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Politique Publié le vendredi 18 décembre 2015 | Assemblée Nationale

Cérémonie de Clôture de la 2ème Session Ordinaire 2015 de l’Assemblée nationale: le discours de Guillaume Soro

© Assemblée Nationale Par DR
Cérémonie de Clôture de la 2ème Session Ordinaire 2015 de l`Assemblée nationale
Vendredi 18 décembre 2015. Abidjan. Guillaume Soro a présidé la Cérémonie de Clôture de la 2ème Session Ordinaire 2015 de l`Assemblée nationale.
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Ainsi donc me voici à Abidjan à l’Assemblée nationale dans notre Hémicycle.

Chers Collègues,

Une juge française, avec une stupéfiante brutalité, a voulu m’enlever, me séquestrer et m’arracher ainsi à votre si douce affection et à celle des miens. Nous l’allons voir tout à l’heure.

Auparavant, permettez que j’adresse en votre nom à tous, mes salutations et mes vifs remerciements pour leur présence à nos côtés ce matin :

A Messieurs les Présidents d’Institutions ;

A Messieurs les membres du Corps Diplomatique et aux Représentants des Organisations Internationales ;

Aux Chefs traditionnels et religieux ; je salue particulièrement ici mes invités personnels venus du Zanzan à savoir, Dagbolo Togonimigno Yao Kouman Dit Adama OUATTARA, Chef suprême des Koulangos et Nanan ADOU BIBI 2, Chef de la Province Pinango.

Aux populations présentes et à toute la presse.

Merci à tous.
Chers collègues Députés,

Ouverte le 7 octobre dernier, soit à quelques jours de l’élection présidentielle, la deuxième session ordinaire de l’année 2015 s’achève fort heureusement dans un contexte national apaisé et satisfaisant au plan politique, social et économique.

Aujourd’hui, je puis affirmer que notre attente a été comblée, car c’est dans un climat calme que le peuple ivoirien a pu s’exprimer.

En assumant leurs responsabilités citoyennes, les Ivoiriennes et les Ivoiriens ont, dès le premier tour, renouvelé leur confiance à Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA pour continuer à présider aux destinées de la Côte d’Ivoire durant les cinq prochaines années.

Honorables Députés,

Je sais le rôle important que vous avez joué dans ce que nous pouvons considérer, à bon droit, comme un véritable succès démocratique. C’est en grande partie à la représentation nationale que nous devons la sérénité retrouvée et la participation significative des populations à ce scrutin.

La Côte d’Ivoire toute entière vous est redevable de la sensibilisation et de la mobilisation des électeurs, du bon déroulement du vote proprement dit, ou encore, et vous savez à quel point c’était une étape cruciale, de l’acceptation unanime du verdict des urnes.

Au regard des graves évènements liés aux élections de 2010, nous pouvons affirmer que les Ivoiriens et la classe politique ont vaincu le signe indien.

C’est d’ailleurs l’occasion pour moi, de féliciter chaleureusement nos deux collègues qui se sont portés candidats pour solliciter le suffrage du peuple à cette élection. Je voudrais leur dire, en votre nom, toute notre fierté pour avoir, chacun en ce qui le concerne, librement exprimé et soutenu devant les Ivoiriens, ses idées, ses désaccords, ses propositions et sa vision ; toute chose qui a contribué à renforcer l’image d’une Côte d’Ivoire plurielle engagée dans un processus irréversible de consolidation de la démocratie.

On se rendra bien compte donc qu’une élection sans effusion de sang et sans aucun cas de violence enregistré est un projet proprement réalisable sur notre continent.

Pour notre pays la Côte d’Ivoire, c’est une grande victoire à apprécier à sa juste valeur.

Ce scrutin, j’en suis convaincu, a sonné le glas de l’Ivoirien pessimiste, suranné, contestataire à souhait et annonce indubitablement l’avènement de l’Ivoirien nouveau aspirant à vivre dans une Côte d’Ivoire nouvelle !

C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à exprimer avec moi, par nos applaudissements conjugués et nourris, notre attachement aux Institutions de la République et, par la même occasion, à celui qui les incarne en premier, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, Président de la République de Côte d’Ivoire.

Je vous remercie.

Honorables Députés,

Comme il est de coutume, à la clôture de nos sessions ordinaires, permettez-moi de présenter à grands traits, le bilan de l’activité législative qui vient de s’achever et qui a été dominée par des questions essentiellement d’ordre économique.

