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Editorial Publié le mercredi 29 juillet 2015 | L’intelligent d’Abidjan

Editorial : comment Mbeki a “tué” Ouattara

L’Intelligent d’Abidjan publie à nouveau in extenso cet éditorial du lundi 18 avril 2005 dans son édition N°487 qu’il verse au débat qui a cours concernant l’éligibilité du Président Ouattara, bien avant l’utilisation de l’article 48 par l’ancien président Laurent Gbagbo.

Et si Thabo Mbeki avait manqué de courage et n’avait pas vraiment arrangé la crise ivoirienne, choisissant de déplacer les problèmes et crucifiant au passage Alassane Ouattara qu’il a pourtant voulu sauver … ?
Relisons d’abord l’essentiel de la proposition de Thabo Mbeki : ‘’Je décide en tant que médiateur, que pour ce qui concerne les élections présidentielles de 2005, le conseil constitutionnel devrait accepter l’éligibilité des candidats qui seraient présentés par les partis politiques signataires de l’accord de Linas Marcoussis. Cependant il est important de respecter l’autorité de la loi, en donnant effet à cette décision. A cet égard, il ne conviendrait pas d’obliger le conseil constitutionnel à agir illégalement. Aussi les autorités de la Côte d’Ivoire devront-elles prendre les mesures nécessaires pour donner force légale à la décision du médiateur concernant l’article 35. Le médiateur demande donc à SE le président Gbagbo de faire usage des pouvoirs attribués au président aux termes de la constitution de la Côte d’Ivoire en particulier l’article 48 pour donner force de loi à la décision ci-dessus… Ces dispositions appliquées à la situation actuelle, fournissent la base constitutionnelle pour que le président de la République prenne les nécessaires mesures exceptionnelles pour donner force de loi à la décision du médiateur concernant l’article 35 après avoir procédé aux consultations prévues avec les présidents de l’Assemblée nationale et du conseil constitutionnel’’ Tout un programme, n’est-ce pas ?

On voit bien que le médiateur est habité par trois soucis principaux qui se contredisent forcément, à savoir : ouvrir l’élection à tous, notamment à Ouattara ; respecter la constitution, mais prendre des mesures exceptionnelles pour suspendre l’application de l’article 35 à la présidentielle prochaine ; et terminer la modification si cela peut encore intéresser quelqu’un, après les élections, enfin le chef de l’Etat sud-africain a le souci de respecter la susceptibilité de Laurent Gbagbo et d’éviter qu’il ait le sentiment qu’on lui impose des choses, qu’on lui dicte des leçons, qu’on lui donne des directives. Cependant, toutes les précautions prises par Thabo Mbeki n’arrivent pas à dissiper le grand malaise créé par le débat de fond qu’il a occulté… sans doute de façon involontaire ! Thabo Mbeki sait-il qu’une élection inclusive, non exclusive, impliquant Ouattara dans le cadre du viol, ou de la suspension, qu’il propose de l’article 31, signifie que le leader du RDR ne remplit vraiment pas les conditions requises par ce fameux article ?
Fatigué et préoccupé de trouver une solution à ses difficultés Alassane Ouattara permet à Thabo Mbeki de laisser croire qu’il n’est pas Ivoirien d’origine, de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens d’origine.
Dans le débat sur le rôle de Tia Koné, le médiateur donne raison au juge constitutionnel.
Sinon, Thabo Mbeki aurait pu tout simplement inviter Laurent Gbagbo à inciter le conseil constitutionnel, dirigé par Yapo Yanon, à faire une lecture non arbitraire ni abusive de l’article 35, parce que contrairement aux allégations et aux considérations des juges constitutionnels de l’année 2000, la nationalité ivoirienne du leader du RDR n’est pas douteuse. Yapo Yanon n’aurait pas eu à se dédire, puisque ce n’est pas lui qui était à la barre et on aurait estimé qu’il a eu des éléments nouveaux en sa possession que Tia Koné, sans doute de bonne foi, ignorait.
En aucun cas, il n’aurait été question de désaveu pour l’ancienne chambre constitutionnelle de la cour suprême.
Par conséquent, au vu du certificat de nationalité ivoirienne qu’il présentera, des pièces d’identité ivoirienne de ses parents, de la déclaration sur l’honneur de non-renonciation à la nationalité ivoirienne, de ne s’est prévalu d’aucune autre nationalité et de bien d’autres documents justificatifs, il échera de déclarer recevable la candidature du président du RDR et d’inscrire son nom sur la liste des candidats à l’élection d’Octobre 2005.
Mais, Thabo Mbeki a choisi une autre voie, semée de difficultés, faite de confusion, et qui ouvre un boulevard à Laurent Gbagbo.

