M. Abinan Pascal est le délégué départemental PDCI-RDA d'Agnibilékrou. Il a également assumé de hautes responsabilités à la direction générale des impôts. A la faveur de la prochaine visite du Président Bédié dans le Moyen Comoé et le Zanzan, il parle de la vie de son parti, analyse l'actualité socio politique, la situation économique de son pays et fait un clin d'œil au football ivoirien.
M. Abinan Pascal, comment se porte le parti dans le Djuablin et l'Agni Abbey ?
Je suis militant du PDCI depuis très longtemps. J'ai été militant de base puis secrétaire de section pendant près de 15 ans avant que le Président Bédié ne me confirme dans ma tâche en me nommant délégué départemental. Je peux dire que le PDCI se porte très bien dans la délégation d'Agnibilékrou. D'abord ici, tous les postes électifs sont détenus par le PDCI-RDA. Et sociologiquement, on peut dire que le PDCI détient au moins 80% de l’électorat à Agnibilékrou. Donc je pense que le PDCI se porte très bien. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a des nouveaux partis qui s'essaient sur le terrain. Mais le PDCI a encore de beaux jours devant lui au niveau du département d'Agnibilékrou.
Concrètement, comment gérez-vous les ambitions des uns et des autres ?
Les ambitions sont tout à fait légitimes surtout au sein du même parti. Lorsque la vie du parti est en danger, je crois que l'intelligence nous commande qu'on s'entende. Je prends mon propre cas. En 2000, j'ai été désigné candidat du PDCI pour l'élection au conseil général. Mais après, pour des raisons que je ne vais pas évoquer ici, un de mes jeunes frères (NDLR Krémien Malan Eugène) a été choisi pour occuper ce poste. Cela n'a pas été du goût des militants. Beaucoup d'entre eux sont venus me rencontrer pour que je me présente sous la bannière indépendante. Après réflexion, je me suis rendu compte que cette proposition n'était pas la meilleure. Car, il fallait surtout éviter de fragiliser l'électorat du PDCI-RDA. Je me suis donc abstenu et mon frère désigné a gagné les élections. Pour notre bonheur à tous. Pour une ambition personnelle, engager l'avenir de son parti politique, j'estime que ce n'est pas militant, ce n'est pas du tout de la politique. Ce n'est pas parce que pour une raison quelconque on n'a pas eu ce qu'on voulait qu'il faut détruire son propre parti. Quand j'analyse ce qui s'est passé ailleurs, je dis que ce n'est pas du militantisme vrai. C'est peut-être autre chose que moi je ne comprends pas.
Le Président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, est annoncé dans votre région. Comment vous organisez-vous pour faire de cette visite dans le Dujablin une réussite ?
J'ai suivi un peu partout le Président dans ses tournées. Et je savais qu'il allait venir chez nous. En tant que bon militant, partout où mon Président se déplace, si le temps me le permet, je me dois de l'accompagner. La semaine dernière, le secrétaire général nous a annoncé la prochaine visite du président du parti dans notre région : Moyen-Comoé et le Zanzan. A l'issue de cette réunion, nous nous sommes retrouvés (le Moyen-Comoé et le Zanzan), pour essayer d'ébaucher quelques pistes de programmes. Après cette réunion, en ma qualité de délégué départemental au niveau d'Agnibilékrou, j'ai convoqué une première réunion pour le mercredi 18 février dernier et une deuxième le 1er mars à Agnibilékrou pour mettre en place un comité d'organisation et voir les dispositions à prendre pour le succès de cette visite que nous attendons comme partout ailleurs où le Président est passé.
Que représente pour vous cette visite ?
Cette visite représente pour nous un enjeu très important. Vous avez vu et suivi un peu la visite du président. Quand il passe c'est une dynamique qui se renouvelle, c'est la remobilisation. C'est vrai que nous sommes sur le terrain, nous travaillons mais quand les militants voient le président, c'est encore la joie. A Bianouan, une vieille dame de plus de 75 ans me disait : "si aujourd'hui, je meurs, j'estime que j'irai au paradis parce que j'ai vu le Président Bédié qui a serré ma main". C'était émouvant et c'est partout pareil. Quand le Président se déplace dans une région, tout le monde veut le voir, le toucher. Et le fait de le voir galvanise beaucoup les militants. Donc nous accordons une importance particulière à cette visite du Président Bédié. Nous prendrons toutes les dispositions pour réussir cette visite, et nous espérons que Dieu nous aidera à réussir cette organisation.
