ban et de l’arrière-ban de la République ; entre autres les présidents des deux chambres parlementaires, du MEDEF, la mairesse de Paris, des hommes politiques de tout bord. Et un invité surprise fit son entrée par une porte de derrière le pupitre : François Hollande venu « apporter l’appui de la France ».

A défaut d’avoir une conviction écologique indiscutable, le locataire de l’Elysée a toujours prôné « une diplomatie environnementale renforcée ». Elle s’illustre notamment par des coups de communication. En témoigne la nomination, en décembre 2012 de Nicolas Hulot : Envoyé Spécial pour la protection de la planète. A huit mois de la Conférence Climat de Paris 2015 (COP 21), l’initiative de J-L B est une aubaine pour le chef de l’Etat français. Elle serait une caution pour calmer l’intransigeance des pays africains, laquelle est devenue un facteur de blocage de chaque Sommet.

En 2009 déjà, à la veille du Sommet de Copenhague, l’Afrique adopta une position commune et menaça que « ses représentants quitteraient la Conférence si leurs compensations financières n’étaient pas prises en compte ». Rappelons que le continent émet moins de 4% de gaz à effet de serre mais subit plus fortement les impacts du changement climatique. Donc, il réclame légitimement une aide au développement plus conséquente. Du côté de l’Europe et de la France, on pressentait que les pays industriels et grands pollueurs, comme les Etats-Unis et la Chine, n’allaient pas s’entendre sur des objectifs chiffrés de réduction de CO². Et il fallait donc trouver une « initiative forte » pour sauver le Sommet danois. D’où cette proposition de faire de l’Afrique, le premier continent d’énergies renouvelables. Ainsi deux mois avant la Conférence de Copenhague, Nicolas Sarkozy dépêcha l’ex-président Jacques Chirac et son ministre de l’Environnement J-L B au 7ème Forum Mondial sur le Développement Durable (FMDD) au Burkina-Faso. But de la manœuvre : rassurer les pays africains et leur garantir des financements innovants !


J-L B, une trajectoire fulgurante

Avocat d’affaires très avisé, il a accompagné le tourbillon des acquisitions du flamboyant Bernard Tapie au début des années 1980. Il fut l’une des chevilles ouvrières d’achats d’entreprises en difficulté pour une bouchée de pain, suivis d’une restructuration - en jetant les ouvriers dehors - avant de les revendre à prix d’or. Fortune faite, il s’enticha d’une danseuse en 1987 – le club de football de Valenciennes – avant de jeter son dévolu sur l’hôtel de cette ville du Nord, où il fut maire de 1989 à 2002. Il en a fait son laboratoire socioéconomique. Ville sinistrée par le démantèlement de la sidérurgie et de la fin de l’industrie houillère, Valenciennes s’est métamorphosée au cours de ses mandats successifs : insertion des jeunes, ouverture de l’université, requalification urbaine, implantation de Toyota.

Après une telle réussite, il se sentait à l’étroit dans cette bourgade. En 2002, l’heure était donc venue, pour lui, de s’offrir un destin national. Trois mois avant les élections présidentielles, il rencontra Paul Brighelli, le « nègre » attitré des hommes politiques et lui annonça sans ambages : « je veux être ministre, que ce soit Chirac ou Jospin qui gagne ! ». Pour le titre du livre ce sera « un homme en colère » [contre la technostructure administrative]. Le candidat Chirac en campagne électorale à Valenciennes trouva en ce jeune maire le futur ministre idoine pour « lutter contre la fracture sociale », thème principal de sa campagne. Jospin éliminé le soir du 21 avril 2002, J-L B, membre du bureau politique de l’UDF d’alors, passa avec armes et bagages dans le camp chiraquien entre les deux tours.

Le voici ministre de la Ville du gouvernement Raffarin, sans discontinuer jusqu’en 2007. Réputé bosseur, quelqu’un qui prend les dossiers à bras-le-corps, il peut s’enorgueillir d’avoir géré l’un des chantiers du quinquennat : la refondation de la politique urbaine, le plan de cohésion sociale. Sentant le vent tourné, il quitta le bateau « Chirac » en mars 2007 pour soutenir le futur prince : Nicolas Sarkozy. Classé parmi les poids lourds du gouvernement composé de jeunes ministres un peu empruntés, celui-ci lui confia dès son élection la forteresse de Bercy (ministère de l’Economie).

Il a finalement atterri au ministère de l’Ecologie et du Développement et de l’Aménagement Durable ; chargé à ce titre de coordonner le Grenelle de l’Environnement, en décembre 2007. Il s’agit de la concrétisation du Pacte écologique que chaque candidat à l’élection présidentielle avait signé ; avec l’engagement, une fois élu, de l’appliquer comme la feuille de route écologique gouvernementale.

N°2 du gouvernement, il pouvait se prévaloir d’avoir fait voter les lois du Grenelle de l’Environnement en 2010. Que lui restait-il à gravir ? D’autant plus que les conseillers du président Nicolas Sarkozy ne tarissaient pas d’éloges à l’égard de J-L B. Il fait un galop d’essai pour la course à Matignon. On murmure son nom dans les salons feutrés pour le poste de Premier Ministre à la place de François Fillon. En novembre 2010, le chef de l’Etat trancha ; il a arbitré pour la continuité et garda ce dernier. J-L B refusa tous les portefeuilles qu’on lui a proposés et finît pas démissionner du gouvernement. On lui prêta, un temps, une ambition présidentielle pour les élections présidentielles de 2012. Six mois avant le premier tour, le président du parti valoisien renonça à se présenter pour mener le combat des centristes. Raison invoquée : « ne pas rajouter de la confusion à la confusion » c’est-à-dire faire concurrence avec la candidature de François Bayrou, dont il a été le porte-parole lors des présidentielles de 2002.

