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Politique Publié le mardi 10 mai 2016 | Ivoire-Presse

Révision de la Constitution ivoirienne ou élaboration d’une nouvelle: Analyse et décryptage par le Dr Guibessongui Sévérin

© Ivoire-Presse Par DR
Dr. Guibessongui N’Datien Séverin, Docteur en Droit / Avocat.
L’élaboration et l’adoption de la Constitution du 1er août 2000 avaient cristallisé les passions et renforcé les antagonismes socio-politiques. Les mêmes causes (contexte confligéne et passionnel) entrainant les mêmes effets (crises socio-politiques et militaires), il convient de ne pas semer le trouble dans les mentalités en les désorientant de l’essentiel du vivre ensemble sous une norme fondamentale nouvelle ou révisée et mieux adaptée aux nouveaux impératifs socio-politiques.
Après quinze ans, que de temps écoulé et que de larmes coulées ! Ce temps physique (assez court) et ce temps phycologique (trop long) ont donné à constater que les divisions, les frustrations et les rancœurs de quelque bord qu’elles soient, sont la résultante malheureuse de notre Constitution actuelle. Socle de la nation censé être la boussole de tous et pour tous, notre Constitution a hélas désorienté le peuple et semé la division au lieu d’être le fondement d’une nation solide et prospère.
Cette Constitution n’a en réalité pas réussi sa vocation fondamentale d’organiser et de faire fonctionner correctement les pouvoirs publics. Ceux-ci se sont tiraillés en s’affaiblissant mutuellement au lieu d’assurer ou d’assumer leur séparation dans une interdépendance fonctionnelle, nécessaire à la consolidation des institutions républicaines. Son application, en de nombreuses dispositions substantielles, s’est heurtée à la réalité sociologique, juridique et politique. Il en est ainsi, entre autres, de l’article 35 sur les conditions d’éligibilité à la Présidence de la République y compris la clause de résidence dont le sens est sujet à caution, de l’article 102 sur la création des juridictions suprêmes, instaurant de jure une dualité juridictionnelle qui ne s’est pas traduite in facto et de l’article 132 qui n’a jamais trouvé application puisque les membres du Comité national de salut public (CNSP) s’étaient entre-déchirés et pourchassés.
L’article 35, est confligène et ne peut plus demeurer, en l’état, dans notre loi fondamentale. Qui ne se souvient de la valse identitaire des « ET » et des « OU » avec leur cortège funeste qui a endeuillé « tous les camps » ? Si la nationalité est le lien de rattachement juridique entre un individu et un Etat, peut-on s’en prévaloir, dès l’instant où le lien juridique existe ou est inexistant? On ne peut pas jouir d’un droit sans en être titulaire. On ne peut pas non plus s’en prévaloir : on l’exerce ou on ne l’exerce pas. La clause de résidence rompt le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques. Elle exclut les citoyens du secteur privé exerçant à l’étranger, de l’exemption accordée aux agents et fonctionnaires de l’Etat ou désignés par l’Etat. Il ne semble pas non plus nécessaire, s’agissant de la nationalité des candidats, de faire des stratifications ou de scruter un thermomètre établissant les degrés de nationalité ivoirienne. Notre Constitution ne peut plus s’accommoder de toutes ces discriminations porteuses de frustrations et de division entre les citoyens. Sur ce dernier point par exemple, l’article 28 de la Constitution révisée du Sénégal dispose que « Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de 35 ans au moins le jour du scrutin ». Une telle disposition est claire et non discriminatoire. Elle ne laisse pas de place à une interprétation subjective et ne porte pas de germes conflictuels.
Par ailleurs, les rédacteurs de la Constitution du 1er août 2000, ont semé le flou, à tout le moins tergiversé, sur la nature du régime politique ivoirien, au lieu de l’affiner ou de le clarifier. Or, il est impératif de choisir clairement entre le régime présidentiel pur (exemple des USA qui a été emprunté par l’Afrique du Sud, le Nigéria et le Ghana), le régime parlementaire pur (exemple de la Grande Bretagne) et le régime présidentiel ou parlementaire mixte (cas de la France). C’est ce dernier régime parlementaire mixte qui a été préféré par le Sénégal lors de sa récente révision constitutionnelle du 20 mars 2016 alors que la loi constitutionnelle n°2009-22 du 19 juin 2009 avait malencontreusement institué un poste de Vice-président de la République (caractéristique du régime présidentiel) et conservé le poste de Premier Ministre (caractéristique du régime parlementaire). Cette juxtaposition avait renforcé le flou ayant motivé la dernière révision constitutionnelle au Sénégal qui a affiné la nature de son régime politique en optant pour le régime parlementaire mixte, rendant ainsi les chosent plus claires et plus digestes.