Les détracteurs du Président Bédié brandissent son âge (75 ans) pour dire qu'il est vieux pour être encore Président de la République. Quelle est votre réaction ?
Ceux qui disent cela n'ont rien compris à la politique. D'abord en politique, on n'est jamais à la retraite. Et puis n'oublions pas que nous sommes en Afrique. Tout le monde souhaite avoir longue vie. Que font les gens le 1er janvier de chaque année ? Nous nous souhaitons longue vie. C'est un atout en politique. Parce que, être vieux ce n'est pas une maladie. Etre vieux ce n'est pas la folie non plus. Il y a des enfants de 6 ans, d'1 mois qui sont fous, qui meurent. Donc personne ne sait quand arrivera sa mort. Ce n'est pas parce qu'on a 70, 75 ans qu'on ne peut pas assumer des responsabilités politiques parce qu'on estime qu'on va mourir demain. Ceux qui pensent que l'âge de Bédié est un handicap se trompent lourdement. Le président Bédié est dans la politique depuis plus de 30. Il a assumé toutes les responsabilités jusqu'au sommet de l'Etat. C'est une somme d'expériences qu'aucun des probables candidats n'a. Ça, c'est un atout pour un pays, surtout un pays qui sort de crise. On ne met pas à la tête d'un pays un soi-disant jeune. Et puis parmi tous ceux qui aspirent à être Président, il n'y a pas un qui a 30 ans… C'est dire qu'on ne confie pas un pays à quelqu'un qui n'est pas mûr, qui n'a pas d'expérience. La preuve, voilà la situation où nous nous trouvons aujourd'hui. Tout métier au monde s'apprend. On ne sort pas de son village pour venir être président de la République d'un pays. J'estime qu'il faut avoir une somme d'expériences parce que ce n'est pas lorsqu'on est au sommet de l'Etat qu'il faut apprendre à gouverner. Mais, il faut apprendre à faire ses classes étape par étape. Au sommet, on est tenu de régler les problèmes du pays. Si on n'a aucune expérience, comment va-t-on régler les problèmes ? Toute chose s'apprend et l'expérience est un atout indiscutable et indéniable en politique. L'âge de Bédié ne gêne en rien du tout. Les gens parlent aujourd'hui du Président américain OBAMA qui a 47 ans. C'est vrai mais il a été gouverneur d'un Etat. Comme il est intelligent, il a choisi un vice-président de 70 ans… En Afrique, lorsque quelqu'un a plus de 70 ans, on dit qu'il est vieux, pourtant ils ne tuent pas leur propre père. Curieusement, ils souhaitent que leurs parents vivent le plus longtemps possible. Si à 75 ans, on est bon à rien qu'attendent-ils pour aller tuer leurs parents de 80 voire 90 ans qu'ils adorent encore ! Ce débat n'a aucun sens. Les vrais politiciens ne se posent pas cette question. Partout, on assiste à la levée de limitation de mandat dans les Constitutions parce que les gens comprennent que quand les gens ont beaucoup plus d'expérience, ils peuvent régler les problèmes de l'Etat… Même dans nos villages, on ne confie pas le village aux enfants de 30 ans. Même chez nous où la succession est héréditaire. Prenez les sociétés lagunaires (Ebrié, Adjoukrou…). Si vous n'avez pas atteint un certain niveau (classe d'âge), vous ne gérez pas le village. L'âge de Bédié est un atout capital pour la Côte d'Ivoire qui sort d'une crise. Ce pays a besoin d'un homme pondéré, ayant connu beaucoup de situations qui pourra appréhender les problèmes avec sagesse.