Avant de revenir sur le vote de la loi portant budget de l’Etat pour l’année 2016, je voudrais rappeler l’importance de certaines lois de ratification d’ordonnances prises par le Gouvernement dans le cadre de la conduite de sa politique économique. Il s’agit de :

- l’ordonnance n° 2015-503 du 08 juillet 2015 portant exonération de la taxe sur la valeur ajoutée et réduction de droits et taxes de douanes sur l’acquisition de matériels informatiques, de tablettes électroniques et de téléphones portables ;

- l’ordonnance n° 2015-689 du 1er octobre 2015 portant légalisation du régime fiscal et douanier de la Convention de concession pour la conception, le financement, la réalisation et l’exploitation d’un système de transport ferroviaire urbain et sub-urbain de personnes dans le District d’Abidjan ;

- l’ordonnance n° 2015-228 du 08 avril 2015 portant création de l’Agence nationale pour l’insertion et l’emploi des jeunes dénommée « Agence Emploi Jeunes » ;

- l’ordonnance n° 2015-714 du 04 novembre 2015 portant extension du bénéfice des avantages incitatifs du régime d’agrément à l’investissement du Code des Investissements à la création et au développement d’activités de grands centres commerciaux.

Ces 4 textes de loi combinent 4 facteurs d’ordre économique au cœur du progrès social et de l’amélioration des conditions de vie des Ivoiriens :

- la généralisation de l’usage des technologies de l’information et de la communication, en vue de la diffusion du savoir et de la compétitivité des entreprises ;

- la mobilité des personnes dans le District d’Abidjan ;

- la création d’emplois durables, productifs et décents au profit des jeunes ;

- l’insertion de la Côte d’Ivoire dans la dynamique mondiale de création de grands centres commerciaux avec comme objectifs, la création et l’amélioration des recettes fiscales de l’Etat, l’amélioration du choix des consommateurs, la promotion de l’agro-industrie, la lutte contre la contrefaçon.

Je me réjouis du soutien franc apporté par le Parlement au Gouvernement à travers le vote de ces lois de ratification. Ce vote exprime notre pleine conscience des efforts que notre pays doit accomplir pour moderniser son économie, la rendre compétitive en vue de notre intégration dans le cercle encore trop restreint des pays africains émergents.
La Deuxième Session Ordinaire de notre Assemblée Législative dite session budgétaire nous a également permis d’examiner et d’adopter le budget de l’Etat pour l’année 2016. Je ne m’attarderai guère sur l’évolution exponentielle des ressources budgétaires affectées depuis 2012 à la vie de la Nation.

J’insisterai par contre sur les innovations majeures introduites dans la confection de la loi budgétaire par la loi organique n° 2014-336 du 05 juin 2014 relative aux Lois de Finances et principalement sur l’annexion au projet de loi de finance du Document de Programmation Budgétaire et Economique Pluriannuelle qui couvre une période de trois ans et s’appuie sur des hypothèses économiques précises et justifiées.

Le Document de Programmation Budgétaire et Economique Pluriannuelle 2016-2018 qui traduit les choix de politique publique du Gouvernement sur la période concernée, en lien avec les orientations définies par le Plan National de Développement 2016-2020, permet à la Représentation Nationale d’avoir une meilleure connaissance des perspectives de croissance entrevues dans la marche du pays vers l’émergence à l’horizon 2020.

Les documents budgétaires portent la marque d’un travail d’équipe orchestré par le Président de la République dont la vision mérite ici d’être saluée. La Côte d’Ivoire est sortie du trou noir de la décroissance. Elle est lancée sur les chemins de la performance économique de longue durée. C’est parce que la Représentation nationale partage cet optimisme qu’elle a accordé sa caution au Budget de l’année 2016.

Honorables Députés,

Après ce coin de voile levé sur les points essentiels de notre activité législative trimestrielle, je veux à présent m’appesantir sur le thème que nous avons choisi de développer au titre de l’année parlementaire 2015, à savoir : élections et démocratie.

Au cours de sa jeune histoire, notre pays n’a pas toujours su donner le bon exemple, au point de pouvoir lui-même servir de modèle et s’ériger en précepteur de la démocratie. C’est pour cela que nous devons être fiers de la stabilité politique retrouvée à travers le triomphe du suffrage universel qui est le reflet d’un effort collectif soutenu, permettant à chacun des membres d’une communauté, de participer à la dynamique sociale, dans le respect mutuel et le partage équilibré des responsabilités.

