Les terres arables existent, mais sont-elles toujours disponibles pour les industriels ? En dépit des actions menées dans le cadre du Programme national de sécurisation foncière rurale, l’incompréhension subsiste parfois entre les acteurs de terrain.
Il y a suffisamment de terre pour l’exploitation industrielle, et il convient de faire la nette distinction entre celles qui sont cultivables pour les populations, d’une part, et pour les agro-industriels d’autre part. En préalable, la disponibilité des terres doit être un prérequis pour toute personne (physique et morale) qui la sollicite. C’est à juste titre que le gouvernement ivoirien s’est lancé dans une optique de sécurisation foncière à grande échelle pour couvrir tout le territoire national. Depuis 2013, la Direction du foncier rural (DFR) a entrepris plusieurs initiatives pour que les terres soient réellement disponibles. Le ministère en charge de l’agriculture, par la loi n°98-750 relative au domaine foncier rural, s’est engagé dans le Programme national de sécurisation foncière rurale (PNSFR). Il s’agit pour les pouvoirs publics de permettre aux populations et autres acteurs d’avoir les documents requis pour protéger leurs biens et se faire valoir. Ainsi, l’on est arrivé en l’espace d’une année à des résultats relativement satisfaisants. Sur 7.422 demandes de certificats fonciers, les autorités ivoiriennes avaient délivré 670 et signé 403 baux ruraux. L’on est maintenant à 413 baux emphytéotiques en état de concession provisoire contre 337 en état de détention de titres de propriétés, en tenant compte des récentes statistiques de la Direction du foncier rural. «J’exhorte donc tout le personnel de la direction du foncier rural, fonctionnaires et contractuels, à s’inscrire dans cette lancée et à mettre tout en œuvre pour relever le défi. Je tiens à encourager tous les directeurs régionaux et départementaux de l’agriculture qui ont mis tout en œuvre pour la création des comités villageois de gestion du foncier rural et je leur demande par la même occasion de s’atteler à ce que les éventuels comités qui ne sont pas encore fonctionnels le soient dans les plus brefs délais», a fait savoir le directeur du foncier rural, Zirignon Constant Delbé. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui dans une nouvelle dynamique pour apporter un plus dans la gestion du foncier rural. Mais il ne faut pas perdre de vue les innombrables couacs entre les agro-industriels et populations dans diverses contrées du pays.
Les sources de conflits récurrents
La question de l’accès à la terre avec des titres appropriés reste une préoccupation qui date de belle lurette. Certes, les terres existent, mais la mise en valeur conduit à divers remous qui n’épargnent pas les agro-industriels également. A qui appartient réellement la terre ? Et qui en a les droits requis ? En Côte d’Ivoire, l’Etat est le détenteur légal de la terre et la concède à ses administrés. De même, les pouvoirs publics ont toute la latitude de répondre favorablement aux sollicitations des agro-industriels qui sollicitent des portions de terre pour des plantations. C’est ainsi que des milliers d’hectares de terre sont valorisés à travers des contrats de baux emphytéotiques, allant de 18 à 99 ans. Ces industriels ont donc des accords et agréments des autorités ivoiriennes pour l’exportation de la terre. Mais, l’on se retrouve dans de nombreux cas de conflits, surtout entre industriels et riverains. Le dilemme se trouve dans le fait que les populations se croient, elles aussi, propriétaires terriens. En zone rurale, la mentalité est telle que les populations, du fait de résider sur un territoire donné des décennies durant, se considèrent de facto comme ayants droit. Il est difficile de sortir cela des pensées. On a souvent eu affaire à des individus qui se donnent des prérogatives pour céder, faire louer et même vendre la terre à de tierce personne… y compris des industriels. Et les victimes sont bien sûr ces agro-industriels qui viennent s’installer. Dans certaines situations, des populations, même indemnisées pour l’occupation de leurs terres, continuent de revendiquer.
Des clauses d’attribution parfois incomprises
Normalement, les opérateurs économiques qui s’installent sont tenus par des clauses les obligeant à réaliser des investissements à caractère social (adduction en eau potable, électrification villageoise, construction de centres de santé, reprofilage de pistes, etc.). La plupart des industriels s’y attellent, surtout au démarrage de leurs exploitations. La confiance se crée ainsi et les choses font bon train. Mais parfois, les populations considèrent que ceux qui exploitent leurs terres ne font pas assez, ou ont les moyens de faire plus, s’estimant ainsi exploités au même titre que leurs terres. Et les conflits s’installent progressivement. Il arrive également que l’Etat s’accorde avec des industriels sur des clauses que les populations ignorent ou ne comprennent que partiellement. A titre d’exemple, l’arrêt des allocations financières et autres appuis matériels à partir d’une certaine période. Ignorant cela, les autochtones jugent légitime de demander toujours plus. Sans ignorer les revendications salariales ou l’accès au travail aux enfants de la région. Ce qui est fait n’est pas toujours jugé suffisant et concourt à vouloir plus, sans parfois tenir compte des qualifications requises ou exigés par les agro-industriels. Un autre débat qui rentre dans le volet syndical et politique.
