x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le vendredi 7 juillet 2017 | Abidjan.net

Interview/Organisation du premier dialogue de Haut Niveau sur le Dividende démographique en Côte d’Ivoire: Dr. Hinin Moustapha, Directeur Général de l’Office National de la Population situe les enjeux

© Abidjan.net Par DR
Dr. Hinin Moustapha, Directeur Général de l’Office National de la Population.
Le Dividende démographique est un enjeu capital dans le processus d’émergence engagé par le chef de l’Etat. Pour mieux comprendre ce concept du développement et les enjeux qu’il soulève pour le développement de la Côte d’Ivoire, nous avons rencontré Dr. Hinin Moustapha, Directeur Général de l’Office National de la Population-ONP qui précise ici les enjeux.

Que signifie ce concept de dividende démographique ?

L’Afrique a la population la plus jeune du monde. Les jeunes constituent plus des deux tiers de la population totale et leur part ne cesse de croître. En Côte d’Ivoire, selon les résultats du dernier Recensement de la population, plus de trois personnes sur quatre ont moins de 35 ans. Les jeunes sont des acteurs clés dans la construction de nos pays. Lorsque les pays bénéficient d’une accélération de la croissance économique en raison d’une proportion supérieure des personnes actives par rapport aux personnes dépendantes, on parle de dividende démographique. Autrement dit, la maîtrise du taux de fécondité d’un pays entraîne des changements favorables dans la pyramide des âges de sa population. Cette transition démographique caractérisée par des taux de natalité et de mortalité infantile en baisse, est une opportunité de croissance économique pour les familles et pour le pays. En effet, grâce à une proportion de la population en âge de travailler plus élevée, les investissements pour subvenir aux besoins des personnes dépendantes diminuent ; le gain fiscal obtenu peut alors être investi dans l’épargne, la productivité économique et le capital humain. Cette stratégie de développement qui consiste à modifier la structure de la population a été suivie par les tigres asiatiques et de nombreux pays d’Amérique Latine ont opté pour cette voie pour réduire la pauvreté et accélérer leur croissance économique et le développement humain. Plus d’un tiers de la croissance enregistrée entre 1965 et 1990 durant la période dite de miracle économique de ces pays est le résultat des dividendes démographiques.

Où est ce que nous en sommes en Côte d’Ivoire avec le dividende démographique ?

En côte d’Ivoire, on peut noter qu’il y a une forte conscience que le Cheminement vers l’Emergence passe nécessairement par l’atteinte du Dividende Démographique. L’ambition du Président de la République, sa foi inébranlable en une Côte d’Ivoire Emergente à l’horizon 2020 replace la dynamique démographique, le développement humain et le bien-être social au cœur de la planification stratégique pour bonifier l’Indice de Développement Humain (IDH) et rendre la croissance économique plus solidaire et inclusive. Sous l’impulsion du chef de l’Etat, le Gouvernement a mis en place un ensemble de dispositifs institutionnels et a adopté des documents cadres stratégiques et de politiques .La création en 2012 de l’Office National de la Population (ONP) au sein du Ministère du Plan et du Développement, comme maillon clé du dispositif institutionnel pour suivre et coordonner l’ensemble des efforts déployés dans la Quête du Dividende démographique en est la preuve. Il y a lieu d’indiquer également, la tenue de larges Concertations Nationales sur le Dividende Démographique entre 2014 et 2015 et qui ont touché les responsables de tous les secteurs clés du développement aux niveaux central et décentralisé, les parlementaires, les leaders traditionnels, religieux et communautaires. Ces Concertations ont permis d’améliorer les connaissances sur le lien entre Dynamique démographique, Croissance économique et Bien être des Populations et sur les Exigences du cheminement vers le Dividende Démographique. En outre, il y a la révision et l’adoption de la Politique Nationale de Population (PNP 2015-2025) sous le prisme du Dividende Démographique et conformément à l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, et qui sert de cadre d’orientation aux politiques sectorielles. Au nombre des initiatives engagées, il convient de noter aussi la mise en œuvre de projets et programmes concourant à l’atteinte du Dividende démographique notamment le Projet pour l’Autonomisation des Femmes et le Dividende Démographique au Sahel (SWEDD) avec un financement de 30 milliards de francs CFA pour la Côte d’Ivoire, obtenu auprès de la Banque Mondiale. Ce projet est mis en œuvre sous la supervision de l’ONP. C’est un Projet d’envergure régionale touchant par ailleurs le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Il en est de même de la prise en compte dans le Plan National de Développement (PND 2016-2020) des Objectifs de la Politique Nationale de Population, avec l’établissement d’un lien clair entre l’Emergence et le Dividende Démographique. Au total, on peut dire que notre quête de Dividende Démographique est le résultat d’un consensus national, c’est une dynamique collective et planifiée.