La satisfaction d’être sortis des zones de turbulences électorales doit se nourrir d’une réflexion profonde sur l’avenir de nos peuples et de nos Institutions.

Cette séance de clôture de la Deuxième Session Ordinaire pour l’année 2015 m’offre ainsi l’occasion de saluer la volonté du Président de la République, Son Excellence Alassane OUATTARA, de consacrer son second mandat à trois chantiers qu’il considère comme impératifs pour inscrire durablement notre pays dans le concert des Nations modernes.

Le premier est dédié à la réconciliation nationale. Ce chantier, ouvert au lendemain de son élection en 2010, apparait aujourd’hui plus qu’hier comme le socle sur lequel devra se bâtir une Côte d’Ivoire solide et dont la diversité ethnique, culturelle et religieuse de ses peuples constitue la première des richesses.

Résolument engagé à réconcilier les Ivoiriens, le Chef de l’Etat pourra compter sur le soutien total et entier de la Représentation nationale qui l’accompagnera dans la réalisation de ce processus de tolérance et de pardon mutuels dans lequel, et à des degrés divers, chacun des Ivoiriens est à la fois victime et coupable.

Le deuxième volet a trait à la reconstruction économique du pays qui a mobilisé son attention ainsi que celle de son gouvernement. La liste des réformes structurelles entreprises et auxquelles nous avons apporté notre appui est longue et variée.

En regardant les indices qui servent de baromètre aux Institutions internationales spécialisées dans l’analyse des politiques publiques des Etats, on mesure non seulement le chemin parcouru mais aussi et surtout, les perspectives heureuses ouvertes par la reconnaissance au plan international des étapes franchies par la Côte d’Ivoire pour attirer les investisseurs et rendre la croissance plus inclusive.

Pour les tenir durablement en hausse et rendre leur impact plus inclusif, il importe que ces performances économiques se réalisent nécessairement dans un meilleur environnement institutionnel.

Nous en arrivons ainsi au troisième volet, celui de la rénovation des Institutions qui doit permettre que la combinaison des performances économiques, de la sécurité et de l’Etat de droit parachèvent l’œuvre de consolidation de notre stabilité politique.

Sur le terreau institutionnel donc, troisième volet, l’idée d’une réforme de la Constitution pour l’adapter aux temps nouveaux mérite d’être soutenue. Produit codifié des circonstances politiques et sociales existant au moment de son écriture, la Constitution, on le sait, n’est pas pour autant un acte fermé, clos, fini, mais un acte ouvert à la création continue puisqu’elle peut, par la voie de procédures prévues à cet effet, subir des modifications substantielles.

Le Parlement ivoirien se tient prêt à participer à la modernité constituante voulue par le Président de la République, à soutenir les amendements à la Constitution qui peuvent procéder, soit d’un besoin de remédier aux dysfonctionnements constitutionnels antérieurs, soit d’une volonté de prendre en compte les nouvelles dynamiques à l’œuvre dans notre société.

Pivot du dispositif institutionnel de notre pays depuis l’aube des indépendances, l’Assemblée nationale continuera d’être la matrice de son rayonnement. C’est pourquoi, la dignité et le prestige de cette Institution, y compris celle de son Président, qui l’incarne, doivent être préservés. Bafouer l’un c’est choisir de bafouer l’autre.

Ceci me permet, à présent, de me prononcer sur des questions d’actualités que, j’en suis convaincu, vous m’en voudrez d’occulter en cette circonstance.

Mesdames et messieurs,
Chers collègues,

La spirale, l’emballement et l’affolement médiatique sans précèdent qui s’observent contre ma personne et mon combat politique, même si j’ai fait front, méritent des clarifications après le passage de cette tempête inouïe.

Sur l’affaire des pseudo-écoutes téléphoniques. Que de chimères ! J’ai longuement évoqué le sujet avec le Président de la République Son Excellence Alassane Ouattara à Paris et ici même à Abidjan. Avec lucidité et fermeté, le Chef de l’Etat a tranché. Il ne me revient donc pas de faire vainement perdurer la polémique, même si j’ai été choqué au plus haut point d’être victime de l’une des pires campagnes de dénigrement et de calomnie jamais orchestrées contre ma personne et mon combat politique. J’ai été blessé et meurtri. Comment ne le serai-je ?