M. le délégué, quelles sont les chances du PDCI aux prochaines élections générales ?
Une élection n'est jamais gagnée d'avance. Si je dis que le PDCI a déjà gagné, c'est que je ne suis pas un homme responsable. Mais le PDCI ne perdra pas ces élections parce que nous avons les atouts, les moyens, les hommes pour les gagner. Pour les mêmes raisons que j'ai évoquées plus haut, les Ivoiriens sont des hommes de paix. Et Houphouët nous l'a enseignée. A l'époque, certains disaient : " est-ce que c'est la paix qu'on mange ? " Aujourd'hui, ils courent après cette paix, ceux-là mêmes qui le disaient. Ils ont fait le tour du monde. C'est finalement à Ouaga tout près de nous qu'on s'est arrêté. Et donc le PDCI gagnera ces élections avec ses propres moyens, ses propres hommes et avec ses propres atouts. Parce que je pense que les Ivoiriens ont deux possibilités de choix : la paix ou la guerre et le désordre. A l'époque, le Président Houphouët nous disait très souvent : " le vrai bonheur on ne l'apprécie que lorsqu'on l'a perdu ". Aujourd'hui, les Ivoiriens pleurent ce grand homme qu'était Houphouët. Je ris quand j'entends des gens qui l'ont vilipendé ici dire : " moi, je suis houphouétiste ". Ça veut dire que c'est la voie du PDCI, la voie que Houphouët nous a tracée qui est la bonne voie. Et les Ivoiriens suivront cette voie pendant ces élections. Ils vont suivre cette voie. Le PDCI gagnera pour venir remettre le pays au travail et sur la voie du développement.
Le PDCI peut gagner ces élections comme vous le dites. Mais cela passe par l'opération d'identification. A ce niveau, comment se passent les choses dans votre délégation ?
Pour nous, comme on savait qu'avant d'aller au vote, il faut avoir ses papiers et être inscrit sur une liste électorale pour avoir une carte d'électeur, il y a très longtemps qu'on a préparé ces opérations. C'est pourquoi d'ailleurs, vous n'entendez pas à Agnibilikrou les propos du genre on triche ou on fait ceci ou cela. Ma dernière réunion s'est tenue en juin 2008. Au cours de celle-ci j'ai mis les secrétaires de section, les directeurs de campagne du président Bédié au travail. Avec mes frères et les élus, nous avons mis ce qu'il fallait comme moyens à la disposition de nos parents pour qu'ils obtiennent leurs papiers. Pendant que les autres se battaient, on préparait nos hommes. C'est pourquoi, l'opération d'identification se déroule tranquillement. Je me suis fait enrôler le dimanche dernier (NDLR 8 février) sans problème. Il n'y a pas de tricherie. Tout le monde voit ce qui se fait. Les parents sont tranquilles. Il y a quelques cas des gens qui possèdent la carte d'identité verte et qui n'ont pas les extraits d'acte de naissance. Au cours d'une de nos réunions, j'ai posé ce problème. Les actes de naissance et les jugements supplétifs qui ont servi à établir les CNI vertes sont à l'ONI aujourd'hui classés département par département. Donc nous avons demandé à la Commission de supervision de l'identification de faire en sorte que ces actes soient distribués aux gens. Cela vient d'être réglé, puisque le ministre de l'Intérieur a instruit l'ONI de mettre à la disposition des Ivoiriens leurs extraits de naissance qui ont servi à la confection de ces cartes vertes. Je crois que les Préfets ont été instruits à cet effet.
M. le délégué, quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique du pays ?
Poser une telle question à un opposant que je suis, j'ai peur que mon analyse, d'autres ne la trouvent pas objective. Et pourtant, c'est ça la réalité. C'est triste de voir un pays comme la Côte d'Ivoire aujourd'hui dans cet état. Je dis, c'est triste à tous les niveaux. Moi je n'exclus même pas un domaine qui n'est pas sinistré. D'abord l'école. Pour nos amis qui nous gouvernent et qui sont pour la plupart des enseignants, je dis c'est scandaleux de voir l'école dans cette situation. Mais, ils nous avaient prévenus. On n'a pas bien lu leur stratégie pour détruire l'école. Ils avaient commencé d'abord par la tenue scolaire. L'uniforme, le Président Houphouët l'avait institué en Côte d'Ivoire et ça fait école dans toute l'Afrique. J'étais au Ghana récemment. C'est beau à voir l'uniforme. C'est par cycle d'enseignement. Regardez aujourd'hui nos enfants quand ils vont à l'école ou quand ils en reviennent, on ne sait d'où ils sortent. C'est là que le désordre a commencé. Ils l'ont dit : libéralisation de la tenue scolaire, de l'uniforme. C'était ça. Mais, on n'y avait pas prêté attention. Aussi, il y a des années académiques qui durent à tel point qu'au moment où d'autres commencent l'année, d'autres la terminent. L'école est prise en otage par la FESCI. Il faut avoir le courage de le dire. Et je soutiens le président de la LIDHO qui dit que la FESCI est une milice. Comment peut-on comprendre que des élèves, des apprenants dictent leur voie à leurs enseignants ? Je ne peux pas comprendre cela. Nous, à notre époque, quand on voyait le maître, c'était un Dieu, parce qu'il transmettait le savoir et il le faisait véritablement. Mais aujourd'hui, quand tu portes main à ton enseignant, aura-t-il le cœur disposé à te dispenser le savoir ? L'école est foutue. La santé ? Elle-même est malade. Il n'y a plus d'hôpitaux, il n'y a plus de dispensaires, il n'y a plus rien. Au niveau des infrastructures, vous-même, vous le constatez puisque vous tournez dans tout le pays.