Au niveau technique, sous le leadership de l’Office National de la Population, une équipe d’experts composée de cadres de l’ONP, de l’INS, de l’ENSEA et d’autres cadres des ministères de la santé, de l’emploi des jeunes, de l’éducation nationale, de l’économie et des finances a mené des études pour mesurer le niveau atteint par notre pays en matière de Dividende Démographique, son ampleur et sa distribution et surtout les conditions de réalisation du Dividende Démographique et son impact réel sur la croissance économique. L’équipe a utilisé la méthode des Comptes de Transferts Nationaux. C’est une technique statistique de comptabilité basée sur les structures de population et les agrégats des comptes nationaux et des comptes satellites. Elle permet de rendre compte de la synergie entre l’analyse économique et la démographie d’un pays. En d’autres termes, c’est une approche qui permet de mesurer, comprendre et expliquer les comportements dans des domaines aussi variés que la reproduction humaine, la production et la consommation des biens et services ainsi que les dynamiques de population et leurs implications dans les échanges entre les individus et entre les différentes composantes de la population. Cette approche relève du domaine de l’économie générationnelle qui s’intéresse à la façon dont chaque groupe d’âge ou génération d’une population d’un pays produit, consomme, partage et épargne les ressources.

Les résultats de l’application de cet outil à la situation de la Côte d’Ivoire indiquent que le déficit de cycle de vie, qui représente en quelque sorte la demande sociale, est très important. Selon nos résultats, chaque année, il faut trouver presque 36% du PIB pour pouvoir compenser ce déficit et donc financer la demande sociale. Ces résultats ont mis en évidence la dépendance économique très forte des jeunes. Ils interpellent aussi les décideurs, la société civile, les ménages et toute la société sur la vulnérabilité des jeunes et donc la nécessité de mettre en œuvre une nouvelle génération de politiques économiques en étroite adéquation avec la croissance démographique.




Quelles sont les conclusions de vos travaux en ce qui concerne les femmes ?

Certes, il y a une amélioration du niveau de vie des femmes du fait de l’impact des actions initiées en leur faveur, mais nous avons observé que la consommation agrégée des femmes est inférieure à celle des hommes sur tout le cycle de vie. Chez les femmes, le pic de la consommation est réalisé à l’âge de 22 ans avec un montant d’environ 135 milliards de FCFA (contre 175 milliards pour les hommes du même âge). Tandis que la consommation est maximale chez les hommes à 15 ans avec une valeur de 160 milliards de FCFA (contre 108 milliards pour les femmes du même âge). L’emploi en Côte d’Ivoire se caractérise par une insertion différenciée des hommes et des femmes dans le travail rémunéré. Les femmes interviennent majoritairement dans le travail non rémunéré et qui n’est pas valorisé au niveau de la comptabilité nationale. Cependant, les femmes âgées de 40 à 60 ans ont commencé à s’autonomiser en produisant plus qu’elles ne consomment. Cela montre que les choses sont en train d’aller dans le bon sens. Ce n’est pas encore le niveau désiré, mais il faut saluer ces avancées et intensifier les actions d’autonomisation.

Qu’en est-il des personnes âgées ?

Les seniors c’est-à-dire les personnes qui ont plus de 65 ans apportent une contribution importante aux financements du déficit du cycle de vie. Ils continuent de financer leurs enfants adultes et petits enfants en bas âge. Ce fait pourrait être expliqué par les normes de socialisation et surtout des difficultés d’insertion des jeunes. Au stade actuel de nos travaux, nous pouvons conclure que les résultats sont intéressants. Les experts de l’ONP en liaison avec l’équipe NTA de la Côte d’Ivoire sont en train d’approfondir les analyses pour mieux comprendre les phénomènes liés à la protection sociale ainsi qu’aux transferts intergénérationnels. La question que toute la société doit se poser est de savoir si la dynamique actuelle est soutenable à long terme ?

Quel est le potentiel du Dividende démographique en Côte d’Ivoire ?

