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Société Publié le mardi 22 août 2017 | Pôle Afrique

Grande enquête: « Les enfants perdus d’Houphouët-Boigny »

Episode 9 : « En guise de conclusion…. L’histoire telle que nous la comprenons »

Il était une fois des parents ivoiriens d’enfants handicapés psychiques. Nous sommes à la fin des années 60 et, dans la Côte d’Ivoire de cette époque, toujours travaillée par des croyances ancestrales, avoir des enfants « spéciaux », surnommés « enfants-serpents », est une tragédie. Dans les villages, ils ne sont pas « socialement utiles », pire, ils « portent malheur ». Il convient plutôt de les faire disparaître. Mais, ces parents-là sont éduqués. Ils représentent déjà, de part leurs fonctions, l’élite de la nation. Il est pour eux exclu que leurs enfants, qu’ils entendent chérir comme les autres, subissent le sort généralement dévolu aux enfants handicapés, à savoir une mort certaine. Mieux, ils pensent à fonder en 1969 une Association, pionnière dans leur pays, qui pourrait soulager les parents de toutes conditions touchés par « ce malheur », en créant un centre éducatif et pédagogique spécialisé. Ainsi est fondé en 1971 l’IMP, Institut Médico-Pédagogique de Vridi, avec le soutien actif du père fondateur de la Côte d’Ivoire, Felix Houphouet Bobigny, qui non content de mettre un terrain de 7200 mètres carrés à disposition de l’Association Ivoirienne des Parents d’Enfants Handicapés Psychiques, offre une subvention annuelle de 30 millions de FCFA pour la gestion de l’Institut. Ains, pendant des années, s’épanouissent jusqu’à 150 enfants, issus de familles modestes aussi bien qu’aisées, sur la base d’un projet socio-éducatif fort.

Lorsque le Président Houphouët décède, les autorités publiques ne voient pas d’un bon œil partir chaque année cet argent pour une cause qu’elles comprennent manifestement moins que l’ancien président lui-même. La subvention chute brutalement pour ne plus exister du tout, mettant l’IMP, dont les cotisations des parents étaient modiques, dans un embarras certain.

Parallèlement, pour trouver une source de financement nouvelle, d’origine européenne, les parents décident d’orienter l’Institut Médico-pédagogique vers la formation professionnelle des handicapés. Mais il faut constituer un solide dossier pour convaincre les autorités de l’Union Européenne. C’est là qu’entre en scène un individu aussi séducteur que malfaisant, dissimulateur qu’affabulateur, manœuvrier qu’intelligent. Introduit dans l’Association Ivoirienne des Parents d’Enfants Handicapés Psychiques par une maman qui s’en mordra les doigts, le Sieur Codjia Aboudo Nicolas Augustin se fait fort de réaliser gracieusement cette étude dont il dit être un expert. Ce dossier ne verra jamais le jour, de même que la demande de subvention à l’UE ne sera jamais envoyée. Car son objectif est autre. Mettre la main sur le terrain mis à disposition de l’association par l’Etat, sur lequel est construit l’IMP, pour le vendre à son profit.

Deuxième coup du sort (il y en aura d’autres), le coup d’Etat de 1999 oblige le Président en titre de l’association à se retirer. Codjia saute sur l’occasion. Il retourne les cœurs et les esprits, tant chez certains parents qu’au sein du personnel, falsifie les statuts pour s’emparer, par l’habile manœuvre, de la présidence de l’association et de l’Institut, cumul interdit par les statuts de ces structures. Son plan, écarter les parents et les éducateurs. Pour les premiers, c’est facile. Le coût de la scolarité monte en flèche. Les parents les plus pauvres ne peuvent plus suivre. Pour les autres, il suffit de s’en prendre aux enfants. Ils sont si maltraités, mal nourris, que les parents les retirent un à un pour les ramener dans la solitude de leur domicile. Quant aux salariés, les témoignages sont frappants. Mal payés, voire pas payés du tout, congédiés sans indemnité sous des prétextes fallacieux, ils ne sont pas en mesure de faire front. Différents ministères, destinataires de véritables cris d’alerte adressés, par écrit, par les parents et les employés, restent sans réaction. Les nouveaux administrateurs de l’association, eux, ne sont pas des parents d’enfants handicapés mais plutôt les complices de celui qui dirige la manœuvre. Car, sans enfant, sans employés, sans ressource, il ne reste plus qu’à constater la fin de l’activité de l’association. Ceci est fait en Assemblée Générale extraordinaire le 15 août 2011. Mieux le Président Codjia, contesté devant les tribunaux par les parents, est officiellement mandaté par cette même Assemblée Générale pour liquider définitivement l’Institut et l’Association par la vente du terrain. Cela tombe bien, il y a preneur. La société SIFPLAST. Dès le lendemain de l’AG, la vente, à son profit, est signée pour 100 millions de FCFA, chez Maître Agathe Bene-Hoane. Problème, le terrain appartient au domaine public. Par quel miracle Monsieur Codjia produit-il devant notaire des documents de propriété crédibles?

Résumons-nous. Codjia Aboudo Nicolas Augustin, contesté par les parents devant les tribunaux, jusqu’à la Cour suprême de Côte d’Ivoire qui leur donne raison à 100%, poursuit sans s’émouvoir sa néfaste entreprise. Il reste, malgré l’injonction judiciaire, à la présidence de l’association pour poursuivre la vente d’un terrain qui appartient à l’Etat, avec, selon les parents, de faux titres de propriété. La belle affaire n’aurait pu être réalisée sans le concours de fonctionnaires indélicats. Outre la fourniture des documents nécessaires à la vente, ils ont fait disparaître les traces du terrain dans les registres publics.

Voici résumée la triste histoire des enfants perdus d’Houphouët-Boigny, perdus par la cupidité d’un homme et l’incurie d’une société d’hommes.

Adam’s Régis SOUAGA
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