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Société Publié le lundi 19 octobre 2015 | Le Quotidien d’Abidjan

Enquête express/ Mendicité, action de solidarité pour les démunis: Tout sur une escroquerie déguisée

La mendicité gagne du terrain à Abidjan. Elle est passée de la mendicité classique à celle plus sophistiquée voire insoupçonnée. Et cela, au détriment des honnêtes citoyens qui veulent faire preuve de solidarité en partageant le peu qu’ils ont. Une escroquerie qui ne dit pas son nom.
Ruban de couleur vert et blanc ou rouge (symbole international marquant la solidarité et l’engagement dans la lutte contre le SIDA). C’est l’insigne de bienfaiteur que des jeunes, généralement des filles, n’hésitent pas à accrocher sur les vêtements des généreux donateurs qui n’hésitent pas à épingler la somme de 100 F Cfa voire plus pour venir en aide aux orphelins du Sida, de la guerre, aux enfants désœuvrés, aux sourds muets etc. L’on rencontre ces jeunes dans presque toutes les communes de la capitale économique ivoirienne. Notamment devant les édifices religieux, les restaurants, dans la rue, à Adjamé 220 Logements, au Plateau aux alentours de la sûreté nationale etc. Généralement bien mis, ces personnes interpellent les passants surtout ceux qui par leur apparence, semblent être dans une certaine aisance. Outre cela, il y a des membres de certaines ONG qui font du porte à porte dans les différentes communes de la capitale économique ivoirienne pour demander, des vivres et non vivres à savoir des espèces sonnantes et trébuchantes, des vêtements, chaussures, appareils électroménagers usagés etc. Le lundi 12 octobre dernier, notre équipe de reportage a été accostée par une jeune dame et un jeune homme à proximité de la sûreté nationale à Abidjan-Plateau. La jeune dame tenait en main des feuilles sur lesquelles les donateurs doivent inscrire leurs noms ainsi que leurs contacts après avoir déboursé la modique somme de 100 F Cfa pour apporter de l’aide aux personnes démunies. Le jeune homme, lui, se contente d’épingler le ruban vert et blanc noué à la chemise ou à la robe, c’est selon. « Madame, s’il vous plaît, aidez les personnes désœuvrées, les orphelins », lance cette jeune dame tout en fixant longuement le reporter.
Une escroquerie déguisée
A la question de savoir où se trouve le siège de leur ONG, elle répond : « Notre siège est à Yopougon. Mais il vous sera difficile de le retrouver. Prenez mon numéro et quand vous serez prêtes à vous y rendre, vous m’appelez », explique- t-elle avant de se diriger vers la gare de taxis communaux appelés abusivement « woro-woro) de la commune de Cocody. Non sans jeter de temps à autre un regard furtif en direction du reporter. Le dimanche 6 septembre dernier, une dame élégamment vêtue, postée devant l’église St Ambroise Ma Vigne de Cocody-Angré, hèle les fidèles chrétiens qui après la messe de 9 heures, regagnent leur domicile. « Dons aux orphelins, dons aux orphelins », lance- t-elle tout en faisant de temps en temps le pied de grue devant certains fidèles qui ne se sentent pas concernés. « Madame, juste 100 F Cfa pour venir en aide aux orphelins de guerre, de VIH/SIDA», explique-t-elle à une dame visiblement intéressée par sa proposition. La dame lui remet la pièce de 100 F Cfa et en contrepartie, elle lui remet un ruban rouge et lui demande d’inscrire son nom et ses contacts sur des fiches qu’elle tient en main avant d’aller à la recherche d’une autre personne de bonne volonté. Et ce, tout en refusant de se prononcer sur l’identité de l’ONG, pour qui elle travaille de façon bénévole. Par ailleurs, des jeunes gens se réclamant de certaines ONG notamment l’ONG Rehma et sans badges pour l’attester, font du porte à porte pour demander aux honnêtes citoyens une aide en nature ou en espèce pour disent-ils, soulager les orphelins et les personnes vulnérables. Cette situation qui ne gênait pas au début commence aujourd’hui à importuner les citoyens car pour eux, ils ne savent pas l’usage qui en est réellement fait, le harcèlement de ces bénévoles qui de façon spontanée se présentent devant leur domicile à un moment où l’insécurité est grandissante dans l’e pays. En effet, certaines organisations non gouvernementales (ONG), biens structurées et officiellement reconnues font des pieds et des mains pour soulager réellement les orphelins du Sida, les désœuvrés, les victimes des violences basées sur le genre comme Ruban rouge Côte d’Ivoire, Ruban rouge etc. Joint au téléphone hier, M. Alain Michel Kpolo, directeur exécutif de l’ONG Ruban rouge a expliqué qu’outre la lutte qu’elle engage contre les violences basées sur le genre, son ONG sensibilise sur le VIH/SIDA. « Nous initions des campagnes de sensibilisation sur le VIH/SIDA au cours desquelles nous distribuons des rubans rouges, symbole international marquant l’engagement dans la lutte contre le SIDA », a-t-il indiqué. Il a également précisé qu’il n’envoie pas des bénévoles sur le terrain pour distribuer des rubans rouges moyennant la somme de 100 F Cfa. « Lorsque nos bénévoles sont sur le terrain, ils portent un badge », a-t-il précisé. Si certaines ONG font correctement leur travail d’autres se servent de la misère de ces personnes ciblées pour se mettre à l’abri du besoin.
Les donateurs dans l’embarras
Ainsi, les généreux donateurs ne sachant pas aujourd’hui faire la différence entre les personnes de bonne volonté et les arnaqueurs sans foi ni loi, préfèrent s’abstenir de faire des dons. C’est le cas de Mme Madeleine Kouao, femme d’affaires : « Nous ne savons même pas à quoi sert réellement les fonds collectés », indique-t-elle estimant que « c’est une arnaque ». M. Diarrassouba Koné, enseignant, confie quant à lui : « Au début, je donnais la pièce de 100 F Cfa sans hésiter. Mais aujourd’hui je ne donne plus parce que je ne suis pas sûr que ces fonds recueillis servent véritablement aux démunis ». M. Désiré Koffi, étudiant souligne pour sa part que « c’est une escroquerie déguisée organisée, car certaines personnes disent récolter des fonds pour soutenir les démunis mais quelque fois n’ont pas de siège ». Selon lui, ce n’est pas normal que des individus disposant de toutes leurs facultés choisissent de mendier plutôt que de chercher à travailler ou entreprendre pour se faire honnêtement de l’argent. « C’est une escroquerie déguisée », martèle t-il. M. Jérôme Koutouan, agent d’une structure exerçant dans le bâtiment, fustige le fait que les bénévoles qui demandent les non vivres, vont ensuite les vendre pour se faire de l’argent. « Ce n’est pas honnête », affirme-t-il.
Rosemonde Kouadio
Légende : Des partisans « du moindre effort » usent de stratégies pour soutirer de l’argent à d’honnêtes citoyens.

