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Société Publié le dimanche 3 avril 2016 | L’intelligent d’Abidjan

Des emplois, des constructions, et des investissements menacés : Au coeur des dangers du scandale de l’importation non règlementée du ciment

Alors que des centaines d’emplois sont menacés, que la sécurité des constructions et des investissements est menacée, le gouvernement semble impuissant!
Depuis 2013, en Côte d’Ivoire, un ciment de mauvaise qualité, importé souvent dans des conditions frauduleuses, inonde le marché. Le tissu industriel est fragilisé, des milliers d’emplois directs et indirects sont menacés. Au moment où l’obsession du gouvernement est de créer des emplois, l’importation non réglementée du ciment va détériorer encore plus le marché de l’emploi.
Les entreprises et les artisans s’inquiètent de cette situation. Les consommateurs découvrent qu’on leur vend un ciment de mauvaise qualité. Que font le gouvernement et les industriels du bâtiment pour protéger un secteur stratégique, la construction ? De quelles complicités bénéficient ceux qui importent ce ciment ?
Il faut agir vite, si l’on ne veut pas mettre en péril tout un secteur d’activité et découvrir, mais trop tard, de nombreuses malfaçons. Mettre en difficulté, comme l'est le secteur des telecoms avec le retrait des licences, sans oublier que de nouveaux investisseurs pressentis dans le secteur ciment, ont dû mal à avancer à cause , des importateurs non contrôlés, qui tuent l'industrie locale à petit feu !

L’état des lieux
Au sortir de la crise des années 2000 à 2011, les producteurs de ciment ont salué la reprise du secteur de la construction porté par les grands projets de l’État : réhabilitation des infrastructures et édifices publics, programmes de construction massive de logements sociaux.
Quatre (4) entreprises, qui opèrent en Côte d’Ivoire, ont investi des milliards de nos francs dans la cimenterie, portant leur capacité de production, pour 2016, à 4,2 millions de tonnes de ciment et favorisant la création d’emplois.
Face à la croissance du marché, ces entreprises, afin de satisfaire la demande, ont encore investi, afin d’augmenter leur capacité de production.
2013 : motif de satisfaction, pour ces entreprises, car, face aux importations de ciment qui se faisaient dans des conditions peu claires, le Ministre du Budget durcit les conditions d’importation par la mise en place de la circulaire N°1662 du 02 janvier 2014, applicable à tous les opérateurs.
2015 : changement de situation. Le gouvernement souhaite, avant l’élection présidentielle, que soient achevés les travaux des grandes infrastructures et les programmes de logements sociaux. La demande intérieure est toujours aussi forte. Conséquence : la distribution augmente les prix du ciment, alors que ces prix restent inchangés à la production. Afin de lutter contre cette hausse, l’État ivoirien, par le biais du Ministère de l’Industrie et des Mines, autorise les entreprises productrices à importer 300.000 tonnes de ciment. Des mesures sont prises pour faciliter ces importations. Grâce à ces importations, les prix sur le marché, qui étaient montés de 120.000 FCFA à 130.000 FCFA la tonne, redescendent autour de 90.000 FCFA à 100.000 FCFA.
Mais, ce qui était une bonne mesure, produit des effets pervers : à côté des importations « légales » effectuées par les producteurs, on assiste à des importations massives et non contrôlées de ciment par d’autres opérateurs économiques en violation des règles de bonne concurrence et de maintien de la qualité. Les vrais professionnels du ciment sont surpris par la faiblesse des valeurs déclarées par ces « nouveaux » importateurs, au mépris du respect des règles douanières.
Les conséquences de cette situation, dans un secteur aussi stratégique et aussi vital que la construction, sont si négatives qu’elles impactent la croissance du pays.
-D’abord, l’État subit des pertes de recettes considérables.
-Ensuite, les importateurs locaux subissent une concurrence déloyale. Le ciment importé via ce circuit parallèle, vient souvent de l’espace CEDEAO en franchise des taxes et droits de douane; Or, les producteurs locaux importent leurs matières premières en dehors de la zone CEDEAO et supportent toutes les taxes douanières.
-Enfin, cette situation rend inefficace les gros efforts d’investissements consentis par les industriels locaux du ciment, fragilise l’industrie nationale et met en péril les nouveaux opérateurs annoncés dans ce secteur.
Autre danger, et non des moindres, le contrôle qualité de ces importations par un circuit parallèle n’étant pas effectué, le ciment vendu n’est pas conforme aux normes de qualité exigée. Les malfaçons se multiplient et les risques d’éboulement et d’écroulement d’immeubles ou d’ouvrages construits sont réels. À quand de nouvelles catastrophes ? Dans ce cas, l’État et les ministères concernés porteront une lourde responsabilité ! Pour les particuliers, les assurances ne voudront pas rembourser ceux qui auront utilisé un ciment défectueux.
Tout aussi dramatique pour notre environnement est l’utilisation par certains importateurs, qui violent les mesures d’interdiction prises par le Gouvernement, de sacs plastiques/PP qui ne sont pas biodégradables , pour le conditionnement du ciment.

