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Politique Publié le mardi 3 mars 2009 | Le Patriote

Dossier : quand l’armée se gangsterise - Me Traoré Drissa (MIDH) à propos de la gangstérisation des FDS:“Le mode de recrutement au sein des FDS n’est pas sain ”

Le Patriote : Que pense le MIDH du phénomène de la « gangstérisation » qui gagne de plus en plus les forces de défense et de sécurité (FDS) de Côte d’Ivoire ?
Traoré Drissa : La première des préoccupations c’est de se demander sur quelles bases sont faits les recrutements aujourd’hui au sein des forces de défense. Pour nous, tout part de cette question essentielle. Tout part en effet que les éléments des FDS ne sont plus recrutés sur des valeurs propres. Les gens ne sont plus recrutés par rapport à la morale. Or l’armée devait être un corps exempt de reproche sur le plan moral. Nous ne sommes pas étonnés que des éléments des FDS s’adonnent à des actes répréhensibles. Depuis quelques années les modes de recrutement au sein des FDS ne sont pas sains. Puisque des personnes sont de plus en plus recrutées sur des bases arbitraires. On a encore en mémoire l’action de l’ancien ministre de l’intérieur Dja Blé qui avait entrepris de vérifier les diplômes et les niveaux des personnes qui sont dans ces institutions républicaines. Malheureusement cette action a fait long feu. Cela ne nous a pas surpris. Car s’il y avait eu une vérification, beaucoup de personnes allaient se retrouver à la rue. Ce phénomène, aujourd’hui, est plus que regrettable pour la Côte d’Ivoire. Mais en même temps, nous devions nous attendre à de tels comportements déviationnistes au sein de ces corps. Les autorités n’ont pas pris la peine de faire en sorte que ceux qui rentrent au sein des FDS soient des poches de moralité, des personnes intègres, qui pensent à la Côte d’Ivoire.

L.P. : Braquages commandités, escroqueries et autres exactions. Le MIDH est-il parfois saisi pour des cas de comportement déviationnistes de la part des éléments des FDS ?
T.D. : Oui, nous avons à plusieurs reprises été saisies pour des cas de comportements déviationnistes des FDS. Le dernier cas que nous avons sur nos tables est celui de deux jeunes gens qui ont été contraints à faire l’amour et filmés par des éléments du Cecos (Centre de commandement des opérations de sécurité, ndlr). Ensuite la vidéo a été diffusée à travers toute la ville d’Abidjan et le monde, puisque la vidéo s’est retrouvée sur Internet. Cet exemple montre de manière crue que ce corps d’élite que se veut le Cecos est gangrené. Et si ce corps présenté comme une élite pose problème, on ne peut pas espérer mieux des autres. Dans le cas de la vidéo « x » nous avons saisi le commissaire du gouvernement, Ange Kessi. La procédure est en cours. Et nous ne pouvons espérer qu’elle aboutisse rapidement. Nous avons déjà entendu la déclaration du commissaire du gouvernement qui montre sa bonne volonté. Il y a aussi des cas d’extorsions de fonds. Nous avons aussi à plusieurs reprises saisi l’inspection générale de la police. Pour des cas d’exécutions sommaires. Ces personnes avaient été mises aux arrêts. Et par la suite leurs corps ont retrouvés sans vie dans des morgues. Alors que ces personnes avaient été vues bien portantes dans les geôles des commissariats de la place. Chaque mois, nous avons des saisines du commissaire du gouvernement ou de l’inspection générale de police parce que tous les jours il y a des policiers-bandits ou de manière générale des éléments des FDS véreux qui posent des actes répréhensibles. Malheureusement ceux qui ont le courage de les dénoncer sont moins nombreux. On les voit et on sait ce qu’ils font, mais les populations ont peur de les dénoncer. C’est fâcheux. Et c’est ce qui fait que les choses n’avancent pas parfois. Mais, il faut que les Ivoiriens sachent que chaque jours nous sommes à la tâche.

L.P. : Est-ce que la situation est alarmante ?
T.D. : Nous disons que la situation est totalement catastrophique. Parce que ce que nous savons et voyons n’est que la partie émergée de l’iceberg. La situation est encore plus catastrophique. Et nous pensons qu’il est important d’enclencher le processus de fondation de la nouvelle armée Ivoirienne. Dans cette nouvelle institution, un point d’honneur doit être mis sur la probité et la morale des éléments de sécurité. Lorsque je parle de la nouvelle armée, je pense naturellement à toutes les forces de défense et de sécurité. Je ne pense pas seulement aux militaires. Parce qu’au delà des militaires, les policiers et les gendarmes également posent un certains nombre d’actes répréhensibles. Nous pensons que la situation est tellement critique que les autorités doivent rapidement s’approprier ce dossier afin qu’une solution soit trouvée.

L.P. : Que propose concrètement le MIDH ?
T.D. : La première des choses à faire c’est d’assainir le concours d’entrée pour les corps comme la police, la gendarmerie et le mode de recrutement dans l’armée. Nous pensons qu’il faut assainir ces corps. Et que les enquêtes de moralité ne soient pas des enquêtes de façade. Il faut que ceux qui rentrent dans ces corps soient compétents. Il faut mettre sur pied des mécanismes pour contrôler le déroulement du concours d’entrée à l’Ecole nationale de police et de la gendarmerie. Pour nous c’est la première étape. Deuxièmement, nous souhaitons que pour ceux qui sont déjà admis dans ces corps, il y ait de manière régulière des contrôles pour apprécier leur degré de probité. Il est également souhaitable que l’inspection générale de police ait des moyens pour faire ces contrôles sur le terrain. Aussi que le commissaire du gouvernement ait des moyens à sa disposition, du personnel et le courage nécessaire pour mener à bien sa mission qui est d’être le procureur des forces de défense et de sécurité afin que les principes de droits de l’homme soient respectés par les FDS.

Ensuite en ce qui concerne la population, nous lui demandons de sortir du mutisme dans lequel elle s’est murée pour qu’on puisse la défendre. Elle doit saisir les organisations de défense des droits de l’homme pour que nous puisons saisir les autorités compétentes. C’est donc un appel pour tout le monde, les gouvernants, la population et les organisations de défense des droits de l’homme.

L.P. : Etes-vous d’avis avec ceux de vos compatriotes qui s’inquiètent de ce que des hommes pris en flagrant délit de grand banditisme et d’escroquerie se retrouvent en liberté alors qu’ils avaient été traduits devant le tribunal militaire ?
T.D. : Les juges doivent pouvoir faire leur travail et surtout bien le faire. Il est anormal que des personnes chargées de la sécurité des Ivoiriens soient impliquées dans des cas graves d’abus de confiance de braquages et autres puissent se retrouver en liberté. Pis, se retrouvent souvent en service. Cette situation accroit l’insécurité des Ivoiriens qui est mal gérée par les autorités aujourd’hui. Ce sont des sources d’inquiétude pour la population et pour nous aussi. Parce que nous savons qu’elles sont légions ces personnes qui passent entre les mailles de la justice. Au moment où il y a les clameurs des populations et que tous les regards se tournent vers le problème, on se rend compte souvent qu’il y a des décisions de fermeté et exemplaires. Lorsque l’attention des populations tombe, ces personnes se retrouvent en liberté. Parfois même elles sont promues.

Interview réalisée par Coulibaly Brahima
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