Mais le Président Gbagbo dit qu'il a institué les conseils généraux pour gérer tous ces problèmes.
Ecoutez ! Ce sont des discours qui sont révoltants. On ne crée pas une structure pour le plaisir de le faire. Encore faut-il lui donner de la substance. On avait annoncé que chaque conseil général aurait trois (3) milliards. Si c'était fait, on allait tous applaudir. Puisqu'avec ce montant dans un département, on peut faire beaucoup de choses. Et la Côte d'Ivoire serait loin. Mais qu'en est-il en réalité ? Les conseils généraux ont à peine 200 à 300 millions. Face à cette situation, les dirigeants actuels vous rétorquent que c'est la crise qui est à la base. Mais regardez ! Pour la première fois en Côte d'Ivoire, les mairies se sont mises en grève. C'est la première structure décentralisée. Leurs subventions venaient correctement, mais aujourd'hui elles ne viennent plus. C'est pour dire qu'il ne suffit pas de créer pour créer. Le PDCI avait envisagé autre chose. La régionale, c'est-à-dire quelque chose beaucoup plus large, beaucoup plus viable. D'où l'accent allait être mis sur l'auto financement. Aujourd'hui, disons que l'on crée à la pelle des structures décentralisées parce qu'on a une visée politicienne et électoraliste. Avant l'érection du village en sous-préfecture était quelque chose de solennel. Et c'est en conseil des ministres qu'on vous annonce avec solennité, parce que vous le méritez. Aujourd'hui, on en donne parce qu'on a un ami ici ou là. En réalité, l'Etat n'a pas les moyens pour financer ces structures décentralisées. Et on dit que les présidents des conseils généraux n'ont rien fait, mais ils vont travailler avec quoi ?
Comme je le disais, les dirigeants actuels affirment que c'est à cause de la crise que…
Quelle crise ? La guerre ? Ah bon, il y a eu une guerre ici ? Parce que moi, je ne la vois pas. Il y a eu une tentative de coup d'Etat, ça, nous le savons tous, qui s'est muée en rébellion. Et comme l'Etat lui-même est défaillant, donc il n'a pu mater la rébellion. Les jeunes gens se sont repliés au Centre, au Nord et à l'Ouest. Ce n'est pas une guerre. Tu as vu deux armées s'affronter à l'arme lourde ? Il n'y en a pas eu. Donc chacun a pris sa part. Et on nous disait même que là-bas était la Côte d'Ivoire inutile. Mais dans la Côte d'Ivoire utile, qu'est-ce que nous avons fait avec un budget qui n'a pas diminué ? Le dernier budget de 2008 s'élève à 2300 milliards sur la petite portion de la Côte d'Ivoire utile. Mais rien n'a été fait. Il n'y a pas de route. Regardez ! Même à Abidjan. Et on va dire que c'est la guerre. Quelle armée pilonnait la Côte d'Ivoire "utile" pour empêcher de travailler ? Ce sont des arguments qui ne tiennent pas. Les Ivoiriens ne sont pas des idiots pour se laisser endormir avec ces arguments-là. Ce n'est pas une affaire de guerre, c'est une affaire de mal gouvernance. Ecoutez, s'il y avait la guerre, pourquoi il y a des châteaux qu'on construit pendant ce temps ? Regardez des châteaux ont poussé un peu partout dans les quartiers d'Abidjan. Même des étudiants ont des châteaux dans leur village. On en a vu dans la région d'Aboisso. Au temps du PDCI, les gens travaillaient pour construire. J'ai mis personnellement dix ans pour construire ma maison. En réalité, c'est la mauvaise gouvernance, la mauvaise utilisation des deniers publics qui fait que les Ivoiriens sont de plus en plus pauvres.
Nous vivons quand même une crise qui nous a amené de Marcoussis à l'accord de Ouaga qui, selon les belligérants, devrait nous sortir de la crise. Qu'en pensez-vous ?