La Côte d’Ivoire doit affiner la nature de son régime politique à travers la réforme constitutionnelle envisagée par le Président de la République. Il faut avoir le courage politique de mettre fin à un régime politique atypique aux couleurs tropicales et choisir clairement entre le régime présidentiel, le régime parlementaire et le régime parlementaire mixte. Dans un régime présidentiel, on institue un poste de Vice-Président et dans un régime parlementaire ou un régime parlementaire mixte, le poste de Premier Ministre est plus approprié. Or, la Côte d’Ivoire n’est ni un régime parlementaire, ni un régime parlementaire mixte car le gouvernement n’est pas responsable politiquement devant l’Assemblée Nationale (question de confiance et motion de censure).
L’élaboration ou la révision de la Constitution sont l’affaire du peuple, de ceux qui le représentent (les élus nationaux et les partis politiques) et de la frange du peuple qui pourrait en constituer les « intellectuels » (sociologues, philosophes, juristes, économistes, etc.). Aucune Constitution moderne des grands régimes politiques contemporains, ne prévoit le mode d’élaboration de la Constitution. Seules sont prévues les modalités de la révision de celle-ci. C’est le cas des USA et de la France en occident, ou de l’Afrique du Sud, du Nigéria, du Ghana et du Sénégal, en Afrique. Dans tous ces pays, l’initiative de la révision de la Constitution appartient de jure aux organes politiques élus que sont le Président de la République et l’Assemblée nationale. De facto, l’initiative de l’élaboration de la Constitution incombe aux autorités politiques de fait (issues d’un changement brutal de régime) ou de droit (élus par le peuple au suffrage universel), et obéit au parallélisme des formes selon lequel celui qui peut prendre l’initiative de la révision de la Constitution, peut prendre l’initiative de l’élaboration d’une nouvelle Constitution et vice versa. Le plus important c’est que le peuple, le démos, se prononce au final sur le projet de réforme constitutionnelle par voie référendaire. Le peuple a élu des organes politiques qui sont légitimes et compétents pour prendre l’initiative de la révision ou de l’élaboration de la Constitution, à charge pour eux de consulter le peuple, après une procédure inclusive, qui décidera en dernier ressort, s’il rejette le projet de réforme constitutionnelle ou s’il l’approuve.
Il est inutile de faire un référendum pour prendre la décision de réviser ou d’élaborer la Constitution et un autre pour se prononcer sur son contenu. Un seul referendum suffit. De toute façon, si le peuple ne veut pas d’une nouvelle constitution ou de la Constitution révisée, il rejettera le projet de texte constitutionnel qui lui est soumis, par voie référendaire. Cette consultation directe du peuple, expression de la démocratie directe, est suffisante. En somme, la révision de la Constitution est nécessaire et le Président de la République est compétent pour prendre l’initiative de sa révision ou de l’élaboration d’une nouvelle.
Enfin, le comportement politique du Président de la République de ne pas briguer un autre mandat et de respecter ainsi la limitation de la durée des mandats présidentiels, à deux au maximum, est exemplaire. C’est un précédent qui marque la consécration politique du principe de la limitation des mandats présidentiels et qui renforce la limitation juridique, contribuant ainsi à la graver dans le subconscient du peuple ivoirien, comme dans du marbre. Mais, il est nécessaire de s’interroger et de régler expressément la question de la limitation de mandats présidentiels, soit à "deux mandats consécutifs ", soit à "deux mandats" tout court (renouvelable une seule fois). Ces deux cas de limitation sont démocratiques mais n’ont pas la même signification ou la même portée pratique.

Dr. GUIBESSONGUI N’Datien Séverin
Docteur en Droit / Avocat
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