Toutefois, toute douleur et amertume contenues, je m’aligne, en citoyen discipliné sur la volonté, l’orientation et les instructions du Président de la République, garant des Institutions, qui, en homme d’Etat, a décidé de traiter personnellement, cette affaire avec les nouvelles Autorités burkinabè élues.




J’ai compris et retenu l’enseignement du père fondateur de la nation, Feu le Président Félix Houphouët-Boigny, qui professait, à juste titre, qu’aucun sacrifice n’est trop grand quand il s’agit de faire la paix pour son pays. L’excellence des relations entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire est un impératif supérieur qui transcende nos petites personnes et nos orgueils personnels.

Le Burkina Faso, vous le savez tous, est un pays fort particulier pour moi. C’est le pays qui m’a accueilli aux heures les plus graves de mon existence en m’offrant l’exil. J’aime le Burkina Faso. L’honneur et la dignité du peuple burkinabè ont été aussi une des raisons de notre combat politique global, parfois au péril de nos vies, quand il fallut faire cesser l’horreur de la xénophobie qui menaçait de déstabiliser notre sous-région.

J’ai la conviction profonde que l’intégration réussie des peuples, contribuera à l’intégration politique du continent et à son essor économique. Ne sommes-nous pas tous heureux qu’enfin, il ait été mis fin aux vexations et aux humiliations liées au contrôle des cartes de séjour !

C’est pourquoi, bien que meurtri, ma volonté constante demeure de souhaiter le meilleur avenir possible à ce pays frère et ami.

Aussi voudrais-je, à nouveau, féliciter ce vaillant peuple, ses Autorités et toute sa classe politique pour la tenue d’élections sans la moindre effusion de sang.

Je m’en réjouis et je félicite mon aîné et ancien collègue, Son Excellence Monsieur le Président Roch Marc Christian Kaboré, pour sa brillante élection à la tête du Burkina Faso. Le Président Roch KABORE, vous vous en souviendrez, cultive une longue relation de fraternité avec les députés ivoiriens.

En effet, alors Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso et Président de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, que de fois n’avons-nous été honorés de le voir à nos côtés ? Que de fois n’avons-nous pris grand plaisir à l’entendre partager avec nous, sa vision d’une Afrique unie et prospère.

Qui ne se souvient de son dernier discours qu’il a prononcé et dont le souvenir reste toujours vivace.

En votre nom à tous, je forme le vœu ardent et sincère qu’il conduise avec davantage de succès son pays et le valeureux peuple du Burkina Faso vers les lendemains qui chantent.

Distingués invités,
Honorables Députés,

Venons-en maintenant à l’affaire de la plainte que le fils de l’ancien Président a portée auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris.

Une juge française a cru devoir, par tous les moyens m’humilier. Voilà, c’est fait, je lui dis bravo.

Par contre, quand la même juge a tenté d’humilier mon pays, la Côte d’Ivoire, je ne l’ai pas accepté ; je ne peux l’accepter. J’ai résisté car, pour moi, le combat pour la souveraineté de la Côte d’Ivoire et la dignité du peuple ivoirien mérite qu’on y consacre toute la vie.

Chers Collègues,

La question essentielle que pose cette affaire est celle de la légalité d’une procédure qui consiste, pour une juge d’une juridiction nationale française, à convoquer en France pour l’entendre, un citoyen ivoirien pour des prétendus faits qui se seraient produits en Côte d’Ivoire et concernant deux Ivoiriens.

En effet, le 14 novembre 2011, le sieur Michel GBAGBO KOUDOU, citoyen ivoirien, Maître-assistant à l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, Secrétaire national chargé de l’administration pénitentiaire et des détenus politiques du FPI, ancien Secrétaire général adjoint dans le Bureau Exécutif National (BEN) de la JFPI, Ex-Directeur de la Formation, de la Communication et de la Sensibilisation au Comité national de pilotage du redéploiement de l’Administration (CNPRA) sous tutelle de la primature, dépose une plainte auprès du Tribunal de grande instance de Paris. Arguant de sa nationalité française, il espère faire prospérer sa plainte.

Curieux qu’il ne se soit subitement souvenu de sa nationalité française que lorsque qu’il a été inculpé par la justice ivoirienne pour atteinte à la Sureté de l’Etat et pour crime économique. Il est inutile de vous rappeler que les faits incriminés remontent au 11 avril 2011, car, vous avez été les victimes et/ou les témoins de ces tristes moments d’égarement puis de l’issue aussi fatale que regrettable à laquelle ils ne pouvaient que conduire.