C'est heureux si l'accord de Ouaga nous sort de la crise. Mais je dois faire noter que tous les autres accords ont été aussi bons que celui de Ouaga. Mais un accord ne vaut que par l'application qu'on en fait. Or, les gens ont délibérément refusé d'appliquer les accords. Il y a longtemps qu'on serait sorti de la crise avec Marcoussis. Même Ouaga fait référence à Marcoussis. Ouaga fait référence à tous les autres accords qui ont été signés, pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a des termes très pertinents dans ces accords qui ont été signés. Mais je ne sais pas si ce sont les belligérants qui n'ont pas voulu l'appliquer. Parce qu'on a l'impression que la crise arrange certaines personnes, sinon depuis Marcoussis, on en serait sorti. Les résolutions de l'ONU étaient des résolutions pertinentes. On nous dit que c'est imposé. Mais qu'est-ce qui n'est pas imposé ? Aujourd'hui, Ouaga, on parle de dialogue direct. Mais de quel dialogue direct s'agit-il ? Un dialogue direct : tu es assis là-bas et au bout de la table, je suis assis ici, nous deux, on parle. Quand on prend un médiateur qu'on dit Facilitateur, est-ce la même chose ? Ce n'est pas direct du tout, c'est triangulaire. Trois jours après le déclenchement de la crise, si on avait écouté le PDCI, il n'y aurait pas eu autant de morts dans ce pays. Depuis que la Côte d'Ivoire existe, il n'y jamais eu autant de morts. C'est après avoir tué des gens qu'on se rend compte qu'on doit s'asseoir pour discuter. "Asseyons-nous et discutons". Mais dès le début de cette crise, on a oublié son propre slogan. Donc Ouaga, c'est bien si ça peut nous permettre de nous en sortir, encore faut-il que les belligérants le veuillent. En dix mois, on devrait sortir de crise avec cet accord. On l'avait même brandi comme un trophée mondialement connu et puis aujourd'hui nous sommes, deux ans après. On n'est pas sorti de la crise. Donc moi, je dis Ouaga, c'est bien. Ouaga fait référence à tous les accords précédents, c'est bien. Et tout le monde soutient cet accord, c'est bien. Mais il faut qu'on en sorte. Quand on dit, nous avançons mais qu'il faut signer encore des accords complémentaires, ça veut dire quoi ? Dire qu'on n'est pas prêt à appliquer ce qu'on a signé pour pouvoir sortir de la crise c'est très inquiétant.
L'opposition est accusée puisque vous ne jouez pas votre rôle d'opposant en organisant des marches.
L'opposition joue son rôle, l'opposition dénonce, le RHDP fait des déclarations pour dénoncer les mauvais comportements, mais est-ce que ça change quelque chose ? C'est une question de conscience. On attire l'attention. Si eux-mêmes qui sont chargés de mettre de l'ordre n'ont pas cette conscience-là, vraiment, ce n'est pas bon, il faut qu'on arrête, qu'on ouvre les yeux là-dessus. Ce n'est pas l'opposition qui gouverne. Il y a un gouvernement. On nous dit que c'est un gouvernement de large ouverture donc tout le monde est dedans, personne n'est responsable. Mais ça, c'est des affirmations graves. On nous a dit aussi dans ce pays, je suis à la barre et j'ai le bic, donc ça veut dire, c'est moi qui décide. Et je suis d'accord, c'est le Président de la République, le chef de l'Etat qui décide. Ce n'est pas quand c'est bon seulement qu'il doit dire que c'est lui qui décide. Quand ce n'est pas bon aussi, il faut qu'il assume ses responsabilités. Or, on a l'impression que personne n'est responsable de quoi que ce soit. Nous sommes quand même dans un pays !
Vous avez été responsable à divers niveaux aux ministères de l’Economie et des finances. Comment expliquez-vous au plan économique, la chute de ce pays ?
C’est un calcul très simple. Bien entendu, ce calcul doit se décliner en terme de subventions aux collectivités territoriales décentralisées dans le cadre des transfert de compétences et des moyens à ces collectivités. J'ai assumé beaucoup de responsabilités. Je sais un peu ce qui se passe au plan économique et financier. J'étais à Londres dans le cadre de CREA-PDCI où j'animais une conférence des Ivoiriens là-bas. J'ai fait une petite démonstration. J'ai dit ceci : Voilà un pays qui a 2000 milliards de budget, qui ne payait pas sa dette jusqu'à l'année 2008, qui paie 632 milliards pour les salaires des fonctionnaires. Donc après cela, la différence sert à quoi ?