La rencontre entre les cimentiers et le gouvernement

Selon des informations recueillies auprès des autorités ivoiriennes, ce dossier très sensible est à l'étude au sein d’un comité interministériel piloté par la Primature. Il s’agit de trouver une solution aussi bien dans l’intérêt des industriels du ciment que celui des consommateurs.
Le 10 mars 2016, le Directeur de Cabinet Adjoint du Premier ministre a accordé une audience aux cimentiers ivoiriens, afin de mesurer la gravité de la situation. Il a reconnu que ces importations massives de ciment se font en violation des règles de bonne concurrence et de préservation de la qualité.
La situation met en péril les efforts par les industriels du ciment qui, conscients du potentiel de croissance de la consommation nationale, ont pourtant consenti à de gros investissements : plus de 20 milliards de FCFA en 2015 et, environ, 32 milliards FCFA prévus en 2016. Leur objectif est d’accroître leurs capacités de production, afin de satisfaire les besoins du marché. La capacité de production, qui été de 2,99 millions de tonnes en 2015, a été portée à 4,2 millions de tonnes en 2016. Les besoins du marché ivoirien sont les suivants : 3,4 millions de tonnes en 2015, 4 millions de tonnes en 2016, 6,3 millions de tonnes en 2017. Les quatre (4) usines qui produisent du ciment en Côte d’Ivoire expliquent que leurs capacités couvrent largement les besoins actuels, comme ceux des années à venir, sans compter les investissements annoncés par de nouveaux opérateurs.

Un secteur stratégique menacé ?
Le gouvernement est désormais mis devant ses responsabilités avec cette réalité : le secteur de l'industrie du ciment n’est plus simplement menacé, il est aujourd’hui sinistré.
Les usines de production du ciment ivoiriennes tournent à 60 % de leur capacité. Les suppressions d’emplois se profilent à l'horizon . Tout aussi grave : les industriels du ciment seraient conduits à se reconvertir en simples importateurs de ciment. La Côte d’Ivoire perdrait ainsi un savoir-faire industriel inestimable, ce qui porterait atteinte à sa souveraineté. Un pays sans vraie capacité industrielle dans certains secteurs, ne peut pas prétendre rester ou devenir un grand pays, ou émergent !
Que se passe-t-i dans le reste de l’Afrique ? La plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique centrale et d’Afrique de l’Est ont pris des mesures conservatoires, afin de sauver leur industrie du ciment.
Au Congo, le ministère du Commerce et des Approvisionnements, dans une note de service datée du lundi 1erfévrier 2016, a suspendu la délivrance des déclarations d’importation du ciment.
Au Ghana, M. Ekwow Spio-Garbrah, ministre du Commerce et de l’Industrie, dans une note adressée le 17 mars 2016 au Parlement, a proposé une loi destinée à réguler l’importation du ciment dans le pays. Avec cette loi, le gouvernement est le seul à pouvoir accorder des permis d’importation. Le ministre, qui visait le ciment importé du Nigéria et de Chine, souhaitait, dans ce secteur-clé, « régler le chaos dans le pays ». Souvent accusé, le Nigéria a lui-même interdit l’importation du ciment sur son sol, accordant à AliKo Dangote, considéré comme l’homme le plus riche d’Afrique, un extraordinaire monopole sur un gros marché.
En Côte d’Ivoire, aucune mesure de cette nature n’est encore à l’ordre du jour, malgré les inquiétudes des consommateurs et de la société civile , malgré surtout les mesures qui viennent d'être enfin prises, pour mettre fin aux licences accordées en désordre, dans le secteur de la téléphonie, malgré aussi l'annonce de nouveaux investisseurs dans le secteur du ciment, mais qui redoutent déjà les importateurs sans visage, qui font du dumping.
De leur côté, les industriels du ciment, qui attendent des mesures de sauvegarde pour leur industrie, ont du mal à cacher leur inquiétude , sous un air d'espoir fondé sur les assurances et les promesses du gouvernement.

Charles Kouassi et Olivier Guédé
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