C’est à juste titre que, le 27 mars 2012, statuant conformément au droit positif français, le Procureur de la République de Paris, sans surprise, classe l’affaire sans suite, opposant à la partie plaignante, la souveraineté de l’Etat ivoirien. A raison, la politique ivoirienne n’a rien à faire en France.

Récidivant, le plaignant réintroduit une nouvelle plainte, cette fois avec constitution de partie civile le 25 juin 2012.

Le 9 août 2013, une juge française décide de faire prospérer la plainte et lance une Commission Rogatoire Internationale à cet effet.

Permettez-moi de vous donner lecture des termes précis de ladite Commission rogatoire et je cite :

« Le 14 novembre 2011, Monsieur Michel GBAGBO, de nationalité française, fils de l’ex-président de la République de Côte d’Ivoire déposait plainte par le biais de son avocat et expliquait qu’il a été victime d’enlèvement, a été séquestré et est actuellement détenu arbitrairement par des forces militaires au service de Monsieur le Président de la République Alassane OUATTARA et Guillaume SORO, qui lui ont fait subir des traitements inhumains et dégradants.

… Il convient de rappeler que par une ordonnance en date du 17 mars 2011, Monsieur Alassane OUATTARA créait les Forces Républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) composée essentiellement d’anciens rebelles, rebaptisées Forces Armées des Forces Nouvelles (FAFN).

Etant observé que les commandants de zone sont sous l’autorité directe de Monsieur Guillaume SORO, alors Premier Ministre et Ministre de la Défense du Gouvernement de Monsieur Alassane OUATTARA, et sous l’autorité indirecte de ce dernier.

Les principaux commandants de zone à la tête de cette armée sont :

- Monsieur Morou OUATTARA ;
- Monsieur Hervé Pelikan TOURE ;
- Monsieur Ousmane CHERIF ;
- Monsieur Zoumana OUATTARA ;
- Monsieur Issiaka OUATTARA ;
- Monsieur Losseni FOFANA ;
- Monsieur Dramane TRAORE ;
- Monsieur Ousmane COULIBALY ;
- Monsieur Gaoussou KONE ;
- Monsieur Martin Kouakou FOFIE.

Mission de la Commission rogatoire :

Ceci étant exposé, nous avons l’honneur de prier les Autorités compétentes de la Côte d’Ivoire de bien vouloir faire entendre les personnes qui ont pu participer à l’appréhension ou à la rétention de Monsieur Michel GBAGBO aux fins de savoir dans quel cadre légal selon la loi ivoirienne, elles ont pu appréhender ou retenir Monsieur Michel GBAGBO »

Fin de citation.

Chers collègues,

Je m’empresse de vous dire que cette Commission rogatoire ne m’a jamais été notifiée, ni d’ailleurs aux officiers supérieurs des Forces Républicaines cités.

Tous, comme moi aujourd’hui, sont cités à comparaitre au Cabinet de la juge en qualité de témoin ont assisté.

A l’analyse, l’exposé des faits de la Commission Rogatoire Internationale tel que libellé traduit une posture politicienne éculée, issue des officines des partisans de l’ancien régime.

Chers Collègues,

Il convient de noter la duplicité du plaignant qui était au rang de ceux qui, hier, ont battu le pavé, bavant leur haine contre la France et les étrangers, au nom d’un nationalisme exacerbé (qui ne se souvient de la fameuse formule « à chacun son français ») et qui aujourd’hui, brandissent leur nationalité française pour espérer les faveurs des autorités judiciaires de ce pays !

L’on pourrait dire que c’est de bonne guerre.

Qu’on se le dise toutefois, en un mot comme en mille, dans cette affaire, il ne s’agit ni plus ni moins que de la remise en cause de l’élection du Président de la République Son Excellence Alassane OUATTARA en 2010.

Mais là où le bât blesse, c’est que toute l’argumentation de la juge repose sur un tel présupposé.

Si l’on s’inscrit dans cette logique, on comprend que l’ordonnance signée le 17 mars 2011 par le Président OUATTARA et portant création des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, soit à leurs yeux frappée de nullité.

Ainsi, l’arrestation régulière le 11 avril 2011 de Monsieur Laurent Gbagbo, sa famille et ses proches, ne serait rien d’autre qu’un enlèvement perpétré par des forces sans légitimité, donc des milices sans foi ni loi.

