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Société Publié le vendredi 20 mai 2016 | Cote d’Ivoire Economie

Emploi: comment réduire le taux de chômage en Côte d’Ivoire

Le taux de chômage en Côte d’Ivoire ne cesse de croitre, malgré les performances économiques présentées par le gouvernement. Plusieurs facteurs sont à la base de cette situation et les solutions ne manquent pas. Notre analyse.

Qui doit-on considérer comme « chômeur » en Côte d’Ivoire ? Cette notion est multidimensionnelle. Le chômeur prend en compte naturellement celui qui n’a aucun emploi rémunéré. C’est aussi une personne qui a un emploi de précarité, avec une rémunération insignifiante et dérisoire, généralement dans le secteur dit informel et le plus souvent, sans aucune couverture CNPS. Viennent également gonfler le rang des chômeurs, tous les stagiaires et intérimaires occasionnels dans les entreprises, les salariés qui perçoivent une rémunération inférieure au Smig (Salaire minimum garanti de 60 000 FCFA par mois proposé par le gouvernement depuis novembre 2013 et non mis en application à ce jour dans tous les secteurs d’activités).
Il y a les chômeurs « maquillés composé de travailleurs, en activité ou à la retraite, endettés, parfois surendettés, qui ont hypothéqué leurs salaires sur plusieurs mois, voire sur plusieurs années. Les agents en CDD (Contrat à durée déterminée), dont la majorité ne bénéficiera pas par la suite d’un CDI (Contrat à durée indéterminé). C’est le cas particulièrement des emplois temporaires liés aux grands chantiers: ponts, autoroutes, barrages hydro-électriques, etc. Ceux-là sont des chômeurs « déguisés ». Quant aux couples, avec 2 enfants au moins, qui gagnent moins de 150 000 FCFA/mois et donc condamnés à s’enfoncer chaque année dans les profondeurs de la pauvreté et de la misère, du fait du coût de la vie et des exigences de survie dans leur environnement social et culturel, sont tout simplement des chômeurs « dissimulés ».

La guerre des chiffres

L’Agepe (Agence d’études et de promotion de l’emploi) annonçait en juillet 2014 un taux de chômage de 9,4%, soit près d’un million de sans-emploi. Selon le Gouvernement ivoirien, le taux de chômage approcherait les 25%, si les critères dits internationaux étaient élargis aux « réalités du terrain ». Les chômeurs seraient alors d’environ 6,5 millions de personnes, chiffre assez proche des 7 millions annoncés en 2014 par le BIT (Bureau international du travail). La population active en âge de travailler en Côte d’Ivoire est estimée à 10,5 millions de personnes, sur une population de 25 millions d’habitants. Soit un taux de chômage de l’ordre de 42%, sur la base de critères non conventionnels, mais reflétant la dure réalité du terrain. Ce chiffre paraît beaucoup plus crédible.

Impact de la crise

En effet, avec la crise militaro-politique déclenchée en 2002 et celle dite post-électorale, de 2010, de nombreuses entreprises ont délocalisés ou ont fermé. Elles ont été victimes de pillages et de destruction, mettant leurs travailleurs au chômage. Tous n’ont pas retrouvé leurs emplois à ce jour. Aussi, le taux d’alphabétisation en Côte d’Ivoire reste-t-il faible: environ 60%. Cette situation alimente les emplois précaires des travailleurs sans expertise, ni formation professionnelle. En outre, la décision du gouvernement de relever l’âge de départ à la retraite de 55 ans à 60 ans a eu pour conséquence de décaler des recrutements, de freiner considérablement les embauches qui auraient pu bénéficier aux sans-emplois. La très grande flexibilité du Code du Travail par rapport aux pouvoirs des Employeurs de licencier plus « facilement » un travailleur alimente aussi en permanence le vivier des chômeurs.

Emergence dans le chômage !

Côte d’Ivoire veut être un pays émergent en 2020. Un défi extrêmement difficile à relever vu que résorber la question endémique de la pauvreté c’est d’abord parvenir à lutter efficacement contre le chômage. Le Premier ministre Daniel Kablan Duncan, est d’ailleurs de cet avis. En effet, lors du Forum du Groupe de la Banque mondiale sur les Etats fragiles tenu à Washington DC le 13 février 2015, il a fait à cette proposition : « Pour sortir de la pauvreté, il faut travailler, travailler et encore travailler ». Sortir de la pauvreté, c’est s’attaquer sans complaisance au chômage. C’est le travail, rien que le travail, qui permettra de créer de la richesse et des emplois.

Structures budgétivores

Les observateurs seront unanimes à reconnaitre que les structures actuelles de lutte contre le chômage sont trop budgétivores et pour des résultats très maigres, au regard du niveau actuel du taux de chômage en Côte d’Ivoire. Il faut les fusionner en une seule et unique « Direction Centrale » rattachée à la Présidence. Ce sont notamment le Programme emploi jeune et développement des compétences (Pejedec), la Plateforme des Services (PFS), l’Agence nationale de la formation professionnelle (Agefop), l’Agence d’étude et de promotion de l’emploi (Agepe), le Programme national d’investissement agricole (Pnia). Cette « Direction centrale » gagnerait en efficacité, avec des moyens conséquents, pour des résultats certainement plus tangibles.