Jean-Philippe EZALEY
Il y a suffisamment de terre pour l’exploitation industrielle, et il convient de faire la nette distinction entre celles qui sont cultivables pour les populations, d’une part, et pour les agro-industriels d’autre part. En préalable, la disponibilité des terres doit être un prérequis pour toute personne (physique et morale) qui la sollicite. C’est à juste titre que le gouvernement ivoirien s’est lancé dans une optique de sécurisation foncière à grande échelle pour couvrir tout le territoire national. Depuis 2013, la Direction du foncier rural (DFR) a entrepris plusieurs initiatives pour que les terres soient réellement disponibles. Le ministère en charge de l’agriculture, par la loi n°98-750 relative au domaine foncier rural, s’est engagé dans le Programme national de sécurisation foncière rurale (PNSFR). Il s’agit pour les pouvoirs publics de permettre aux populations et autres acteurs d’avoir les documents requis pour protéger leurs biens et se faire valoir. Ainsi, l’on est arrivé en l’espace d’une année à des résultats relativement satisfaisants. Sur 7.422 demandes de certificats fonciers, les autorités ivoiriennes avaient délivré 670 et signé 403 baux ruraux. L’on est maintenant à 413 baux emphytéotiques en état de concession provisoire contre 337 en état de détention de titres de propriétés, en tenant compte des récentes statistiques de la Direction du foncier rural. «J’exhorte donc tout le personnel de la direction du foncier rural, fonctionnaires et contractuels, à s’inscrire dans cette lancée et à mettre tout en œuvre pour relever le défi. Je tiens à encourager tous les directeurs régionaux et départementaux de l’agriculture qui ont mis tout en œuvre pour la création des comités villageois de gestion du foncier rural et je leur demande par la même occasion de s’atteler à ce que les éventuels comités qui ne sont pas encore fonctionnels le soient dans les plus brefs délais», a fait savoir le directeur du foncier rural, Zirignon Constant Delbé. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui dans une nouvelle dynamique pour apporter un plus dans la gestion du foncier rural. Mais il ne faut pas perdre de vue les innombrables couacs entre les agro-industriels et populations dans diverses contrées du pays.
Les sources de conflits récurrents
La question de l’accès à la terre avec des titres appropriés reste une préoccupation qui date de belle lurette. Certes, les terres existent, mais la mise en valeur conduit à divers remous qui n’épargnent pas les agro-industriels également. A qui appartient réellement la terre ? Et qui en a les droits requis ? En Côte d’Ivoire, l’Etat est le détenteur légal de la terre et la concède à ses administrés. De même, les pouvoirs publics ont toute la latitude de répondre favorablement aux sollicitations des agro-industriels qui sollicitent des portions de terre pour des plantations. C’est ainsi que des milliers d’hectares de terre sont valorisés à travers des contrats de baux emphytéotiques, allant de 18 à 99 ans. Ces industriels ont donc des accords et agréments des autorités ivoiriennes pour l’exportation de la terre. Mais, l’on se retrouve dans de nombreux cas de conflits, surtout entre industriels et riverains. Le dilemme se trouve dans le fait que les populations se croient, elles aussi, propriétaires terriens. En zone rurale, la mentalité est telle que les populations, du fait de résider sur un territoire donné des décennies durant, se considèrent de facto comme ayants droit. Il est difficile de sortir cela des pensées. On a souvent eu affaire à des individus qui se donnent des prérogatives pour céder, faire louer et même vendre la terre à de tierce personne… y compris des industriels. Et les victimes sont bien sûr ces agro-industriels qui viennent s’installer. Dans certaines situations, des populations, même indemnisées pour l’occupation de leurs terres, continuent de revendiquer.
Des clauses d’attribution parfois incomprises
Normalement, les opérateurs économiques qui s’installent sont tenus par des clauses les obligeant à réaliser des investissements à caractère social (adduction en eau potable, électrification villageoise, construction de centres de santé, reprofilage de pistes, etc.). La plupart des industriels s’y attellent, surtout au démarrage de leurs exploitations. La confiance se crée ainsi et les choses font bon train. Mais parfois, les populations considèrent que ceux qui exploitent leurs terres ne font pas assez, ou ont les moyens de faire plus, s’estimant ainsi exploités au même titre que leurs terres. Et les conflits s’installent progressivement. Il arrive également que l’Etat s’accorde avec des industriels sur des clauses que les populations ignorent ou ne comprennent que partiellement. A titre d’exemple, l’arrêt des allocations financières et autres appuis matériels à partir d’une certaine période. Ignorant cela, les autochtones jugent légitime de demander toujours plus. Sans ignorer les revendications salariales ou l’accès au travail aux enfants de la région. Ce qui est fait n’est pas toujours jugé suffisant et concourt à vouloir plus, sans parfois tenir compte des qualifications requises ou exigés par les agro-industriels. Un autre débat qui rentre dans le volet syndical et politique.
Jean-Philippe EZALEY