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Économie Publié le vendredi 7 juillet 2017 | AIP

Côte d’Ivoire/Interview/Jean Marie Koné (Pdt Forum des chefs d’entreprise de CI) : «Il faut une transformation radicale de l’environnement des affaires en Côte d’Ivoire »

© AIP Par DR
Situation socio-sécuritaire: le forum des Chefs d`entreprise de Côte d`Ivoire produit une déclaration
Abidjan le 19 mai 2017. Plusieurs entreprises regroupées au sein du forum des chefs d`entreprises ont produit une déclaration relative à la situation socio militaire qui a secoué le Pays.
Abidjan - Jean Marie Koné est le président du Forum des chefs d’entreprise de Côte d’Ivoire, une organisation regroupant essentiellement des PME ivoiriennes. Dans cette interview accordée à l’AIP, M. Koné revient sur la vision de son organisation quant au développement et l’assainissement du milieu des affaires dans le pays, plaidant pour une « transformation radicale de l’environnement des affaires ».
AIP : M. Le Président, des voix s’élèvent de plus en plus pour exhorter les pays africains à la diversification de leurs économies ; selon vous, quelles sont, à votre avis, les politiques et les incitations nécessaires pour catalyser la diversification de l’économie ivoirienne ?
Jean Marie Koné : La politique de diversification d’une économie aussi concentrée que l’économie ivoirienne est certainement très complexe, d’une part en raison de l’emprise du secteur du café cacao sur tous les secteurs économiques et d’autres part en raison des rouages institutionnelles et des comportements, voire des vicissitudes accumulées pendant une longue période de gestion centralisée tout tourne autour de l’Etat et de la répartition de la rente.
Cependant, depuis quelques années des acteurs nouveaux ont émergé et sont engagés dans des stratégies alternatives à la rente. Les incitations et les politiques à mettre en place doivent viser la promotion de ce type d’acteurs et d’entreprises en l’occurrence les PME et les Start Up en les aidant à se développer pour atteindre une taille critique leur permettant de faire des économies d’échelle et d’être innovantes. Ce n’est pas avec des TPE, qui constituent l’essentiel de la population des entreprises en Côte-d’Ivoire et qui activent dans les services basiques (transport, distribution, …), que l’on mène une politique de diversification. Dans cette perspective, il faut créer un fonds d’investissement bonifié par l’Etat pour aider à l’émergence de ces entreprises de la diversification.
La réussite d’une telle politique est conditionnée par l’introduction de mécanismes de contractualisation pour éviter de tomber dans les comportements de prédation qui consistent à prendre les incitations publiques et disparaître.
D’ailleurs, les incitations budgétaires et fiscales doivent être adossées à des objectifs de diversification : substitution aux importations, exportation, ou à intégrer des chaines de valeurs mondiales.
Le contrat entre l’État et une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une même filière doit prévoir les incitations, les résultats attendus et les obligations des deux parties. Dans le contexte présent de la Côte d’Ivoire – je veux parler du niveau de développement des entreprises locales et leur faible connaissance des marchés extérieurs-, il est indiqué de s’attaquer à la substitution aux importations.
Au FCE-CI, nous sommes convaincus que l’innovation est l’un des leviers majeurs de la transformation de l’économie ivoirienne. Nos entreprises doivent proposer des produits innovants pour se distinguer de leurs concurrents. Un grand pays comme la Côte d’Ivoire doit se doter d’un système national d’innovation efficace et performant qui permet un transfert des produits de la recherche appliquée vers l’entreprise.
Et comment cela devrait-il se faire quand déjà la question du financement se pose avec acuité ? Ne doit-on pas d’abord penser à diversifier les sources de financement…
Oui, en effet, la diversification économique implique effectivement une diversification des sources de financement. C’est toute la question du passage du budget au marché financier qui doit être prise en charge par les banques. Il faut aller vers une diversification des produits bancaires qui seront adaptés aux besoins des entreprises.
