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Editorial Publié le jeudi 14 janvier 2016 | Diasporas-News

Editorial / Diasporas News Janvier 2016 : Le silence troublant de la CPI sur les crimes burundais

Cela fait un peu plus d’un an que le Burundi est en proie à des violences qui font suite à la réélection de Pierre Nkurunziza en août 2015, en violation de la constitution, pour un troisième mandat de cinq ans. Ce passage en force à la tête d’un pays fragilisé par des années de conflits inter-ethniques, cristallise les tensions entre opposition et pouvoir.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que ces violences prennent réellement leurs racines dans les différentes tragédies que le Burundi a connues depuis son indépendance en 1962. Il s’agit essentiellement de conflits armés pour le contrôle du pouvoir d’Etat opposant les Hutus et Tutsis, les deux groupes ethniques majoritaires du pays. Même la solution d’une présidence alternée entre les deux ethnies proposée par la communauté internationale n’a toujours pas réussi à taire les rancœurs et les ambitions meurtrières des deux tribus.

L’avènement de Pierre Nkurunziza avait pourtant nourri beaucoup d’espoir de paix dans le pays. Cet ancien chef rebelle, né d’un père Hutu, député, assassiné lors des violences inter-ethniques de 1972 alors qu’il n’avait que 8 ans, et d’une mère Tutsi, avait affiché de très bonnes intentions.

En août 2005, lorsqu’il est élu à la tête du pays par le parlement issu de l’accord d’Arusha qui consacre le partage du pouvoir entre Hutu et Tutsi, le dernier mouvement rebelle décide de déposer les armes. Le pays est quasiment pacifié lorsqu’il est (ré) élu en juin 2010, cette fois, au suffrage universel. En avril 2015, il rempile à la tête du pays en dépit de la contestation de l’opposition qui estime qu’il brique un troisième mandat en violation de la constitution alors que son camp se défend en considérant que Pierre Nkurunziza n’a fait qu’un seul mandat en réalité. Pour l’opposition et la société civile, il n’est pas question de laisser passer cette imposture.

Alors, depuis le 20 août 2015, date à laquelle Pierre Nkurunziza a prêté serment en catimini, les mouvements de contestations dans les quartiers populaires de Bujumbura et dans les provinces ne faiblissent pas. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’un coup d’Etat organisé par des officiers est déjoué de justesse en mai 2015 par le pouvoir au moment où le président se trouvait en Tanzanie.

Après l’échec du putsch, la police militarisée de Pierre Nkurunziza va user des moyens de violence les plus musclés pour mater les manifestants. Les représailles dans les quartiers contestataires sont brutales et hors normes. Certains leaders politiques et de la société civile, des journalistes sont pris pour cibles. Les victimes se comptent par dizaines et centaines. Plusieurs organisations de défense des droits de l’homme comme le FIDH dénoncent les crimes commis à grande échelle. Plusieurs rapports sont même établis avec des preuves irréfutables de meurtres à caractère ethnique et politique.

Dans la foulée, une rébellion composée de déserteurs de l’armée, fait son apparition et promet de faire tomber le régime. Celle-ci s’est déjà illustrée en se mesurant aux forces loyalistes. Aux lendemains des combats, les rues de la capitale, Bujumbura, jonchaient de cadavres. Pour beaucoup d’observateurs, l’avènement de cette rébellion risque fort de compromettre toutes les chances d’un dialogue inter-burundais pour arriver à un accord de paix.

Alors pour arrêter la spirale de violences, l’Union Africaine avait proposé l’envoi de forces d’interposition pour sécuriser le pays. Malheureusement, le pouvoir s’y est opposé soupçonnant l’aide africaine d’ingérence. Aujourd’hui, tous les observateurs s’accordent à dire que le pays est au bord d’un conflit génocidaire tellement les positions sont tranchées sur des considérations ethniques.

Pendant ce temps du côté de La Haye, siège de la Cour Pénale Internationale, c’est le silence radio. Or, le Burundi compte parmi les Etats parties pour avoir ratifié le Statut de Rome portant création de la CPI le 21 septembre 2004. Ce qui signifie que la CPI est compétente pour connaître des crimes visés au Statut de Rome commis par des ressortissants burundais ou sur le territoire de ce pays. Pourquoi alors la Cour n’a-t-elle pas engagé des examens préliminaires ?
Sur l’ensemble des affaires pendantes devant la CPI, voici ce qui en est : « Le Bureau du Procureur a ouvert des enquêtes en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Darfour (Soudan), en République centrafricaine, au Kenya, en Libye, en Côte d’Ivoire et au Mali. Il conduit également des examens préliminaires à propos des situations en Afghanistan, en Colombie, en Géorgie, en Guinée, en Iraq/Royaume-Uni, au Nigéria, en Palestine et en Ukraine. » Comme on le constate, dans les deux cas de figure, le Burundi ne figure sur aucune de ces listes de pays épinglés.

Au vue de la gravité de la situation dans ce pays, les seules mises en garde de la Procureure Fatou Ben Souda ne suffissent plus à dissuader le régime à arrêter les meurtres qui visent les populations civiles et les leaders politiques. Les Burundais qui ont échappé à la folie meurtrière du pouvoir de Pierre Nkurunziza, attendent de la CPI et de la communauté internationale, des actes et non des mots, face à un régime totalitaire devenu sourd et aveugle.

Clément Yao
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