Une voie qui peut rendre aussi difficile la campagne électorale éventuelle de M. Ouattara qui ne pourra plus prétendre qu’il a été victime de tripatouillage et de lecture arbitraire de la constitution de Tia Koné.
C’est une dimension de l’article 35 qui a échappé au médiateur et sur laquelle Gbagbo a vite fait de fermer les yeux, préférant la confusion de la décision de Mbeki à un engagement sur l’honneur à faire prendre au juge constitution Yapo Yanon un arrêt d’opportunité. Une loi spécifique sera donc votée pour rendre éligible Ouattara, à titre exceptionnel, en 2005, mais cela signifie bien qu’en dehors de cette exception, le président du RDR n’est vraiment pas éligible en Côte d’Ivoire et que ses adversaires politiques ne sont pas acharnés à tort sur lui ! Mais si M. Ouattara est éligible en 2005, qu’il ne soit vainqueur et que la modification de l’article 35 n’est pas faite jusqu’en 2010 cela signifie-t-il qu’il n’est plus éligible après ? Au moment où il semble résoudre la question Ouattara et lui ouvrir le chemin de la présidence, Thabo Mbeki jette une grosse pierre dans le jardin d’Ado qui a manqué de vigilance sur cet aspect qui n’est tout à fait un détail.
Le chef de l’Etat ivoirien qui sait bien que les candidatures ne seront ouvertes qu’en septembre, à quelques semaines des élections, n’a pas intérêt à récuser les propositions de Mbeki. De plus, au lieu de s’en tenir à Mamadou Koulibaly et Yapo Yanon, seuls dans la consultation exigée par l’article 48, Laurent Gbagbo ouvre et élargit le débat à toutes les couches socioprofessionnelles.
Il lui revient de canaliser les réactions et de laisser les autres, c’est-à-dire le G7, faire leur part pour aboutir au désarmement et au lancement des autres aspects du processus électoral.

Assé Alafé in L’IA N°487 du lundi 18 avril 2005


Encadrté

Un texte toujours d'actualité plus de dix ans après
L'accord de Pretoria, salué presqu'à l'unanimité par les acteurs politiques ivoiriens en Avril 2005, n'avait pourtant pas vraiment enthousiasmé ‎le journaliste Assé Alafé favorable à un référendum, ou à une relecture moins abusive et arbitraire de l'article 35.
Dans le texte ci-dessus écrit à l'époque, (et datant de plus de dix ans aujourd’hui) l'éditorialiste Alafé s’insurgeait déjà contre la manipulation autour de ce débat.
Dix ans plus tard, certaines de ses observations sont toujours d'actualité. Alassane Ouattara n'était pas au pouvoir, et n'avait pas plus de choix que Laurent Gbagbo. Ceux qui étaient au pouvoir et qui ont lâchement «assassiné» la Constitution au sujet de l'article 35 après avoir « vaillamment» refusé le pouvoir de signer des décrets à Seydou Diarra puis à Banny ( au nom de la Constitution), ceux qui ont ensuite refusé la dissolution de l'Assemblée nationale, ou la fin de son mandat ( au nom de la Constitution, malgré les menaces de ce parlement sur le processus de paix, selon des observateurs), sont-ils fondés à se prévaloir de leurs propres turpitudes?
On nous rétorquera que devenu Président, Alassane Ouattara avait la latitude de faire modifier l'article 35 pour éviter ce débat. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Simple : d'abord il a voulu justement éviter d'instrumentaliser la Constitution à des fins personnelles même, en faisant par exemple une modification sensée être applicable à lui seul; ensuite le chef de l'État a voulu demeurer dans la cohérence de ses explications : il est l'objet d'une cabale, car il est Ivoirien de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance, il ne s'est jamais prévalu d'une autre nationalité. Et n'a jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Si le président Ouattara avait fait modifier la Constitution avant sa nouvelle candidature, il aurait donné raison à ceux qui ont pris le contre-pied de son argumentaire. Selon la perception de Ouattara, il n’y avait pas urgence, d'autant plus que ceux qui ont toujours établi la lecture arbitraire de l'article 35, n'étaient plus là pour encore sévir, avec son accession à la présidence de la République. Nous publions à nouveau, ce texte qui date de plus de dix ans, pour montrer qu'au-delà du titre de l'époque qui mettait la pression sur le candidat Ouattara, l'enjeu était également d'interpeller le pouvoir Gbagbo et le médiateur Mbeki sur les lacunes de cette décision applaudie par tous, alors qu'une autre solution était possible. Enfin, la morale qu'il faut en tirer est celle-ci : la politique a une part d'éthique et de justice. Et alors se demander : est-il juste de laisser un individu prendre la décision de suspendre l'application de la Constitution? Pourquoi entre 2005 et 2010, alors que la paix était plus ou moins revenue avec l'accord de Ouaga, il ne s'est trouvé personne pour demander de parachever dans le camp Gbagbo la procédure de la révision de l'article 35? Un référendum n’aurait-il pas permis de savoir les problèmes auxquels le pays aurait été confronté en cas d'élection présidentielle? Enfin, est-il juste de limiter ainsi les droits d'un citoyen, de le dire inéligible une année paire (2000), de le rendre éligible l'année impaire (2005), de maintenir cette éligibilité jusqu'en 2010 et venir enfin dire en cette autre année impaire de 2015 qu'il n'est pas éligible? Dieu et l'histoire jugeront les uns et les autres!


Charles Kouassi
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