Par ailleurs, les banques sont les acteurs privilégiés des marchés financiers et monétaires grâce à leur rôle d’intermédiation sur ces marchés. Aujourd’hui, le système bancaire ivoirien est dominé par le secteur privé dans une proportion élevée (85%) et il est opportun, pour la promotion d’une concurrence effective, de diversifier aussi ce secteur en l’ouvrant au secteur privé national. C’est par une concurrence saine que la modernisation du système bancaire peut se faire.
Les banques sont certes des acteurs cruciaux dans ce processus, mais les entreprises doivent pouvoir se tourner également vers le marché obligataire, la Bourse où les fonds d’investissements etc. dont le développement doit être vivement et impérativement encouragé par l’Etat.
Mais il y a aussi le secteur de l’exportation qui a encore beaucoup d’efforts à faire malgré un équilibrage relatif durant ces dernières années entre importation et exportation. Vu le rôle important que peuvent y jouer les PME, quelles réformes, à votre avis, sont nécessaires pour organiser et professionnaliser l’activité d’exportation ?
C’est à l’entreprise que revient la charge de conquérir des parts de marchés extérieurs ; elle ne peut cependant pas le faire seule. Un certain nombre de mesures qui relèvent de l’Etat et qui touchent aux procédures et règlements, aux aides et subventions, à l’infrastructure et à la logistique, aux pratiques bancaires et fiscales, doivent être prises pour engager une véritable dynamique d’exportation.
En 2017, notre organisation a élaboré un document portant « Plaidoyer pour l’émergence de l’économie ivoirienne ». dans ce document, nous avons identifié plus d’une trentaine de mesures qui doivent permettre à notre environnement des affaires encadrant les exportations d’être au même niveau de compétitivité et de réactivité que les autres pays de la région. Sur la trentaine de mesures que nous avons proposées dans notre Plaidoyer, près de la moitié est aujourd’hui mise en œuvre ou en voie de l’être. C’est une avancée importante qui a été réalisée en quelques mois.
Cette démarche d’urgence ne nous fait cependant pas omettre de réfléchir à l’élaboration d’une véritable stratégie dédiée au développement industriel. Pour être opérationnel et efficace nous proposons la création sous l’autorité de monsieur le Premier Ministre, d’un « comité de pilotage » constitué des représentants de l’administration en charge de la promotion de la transformation de nos matière premières, du FC-CI, des opérateurs, publics et privés, ayant une expérience dans le domaine de la transformation et d’experts en la matière. Ce comité aura pour tâche de faire élaborer un diagnostic stratégique (état des lieux et objectifs) sur l’offre transformable des biens et services en tenant compte des vocations agricoles, de la qualité du tissu d’entreprises implantées et de la spécialisation industrielle quand elle existe. Le diagnostic devra faire également l’état des lieux des infrastructures existantes dédiées aux transformations (ports, aéroports, circuit vert, plateforme logistique).
Sur la base des résultats du diagnostic stratégique, il sera proposé un programme d’actions précis et opératoire par couple de « produit-marché cible » sur les mesures à mettre en œuvre pour garantir la réussite des opérations d’exportation. Les mesures proposées peuvent être de nature législative, institutionnelle (accords bi ou multilatéraux), réglementaire, infrastructurelle ou de management et de process, notamment des programmes ciblés de mise à niveau des entreprises et de la qualité des produits transformés. Justement en ce qui concerne les entreprises, nous avons constaté que beaucoup d’entre elles ne possèdent pas de plan marketing à l’international et que, surtout, elles ont un déficit alarmant en termes de ressources humaines spécialisées dans les transformations. C’est pour cela que l’une de nos recommandations porte sur la création rapide d’un institut supérieur dédié aux « métiers » de la transformation et de la mise en relation extérieure.