Encadré
Les décisions qui s’appliquent difficilement
Le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko a décidé dans le cadre de l’assainissement du district d’Abidjan, de déguerpir les mendiants et les marchands ambulants qui pullulent au niveau des artères principales de la capitale économique ivoirienne. Ainsi le ministre Hamed Bakayoko avait indiqué qu’à compter du 5 août 2013, tout mendiant ou marchand ambulant présent à un carrefour sera interpellé et ses marchandises confisquées. Plus de 2 ans après, mendiants et marchands ambulants sont toujours présents dans ces artères. Pire, ils usent de stratégies pour soutirer de l’argent de façon subtile aux honnêtes citoyens. Aussi, pour mettre fin aux « dérapages » au niveau de certaines ONG qui ouvrent des orphelinats ou pouponnières avec pour seul document officiel, le récépissé de dépôt de dossier pour agrément délivré par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurit, la ministre de la Solidarité, de la Famille, de la Femme et de l’Enfant, Anne Desirée Ouloto, a décidé de mettre de l’ordre. A cet effet, Mme Ouloto a souligné au cours d’une rencontre avec les responsables des ONG et orphelinats que son ministère est la seule entité mandatée par l’Etat de Côte d’Ivoire, en liaison avec celui de la Justice, pour la gestion des questions du processus d’apparentement et d’adoption. Vivement que ces mesures et décisions soient respectées pour que plus jamais la situation des personnes vulnérables ne soit un prétexte pour des partisans du moindre effort de s’enrichir au détriment des âmes charitables. L’objectif de cette enquête express est d’extirper les brebis galeuses qui ternissent l’image des ONG officiellement reconnues et sérieuses qui œuvrent au bien être des personnes vulnérables.
R.K
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