Et pourtant, la vérité sur cette question est d’une cinglante évidence, elle est historique : le 11 avril 2011, les soldats des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, face aux massacres et autres pogroms commis par le camp de l’ancien Président, se sont bel et bien adressés à l’Ivoirien Michel GBAGBO qu’ils ont régulièrement mis aux arrêts ; accomplissant aux yeux du monde entier une mémorable mission de salut public unanimement applaudie par toute la communauté nationale et internationale.

Dans la même veine, la prison civile de Bouna étant sous l’autorité d’un Gouvernement qui, dans leur entendement, serait illégal et illégitime, celle-ci ne peut être qu’un lieu de séquestration.

Quant aux termes de « traitement inhumain et dégradant », ils n’échappent guère à la même logique.

Permettez-moi de vous dire ce qu’en pensent nos savants médecins de l’une des cliniques les plus réputées de Côte d’Ivoire, la PISAM. Monsieur Michel GBAGBO a été tant et si mal traité que son certificat médical ne révèle qu’une simple carie dentaire.

Dans la situation de quasi guerre civile d’alors, quelle ingratitude vis-à-vis des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire, ces héros, qui ont sué sang et eau pour le protéger des foules déchainées et en colère !

Aujourd’hui la paix revenue, l’on feint d’ignorer ce qui serait advenu s’il était livré à lui-même, à la vindicte populaire comme ce fut le cas dans certains pays que je ne citerai pas.

Quelle infamie vis-à-vis des Autorités ivoiriennes qui l’ont protégé, logé, soigné au point de bénéficier de la Justice ivoirienne d’une mise en liberté provisoire contre l’avis des parents des victimes qui n’ont pas encore fini de pleurer leurs morts, leurs disparus et les mutilés à vie ! Lui qui, dès sa sortie de prison a tranquillement et paisiblement retrouvé son emploi d’enseignant à l’Université d’Abidjan.

Chers Collègues,

Quelle n’a été ma stupéfaction, alors que la Commission rogatoire était encore en cours, d’apprendre par ouï-dire que la juge française a porté à un domicile privé en France, une convocation me citant à comparaitre à son cabinet le 21 octobre et une deuxième, un mois plus tard.

Dès lors que lesdites convocations ne m’ont dûment pas été remises en mains propres et à la bonne adresse, pouvaient-elles m’être opposables ?


Au surplus le propriétaire du domicile qui ne pouvait en droit, ni agir en mon nom, ni en mes lieu et place, a, par lettre recommandée, non seulement retourné lesdites convocations à l’envoyeur, mais a expressément porté la mention « Monsieur Guillaume SORO n’habite pas à cette adresse ».

La juge ne pouvait pas ignorer que je suis bel et bien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, domicilié et résidant en Côte d’Ivoire.

Aussi, en visite officielle à Londres auprès du Parlement britannique, ensuite en séjour officiel en France dans le cadre de la COP21, ai-je été ahuri d’apprendre, par voie de presse, que la fameuse juge délivrait un mandat d’amener contre ma personne le 05 décembre, alors qu’elle était en contact constant avec mes avocats.

En effet, au petit matin du 07 décembre, 17 policiers armés se sont rendus au domicile français de ma proche famille en vue d’exécuter ledit mandat ; créant un traumatisme sans précédent chez les miens en cette période d’état d’urgence dans ce pays. Les risques d’un dérapage étaient grands.

Quel était le but recherché ? Juste m’humilier.

Autrement, comment comprendre que, bénéficiant de l’immunité absolue, une telle démarche puisse être engagée ! Cela est incompréhensible et relève d’un abus de pouvoir que je dénonce.

Muni d’un ordre de mission régulier de l’Assemblée nationale, la juge ne pouvait m’opposer un tel mandat.

C’est un outrage fait à la Représentation nationale, à nos Institutions et à notre Nation.

La législation et la jurisprudence française en matière de protection de l’immunité diplomatique ainsi que de l’immunité juridictionnelle sont sans appel pourtant.