Pour revenir aux marchés cibles, trois ensembles régionaux retiennent notre attention, en priorité, l’Afrique où le dynamisme de la croissance économique, dont le taux moyen annuel est d’environ 5% depuis plus d’une décennie, présage enfin du décollage et du développement réel de notre continent. L’Union Européenne, ensuite, avec laquelle il faudra nécessairement rééquilibrer l’accord d’association en faveur de l’économie ivoirienne par le relèvement des volumes transformables vers cette zone et l’assouplissement des barrières non tarifaires, enfin, la Zone arabe de libre-échange.
Votre organisation, le FCE-CI, plaide pour une amélioration du climat des affaires en Côte d’Ivoire. Quelles sont les clés de cette amélioration, selon vous ?
Notre plaidoyer, c’est nécessité d’une transformation radicale de l’environnement des affaires. Et comment ça cela est possible : d’abord, nous devons créer un cercle vertueux dans lequel chaque maillon à un rôle à jouer. Ainsi, l’Etat doit revenir à son rôle de facilitateur-contrôleur-régulateur et laisser aux entreprises la liberté d’entreprendre, d’investir et de prendre des initiatives.
Ensuite, plusieurs priorités doivent être prises en considération. Notre préoccupation est d’abord d’assurer le développement et la promotion de la production nationale de biens et de services dans le contexte d’une économie ouverte.
Cela nécessite la mise en œuvre de solutions structurelles à la fois à travers des mesures transversales, touchant tous les aspects (financement, foncier industriel, fiscalité, gouvernance économique…) et des mesures sectorielles focalisant les efforts de relance notamment sur les filières pour lesquelles notre pays possède des avantages compétitifs clairs et exploitables et celles dont le développement revêt une importance évidente en matière de substitution aux importations, dans la production comme dans les services.
Nos priorités vont notamment à la réforme du système financier national dans toutes ses composantes dans le but de faire évoluer l’implication des banques dans le financement de l’économie, d’élever le taux de bancarisation, d’asseoir le rôle des compagnies d’assurance dans la captation de l’épargne et de dynamiser la bourse pour inscrire de nouveaux réflexes de financement des projets tant des PME que des grands groupes algériens.
Le FCE-CI s’engage à soutenir toute initiative visant à promouvoir un environnement des affaires favorable, en levant toutes les entraves qui s’y dressent et en travaillant à faciliter la vie des entreprises.
Les Investissements direct de l’étranger (IDE) ces dernières années, connaissent une progression, et ont même atteint presque les 300 milliards de FCFA en 2015. Mais celà, aux yeux de certains observateurs , semble insuffisant au regard des potentialités du pays ? Comment expliquer ce fait?
En vérité, nous pensons que cette insuffisance d’attractivité des IDE n’est pas liée aux aspects juridiques mais à de nombreux facteurs sur lesquels nous travaillons avec les plus hautes autorités du pays. Le FCE-CI est engagé dans la concertation avec les administrations pour imaginer des solutions aux dysfonctionnements actuels que nous nous attachons à réduire. Nous nous attelons notamment à lutter contre l’économie informelle et le phénomène de la contrefaçon qui dissuadent les investisseurs. Des dispositifs de régularisation volontaire au niveau des différentes administrations économiques publiques ont été mis en place afin de réduire l’impact de cette concurrence malsaine. Nous avons également préconisé des mesures pour améliorer l’accès au financement notamment en modernisant le marché bancaire et l’accès au foncier industriel. Des mesures plutôt encourageantes ont été annoncées dans le cadre du projet de loi de finances 2017.
D’ailleurs, je rappelle qu’un nouveau code des investissements a été promulgué tout récemment et que le cadre de régulation de l’IDE a été réajusté. Il prévoit des « avantages supplémentaires au profit des activités privilégiées (industrie, agriculture et tourisme) », notamment l’allongement de la durée des exemptions accordées aux investisseurs.
De quelle manière la Côte d’Ivoire devrait-elle alors procéder pour monter sur la chaîne de valeur ?