Trop de fériés

L’émergence, dans 4 petites années. Il faut accepter de travailler davantage en réduisant le nombre des journées fériées. Par ailleurs, les directeurs généraux, les administrateurs du Conseil d’administration et les membres des Comités de direction des entreprises publiques et étatiques doivent négocier avec leurs tutelles des objectifs précis, mesurables, quantifiables. Ils signeraient ensuite des contrats de gestion, avec des obligations de résultats et un budget de mise en œuvre, en quatre étapes trimestrielles. Ils devront présenter leurs bilans périodiques tous les trimestres à leurs tutelles, en présence des représentants du personnel. Ceux qui n’atteindront pas leurs objectifs auront un autre trimestre pour se ressaisir. Si les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous, tous les administrateurs, les directeurs généraux et les membres du Comité de direction devront démissionner au profit d’une nouvelle équipe.

De la responsabilité de la CEGCI

La création des emplois est aussi l’affaire même du secteur privé ivoirien représenté par la Confédération générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI). La réussite ou l’échec de la réduction du taux de chômage en Côte d’Ivoire relèvera de la responsabilité exclusive de la Cgeci. C’est le secteur privé qui doit insuffler le dynamisme du développement et de la croissance pour infléchir la tendance du chômage en Côte d’Ivoire. C’est essentiellement pour la Cgeci une coordination de management à mettre en place en priorité, et non une affaire d’accès au crédit par les Banques à favoriser, sans pour autant sous-estimer cet aspect. Le Gouvernement joue sa partition en mettant en place les conditions et les outils de l’émergence (nouveau code des investissements, facilités de création des entreprises, etc.). Le constat, c’est que les entreprises privées ivoiriennes sont performantes dans le cercle des Etats francophones africains, mais elles manquent de compétitivité quand il s’agit de se mesurer aux entreprises du Maghreb, du même calibre et dans le même secteur d’activités. Elles feraient piètres figures à vouloir se comparer aux entreprises africaines anglophones.

C’est par leur degré de compétitivité que les entreprises privées peuvent faire preuve d’expansion pour gagner des parts de marché de plus en plus importantes. Ce qui induit des recrutements à envisager, des renforcements d’effectifs et des compétences à optimiser, en mettant l’accent sur la formation et le transfert des compétences. Malheureusement, la Côte d’Ivoire n’est pas dans les starting-blocks de la compétitivité sous régionale, et encore moins internationale, à l’échelle mondiale. La tutelle et la Cgeci doivent s’asseoir autour d’une table pour définir une stratégie commune de développement de la compétitivité des entreprises en Côte d’Ivoire : comment gagner des parts de marché en Côte d’Ivoire, dans la sous région, en Afrique et dans le monde, en prenant des décisions pertinentes d’organisation, de gestion et de management.

Des pistes de solution

Il serait impérieux de mettre en place une politique sociale indexée et alimentée à posteriori par les performances de l’entreprise pour combattre la pauvreté flagrante des travailleurs. Le travail en Afrique subsaharienne est une source d’appauvrissement en situation d’activité professionnelle et de clochardisation à la retraite. Pour la majorité, il apporte rarement de l’épanouissement social. Les chefs d’entreprises en Côte d’Ivoire le savent très bien, mais pour la plupart, ils préfèrent adopter la politique de l’autruche. Peut-on aller à une compétition sportive internationale de haut niveau avec des athlètes malades, handicapés, stressés par des considérations qu’ils ne maitrisent pas ? Il en est de même en entreprise. Aucune entreprise ne peut performer sa compétitivité avec 70% de ses travailleurs endettés, surendettés, et préoccupés à survivre au mois le mois.

Il faudra également doter les hommes/femmes du terrain d’un vrai pouvoir de décision en acceptant de mettre en œuvre les mécanismes de la responsabilisation. Ceci a pour avec corollaires l’ingénierie de la formation, le développement du leadership de tous les encadrements de proximité, la délégation effective du pouvoir de décision vers la base, la négociation et l’obligation de résultats, la fiabilité du système d’évaluation des performances, l’intéressement aux résultats et les plans de carrière. Aussi, sans une culture d’entreprise forte dans laquelle se reconnaitrait l’ensemble du Personnel, aucune entreprise ne peut-être performante et encore moins compétitive.

En approfondissant les réflexions qui ne sont pas exhaustives, il serait très certainement possible de dégager des pistes de solutions additionnelles pour réduire substantiellement le taux de chômage en Côte d’Ivoire.
Une Contribution de Jean MOUTTI, Consultant International, Montréal - Canada (Expertise : Implantation et Renforcement de la Culture de la Compétitivité en entreprise). Cadre de Direction / Groupe SODECI - CIE (1974-2005) Côte d’Ivoire.
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