Tel fut le cas dans l’affaire de la plainte déposée contre Monsieur Donald RUMSFELD, ancien Secrétaire d’Etat américain à la Défense pour des faits de tortures survenus lors de la guerre en Irak. Pour justifier le classement de l’affaire sans suite, le Procureur de la République de Paris s’était inspiré d’un avis du Ministère des Affaires Etrangères indiquant et je cite :

« qu’en application des règles du droit international coutumier, consacrées par la Cour internationale de Justice, l’immunité de juridiction pénale des chefs d’Etat, de gouvernement et des ministres des affaires étrangères subsistait, après la cessation de leurs fonctions, pour les actes accomplis à titre officiels, et qu’en tant qu’ancien secrétaire à la défense, Monsieur RUMSFELD devrait bénéficier, par extension, de la même immunité, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions ».

Vous vous souviendrez avec moi, qu’au moment de la commission des présumés faits, le 11 avril 2011, j’occupais les fonctions de Premier Ministre, Ministre de la défense et je suppose que c’est à ce titre que je suis aujourd’hui abusivement visé par la juge ainsi que plusieurs chefs militaires de notre armée.

Pourquoi un officiel américain devrait-il bénéficier de l’application stricte de l’immunité diplomatique et juridictionnelle et pas un officiel ivoirien ?

Pourquoi ce qui est vrai pour un citoyen américain ne l’est-il pas pour un citoyen Ivoirien ?

Je ne savais pas que le légal et l’illégal étaient une question de coloration partisane. Je ne savais pas que le constat de Jean de la Fontaine était toujours d’actualité et que selon que vous serez puissant ou misérable, les juges de la cour vous rendront blanc ou noir.

Quand l’on sait que notre bonne juge a, à son actif, deux anciennes très hautes Personnalités de la République française qu’elle a convoquées et entendues à son Cabinet, naturellement, je ne représente à ses yeux, moi le petit Président d’une petite Assemblée nationale d’un petit pays, la Côte d’Ivoire, qu’un menu fretin.

Pour autant je ne suis pas homme à fuir ni la justice, ni ma responsabilité. Moi qui dans mon pays ai été en prison la première fois à l’âge de 22 ans puis quatre autres fois successivement et ce, du fait de mon militantisme syndical estudiantin ; j’ai une expérience de la justice.

Lorsque la Commission Rogatoire Internationale, conformément à la convention de coopération en matière de justice entre la République française et la République de Côte d’Ivoire du 24 avril 1961, me sera dûment notifiée, il reviendra au Bureau de l’Assemblée nationale de statuer. Car, au final, c’est à vous Chers Collègues, et à vous seuls que la décision appartient.

C’est vous qui aurez le dernier mot s’il s’agit de me présenter à la justice de mon pays et ce jour-là, il sera comme il lui plaira à la juge française de venir en Côte d’Ivoire pour assister un juge ivoirien, seul qualifié pour m’entendre.

Par contre, et j’insiste à nouveau, ce qui à mes yeux, ne peut être ni marchandé ni cédé, c’est la considération et le respect dus aux lois et procédures de mon pays la Côte d’Ivoire car, une nation, si petite soit-elle, est une nation. Nous n’accorderons notre respect qu’à ceux qui nous respectent.

Est-il imaginable un seul instant qu’un officiel français soit convoqué par des juridictions nationales ivoiriennes sur des faits qui se sont produits en France entre deux français ?

Face à la récurrence de tels incidents graves (je rappelle les cas du Maroc, du Gabon, de la Guinée Equatoriale, de l’Algérie, du Rwanda et aujourd’hui de la Côte d’Ivoire, qui n’honorent pas l’excellence de nos relations avec la France) l’Afrique doit se réveiller.

Ceci dit, ne faisons pas d’amalgame car la France nous l’aimons, les Français nous les aimons aussi. Jamais ne nous habitera le sentiment anti-français. Le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs est aussi une réalité dans notre pays. Et nous comprenons fort bien que des juges tentés par l’abus d’autorité puissent exister ici et ailleurs.

Au passage, je salue l’Ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Georges SERRE et le rassure de notre volonté inébranlable à célébrer l’excellence des relations entre nos deux pays. Je le remercie également de la visite de courtoisie et des amabilités qu’il m’a récemment rendues.

Chers Collègues, j’ai été meurtri par toutes ces cabales qui m’ont frappé de plein fouet.

Ces cabales ont fait naitre la rumeur. Réfuter une rumeur ? Bien difficile voire impossible tant elle se répand comme un cancer généralisé comme si le médisant avait le diable sur la langue, comme si celui qui l’écoute avait le démon à l’oreille.