Chaque filière a sa chaîne de valeur et chaque chaîne de valeur a ses spécificités (technologiques, marchés, accès aux ressources, facteurs clés de succès…).
C’est dans le cadre de la stratégie industrielle (études des filières) que ces questions sont posées et des choix de positionnement sur les chaînes de valeur, nationales ou mondiales, sont définis. Dans cette perspective, la Côte-d’Ivoire peut, avantageusement, se positionner sur quelques chaînes de valeurs mondiales (industries agroalimentaires, mécanique-automobile, électronique grand public, chimie/fertilisant, énergies renouvelables).
Ici aussi, l’Etat doit identifier, après diagnostic, des différentes chaînes de valeur, celles où un avantage compétitif existe ou peut être construit localement. Un système d’incitation peut être mis en place pour susciter des dynamiques locales en vue de positionnement sur des chaînes de valeur mondiales.
La compétitivité des entreprises sur un segment d’une chaîne est le critère principal, car se placer sur une chaîne de valeur signifie que l’entreprise se projette sur un marché mondial et, grâce à des économies d’échelle, elle peut améliorer encore sa compétitivité. Généralement, on utilise le marché local comme cible pour monter en cadence, en expérience et en échelle pour bâtir une compétitivité durable qui permet l’accès aux chaînes de valeur mondiales. Les filières citées précédemment peuvent constituer un premier terrain d’exercice et d’expérience pour les entreprises ivoiriennes dans le cadre d’une sous-traitance pour le marché local comme c’est le cas pour l’industrie, ou pour la valorisation d’une ressource naturelle, ou encore la consolidation d’une compétitivité déjà construite localement.
Le FCE-CI est essentiellement constitué de PME, qui sont confrontées à plusieurs problèmes dont le problème du financement que vous évoquiez tantôt. Quelles propositions concrètes pour impulser leur croissance ?
La PME est un axe de travail majeur du FCE-CI car nous sommes persuadés que développement du tissu des PME est une nécessité absolue pour la transformation de l’économie ivoirienne. Nous en sommes à 20.000 PME tout au plus actuellement alors que ce type d’entreprise doit être le vecteur pour un développement économique durable.
Le FCE-CI avait revendiqué la révision de la loi d’orientation de 2012 relative au développement et à la promotion de la PME pour mettre en place un nouveau cadre législatif à l’effet de relancer le développement de ce type d’entreprises qui constitue le gisement le plus important pour la croissance et la création d’emplois. C’est maintenant chose faite ; un projet de loi vient d’être déposé au Parlement ; il ne devrait pas tarder à être adopté.
Cette nouvelle loi réorganise les mécanismes de concertation entre les divers acteurs concernés en jetant les bases d’une élaboration et d’une mise en œuvre participative de la politique en direction de la PME, comme elle réorganise le dispositif institutionnel d’appui et d’accompagnement de la PME.
En fait toutes nos propositions qui s’articulent autour du climat des affaires seraient bénéfiques au PME. Les porteurs de projets pour la création de PME ont, avant toute chose, besoin d’informations sur le marché qu’elles ciblent. A cet effet, un système d’information, d’intelligence et de veille doit être mis en place pour leur permettre de mieux connaitre le domaine dans lequel ils souhaitent investir et toutes les procédures pour la création d’une entreprise.
Pour réduire le taux de mortalité de ces entreprises, les gestionnaires de ces PME doivent être orientés et accompagnés jusqu’à ce qu’ils soient rôdés en matière de management et surtout de réseautage.
Evidemment, la question du financement se pose également avec acuité pour les PMEs qui sont souvent marginalisées par les banques. Or, elles rencontrent encore plus de difficultés que les grandes entreprises pour lever des fonds pour financer les investissements. Face aux difficultés d’obtenir des crédits d’investissements bancaires, nous préconisons donc l’élargissement de la gamme des instruments de financements (fonds d’investissements, Business Angels) etc.) et de développer de nouvelles approches pour répondre aux besoins des PME.
(AIP)
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