Nos calculs estiment que la fenêtre d’opportunité démographique de la Côte d’Ivoire est ouverte depuis 1993. Le ratio de soutien économique (RSE) mesure l’effet de la structure par âge sur la capacité de la population à contribuer à la production courante. Ce ratio qui traduit le rapport entre les personnes en âge de travailler et la population à charge était de 38,4% en 1993 s’interprétant comme 38 personnes environ supportant économiquement 100 personnes. Son analyse fait ressortir 3 phases principales :

La première phase correspond à une hausse du ratio de deux points (38, 8 % à 40,8) entre 1950 et 1960. La deuxième phase traduit un déclin de 40,8 à 38, 4 entre 1966 et 1992 et la dernière phase se manifeste par une nouvelle amorce en 1993 avec une valeur affichée de 38,4 travailleurs effectifs pour 100 consommateurs avec un gain d’un point en 2016 (39,5%).

Le profil du dividende démographique de la Côte d’Ivoire établi par notre équipe a permis de réaliser des projections. L ’évolution du RSE sur le reste de la période (1993-2050) s’inscrit dans une tendance haussière avec un rythme relativement soutenu et régulier. Ainsi, en 2020, le RSE pourrait se situer à 40,1 % et à 46 % en 2050. Les projections démontrent également que dans le cadre d’un scénario global et ambitieux intégrant l’économie, l’éducation, la planification familiale et la santé, le Produit Intérieur Brut par tête d’habitant pourra passer à environ 1500 dollars US à 2600 dollars US en 2020. Il faut cependant rappeler que ceci n’est qu’un potentiel qu’il faut chercher à exploiter en vue de la capture d’un dividende démographique plus accru en accentuant les réformes institutionnelles, économiques, infrastructurelles et la création d’un grand nombre d’emplois au profit des jeunes. Ainsi, la Côte d’Ivoire devra accroître ses investissements dans l’éducation et la formation des jeunes, intensifier la politique d’espacement des naissances, battre campagne pour un changement de comportement favorable au maintien des filles à l’école, encourager l’autonomisation des femmes et des filles, réorganiser le secteur informel, améliorer le niveau de vie en milieu rural et réduire les inégalités entre les régions. Cette situation devra inciter les décideurs, les élus locaux, les organisations basées sur la foi, les communautés, la société civile y compris les ONGs, les ménages, et les partenaires au développement à conjuguer les efforts pour permettre à la Côte d’Ivoire d’anticiper sur le poids démographique à venir et mettre en œuvre les pertinentes actions contenues dans la Politique Nationale de Population 2015-2025. La création de pôles régionaux viables de développement et l’élaboration de la politique d’Aménagement du territoire se présente aussi comme des choix pertinents.

Le Ministère du Plan et du développement à travers l’Office National de la Population(ONP) avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) organise le Vendredi 7 juillet, un dialogue de haut Niveau sur le Dividende démographique et l’Emergence de la Côte d’Ivoire. Quels en sont les objectifs et les résultats attendus ?

Ce dialogue est un panel qui mobilisera des membres du gouvernement et des ministres de pays africains engagés dans la même voie. A ce dialogue, des partenaires Techniques et Financiers, la société civile, le secteur privé et le monde universitaire seront également présents. Ce sera donc l’occasion d’impulser une dynamique d’accélération des mesures inscrites dans les Documents stratégiques nationaux (Politique Nationale de Population, Plan National de Développement 2016-2020, Projet Swedd) en faveur de la maîtrise de la croissance démographique, de l’amélioration du capital humain et de la productivité en vue de l’Emergence de la Côte d’Ivoire. Ce sera surtout l’occasion d’apporter des réponses concrètes aux Engagements internationaux et continentaux de la Côte d’Ivoire pour transformer l’immense population de jeunes en atout pour le développement, conformément aux aspirations et aux objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine et de sa Feuille de Route visant à tirer pleinement profit du Dividende Démographique en investissant dans la jeunesse. Ce dialogue donnera un éclairage plus exhaustif sur ce qui a été réalisé (avec atouts et contraintes) et identifiera les dispositions, actions et moyens nécessaires pour impulser concrètement une dynamique d’accélération de la quête du Dividende Démographique. Ainsi, les principaux Tronçons sectoriels de la Feuille de Route nationale visant le Dividende Démographique conformément aux actions prévues par l’Union Africaine seront définis en s’appuyant sur les dispositifs institutionnels existants.

DA
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