Les coups bas en politique sont fréquents. Mais que certains pseudo panafricanistes, de même que certains de mes compatriotes se soient réjouis et aient ri à gorge déployée de cet évènement alors qu’il ne s’agissait, ni plus ni moins que de l’humiliation de la Côte d’Ivoire toute entière, me semble proprement hallucinant et abominable.

En effet, si j’avais cédé, et permis que la Juge française perfore mon immunité, j’aurais créé là une jurisprudence, livrant du coup tous les officiels ivoiriens et africains éventuellement au même sort. Je suis fier d’avoir résisté pour mon pays et pour l’Afrique.

Chers Collègues, je veux conclure.

Dans ce pays que nous voulons libre, démocratique et prospère, personne de vous n’est à l’abri des ragots. Notre chemin politique à tous, Chers Collègues parlementaires est parsemé d’obstacles, dressés par la médisance, la méchanceté et la calomnie.

Mais face à ces épreuves, je demeure serein. Absolument serein.

C’est le lieu pour moi de remercier tout particulièrement le Président de la République Son Excellence Alassane OUATTARA dont le soutien entier et absolu ne m’a jamais fait défaut. Il m’a, dans cette épreuve témoigné, une affection si forte et un soutien politique indiscutable qui m’ont porté réconfort.

Je tiens à remercier sincèrement son épouse la Première Dame Madame Dominique OUATTARA. Je veux ici lui dire toute ma reconnaissance pour les coups de fil constants à mon endroit en ces temps d’adversité et de tourments. Elle me permettra de la paraphraser « les coups qui ne vous tuent pas vous rendent fort ».

Je voudrais également dire merci, grand merci au Président Henri Konan BEDIE et à son épouse madame Henriette Konan BEDIE qui m’ont reçu à déjeuner à leur table à Paris.

Le Président BEDIE m’a dit et je le paraphrase : « SORO, tiens bon, ça va aller ».

Avec une réelle émotion, je voudrais également dire merci à Madame Marie-Thérèse HOUPHOUET-BOIGNY. Dès le début de ce feuilleton surréaliste, elle n’a cessé de m’appeler pour me couvrir de ses bénédictions et de sa tendresse toute maternelle. Merci à vous, Mamie.

Je suis reconnaissant aux partis politiques ivoiriens et aux Personnalités politiques d’Afrique et d’Europe qui, publiquement, m’ont exprimé leur solidarité.

Mais surtout, surtout, je veux vous remercier du fond du cœur, chers Collègues Députés, vous qui, du Bureau de l’Assemblée nationale à la Conférence des Présidents et à la plénière dont les délibérations ont valeur de loi, m’avez témoigné de façon exceptionnelle une solidarité et un soutien sans faille qui demeureront inscrits de façon indélébile, dans les annales de notre Institution.

La résolution issue de la plénière du mercredi 09 décembre 2015, votée à l’unanimité est un véritable vote de confiance en ma personne. Je me sens réélu à la tête du Parlement et j’en suis fier.

Et vous me trouverez, chers collègues, renforcé dans les combats que nous avons ensemble menés jusqu’à présent. Je serai toujours présent quand il s’agira de la défense du prestige de notre Institution en Afrique et dans le Monde. Je répondrai encore présent quand il s’agira de la préservation de la dignité et de la considération dues à nos Députés.

A ma famille qui a autant souffert que moi, sinon plus, je voudrais dire mon affection. Je voudrais leur dire que chaque fois qu’une blessure les atteint en raison de mon engagement en politique, c’est une plaie qui s’ouvre dans mon cœur.


Je remercie mes amis, mes compagnons, les héros des Forces Républicaines de Côte d’Ivoire qui aujourd’hui comptent parmi les piliers infranchissables de la Défense de l’Etat démocratique et prospère qu’est la Côte d’Ivoire.

Je ne peux accepter que ces intrépides serviteurs de l’Etat, qui, hier au prix de leurs vies ont mené le bon combat pour l’instauration de la démocratie et l’Etat de droit en Côte d’Ivoire soient, aujourd’hui, victimes d’un harcèlement judiciaire injustifié.

Je n’oublierai pas tous ces anonymes des campements, des villages et des villes, qui m’ont spontanément manifesté leur amitié.

Grâce à vous, je suis debout, avec vous je demeure debout et, ensemble, nous marcherons d’un pas hardi sur le chemin du destin.

Retenez-le chers collègues, je suis un homme de mission. Je ne suis pas un homme de démission.

Je vous remercie
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