Même s’il a créé un nouveau parti Union des Démocrates et Indépendants (UDI) en septembre 2012, J-L B n’est pas un homme d’appareil susceptible de tenir un parti pour aller gagner une élection majeure et gérer les problèmes d’égo et d’investitures. Il finit par démissionner de la présidence de l’UDI à la suite de cette longue maladie, en 2014.

Jean-Louis « Konaté » Borloo
Que faire à 63 ans lorsqu’on a déjà occupé, avec succès, plusieurs postes ministériels ? Il a découvert l’Afrique à 50 ans passés. Notre philanthrope se souvient alors des discussions qu’il a pu échanger avec quelques dirigeants africains du temps où il était ministre de l’Environnement. Est-il un écologiste convaincu ? Fondateur aux côtés de Brice Lalonde de « Génération Ecologie » en 1990 reste son seul fait d’armes avant de devenir ministre. Pour la phase préparatoire de Copenhague 2009, J-L B avait effectué une tournée africaine - Ethiopie, RCA, Tchad - juste avant le 7ème FMDD De Ouagadougou. Un confrère du journal Libération, qui l’accompagnait, se souvenait de quelques faits marquants. J-L B aurait été surtout impressionné par les propos et les connaissances de dossiers du premier Ministre éthiopien Melès Zenawi qui fût le porte-parole des 53 pays du continent à Copenhague. A l’époque, comme un exalté J-L B était intarissable sur l’avenir de la planète. Il citait entre autres « la fin du pétrole, l’épuisement des ressources halieutiques, les limites des terres arables… » . Jusqu’à se persuader que le Sommet de Copenhague allait être « un tournant de l’humanité ». Et de conclure « Si ça n’aboutit pas, de toute façon, je suis un con. Si ça fonctionne, j’en ai pour des années de plénitude ».

Chacun sait que le Sommet de Copenhague 2009 fut un échec retentissant. Mais J-L B veut avoir sa revanche. En 2015, il se veut être le fédérateur des projets d’électrification en Afrique. Il sillonne le continent, vole de Sommets en conférences internationales : un coup à Dakar pour la Francophonie, le lendemain à Addis-Abeba pour l’Assemblée Générale des chefs d’Etat en janvier. Encore des rencontres avec les ambassadeurs à Paris, ou des dirigeants de grandes entreprises françaises spécialisées dans la fourniture d’énergies propres. Prochaine date sur son agenda : le 17 avril à l’hôtel de ville de Paris pour le conclave annuel des maires francophones.

L’avocat habitué des tribunaux de commerce, qui sommeille en lui, rejaillit pour un ultime plaidoyer. J-L B prétend qu'une dizaine d'années suffiront à apporter la lumière partout grâce aux énergies durables comme l'eau, le soleil, l'éolien. Et de rajouter : « à condition de commencer tout de suite, avant le 30 juin... ». Comment ? Avec quelle structure ? Avec quels financements ?

La multiplication des pains et des poissons
Pour arriver à mettre en place son plan Marshall « électricité », J-L B doit avant tout gérer les susceptibilités et les rivalités entre les roitelets africains. Ensuite, il faut créer une agence africaine des énergies renouvelables. Il est d’une extrême discrétion quant à son organigramme et son mode de financement. Enfin, il estime qu’il faudrait 20 milliards $ par an pendant dix ans, rien que pour l’Afrique. Irréaliste ! Rappelons que le Fonds Vert pour le Climat (FVC), acté à Copenhague en 2009 a enfin trouvé son siège - après moult batailles et quatre années de gestation - à Songdo (Corée du Sud). La vingtaine de pays signataires ont promis de doter ce FVC de 100 milliards $ en 2020. Fin 2014, seuls 10,2 milliards $ ont pu être mobilisés. Et les premiers projets devraient être validés seulement au moment de la COP 21 de Paris en décembre 2015 ! Qui plus est, il ne suffit pas d’injecter des fonds, construire des barrages hydro-électriques, des stations photovoltaïques et des parcs d’éoliennes pour que l’électricité arrive jusqu’à l’usager final [NDLR : Diasporas-News n°59 Electricité en Afrique]. Même la vieille Europe, électrifiée depuis plus de 150 ans, redoutait une chute brutale de production photovoltaïque de 35 mégawatts, lors de la dernière éclipse solaire.

J-L B, avec son côté bateleur, est un homme qui sait fédérer les idées. N’attendez pas de sa part une descente en salle de machine pour mettre la main dans le cambouis. N’a-t-il pas été secondé par Nathalie Koscuisko-Morizet comme Secrétaire d’Etat à l’Ecologie ? Et comment peut-il prétendre qu’il restera une décennie à la tête d’une agence internationale ? Rendez-vous après le Sommet de Paris en décembre 2015 !

Alex ZAKA
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