Prenons, ne serait-ce que 500 milliards, ça vous fait bitumer 250km de route par an. Pour 5 ans, vous avez bitumé 10.000km de route. Tout le réseau routier de Côte d'Ivoire. Vous mettez 500 milliards dans l'enseignement. Vous mettez 500 milliards dans le social et le sport, etc. Le calcul est très simple. Le pays sera en chantier. On nous dit qu'on paye les fonctionnaires, malgré la crise, mais un gouvernement ne vient pas pour payer les fonctionnaires uniquement. Ce n'est pas cela son objectif. Son objectif principal c'est de développer le pays. Vous payez les fonctionnaires et puis il n'y plus de route. Abidjan, on ne ramasse plus les ordures. C'est scandaleux ! Je disais que tous les secteurs sont atteints. Vous voyez même que l'environnement est pollué. Cerise sur le gâteau, on nous a envoyé des déchets toxiques pour polluer encore plus.
L'économie, vous le dites, est sinistrée. Qu'est-ce qui a causé cela ?
Qu'on nous dise, quand on a fini de payer les fonctionnaires, on a fait quoi d'autres ? C'est vrai, il faut le reconnaître depuis 2008, sous la pression des bailleurs de fonds, l'Etat a commencé par payer ses dettes. Mais bien avant, on ne payait pas la dette. Et le budget continuait de monter. C'était pour eux encore un trophée, on a 2000 milliards de budget. Mais entre-temps, qu'est-ce qu'on a fait avec ? On devrait prévoir les routes bitumées, les écoles réhabilitées, les dispensaires construits comme le Président Bédié qui a fait ses projets de dispensaires à chaque 10 ou 15 kms. Après lui, il n'y a plus de dispensaires qui aient été construits en Côte d'Ivoire. En tout cas, pas à ma connaissance. Donc dire à quoi a servi le budget. Et puis encore, c'est sur une petite partie du territoire. Cette petite partie devrait être l'Eldorado aujourd'hui. Vous avez un budget sur une petite partie du territoire et celle-ci devient plus sinistrée que jamais. Et puis la guerre, la guerre, mais c'est un des éléments du bilan du FPI. Pourquoi il y a eu la guerre ? Au temps du PDCI-RDA, il n'y a pas eu de guerre.
Blé Goudé, le leader des jeunes patriotes, affirme qu'on ne doit pas juger le FPI à partir de la date où il y a eu la guerre.
Mais on doit le juger à partir de quelle date ?
De 2000 à 2002
Mais pourquoi ? N’a-t-il rendu démission ? Moi, je vois qu'il est toujours président, chef de l'Etat. Les accords disent chef de l'Etat, il dit non. Lui, il est Président de la République. C'est lui qui continue de signer les décrets et autres ordonnances. L'Assemblée nationale elle-même n'existe plus. Mais pourquoi doit-on le juger de 2000 à 2002 ? Et tout ce temps, il gouvernait le pays. C'est ce qu'il fait. Ce sont des arguments qui ne tiennent pas. Les Ivoiriens ne sont pas idiots. Ils savent qu'il est le chef. Quand c'est bon, on le félicite, quand ce n'est pas bon, on lui dit que ce n'est pas bon. Il doit assumer. On a l'impression que nos amis, les refondateurs, ne sont responsables de rien du tout. Quand on est responsable de rien, on ne gouverne pas.
La Côte d'Ivoire se bat pour être éligible au PPTE. Quelle est votre réaction ?
Ma réaction est qu'on lutte pour être pauvre. On lutte pour être parmi les plus pauvres.
C'est pour bénéficier de l'allègement de la dette ?
Oui, mais l'allègement de notre dette, on en était déjà sorti pour faire un peu d'histoire. S'il n'y avait pas eu ce stupide coup d'Etat, (on ne cessera jamais d'en parler), à dix mois des élections, on en serait sorti depuis mars 2001. Et puis aujourd'hui, la Côte d'Ivoire se classerait parmi les pays émergents. Alors, c'est maintenant dix ans après qu'on lutte pour avoir l'étape de la décision et il faut attendre 2 ou 3 ans pour avoir les retombées. Ce n'est pas immédiat. C'est un programme qui est négocié. Vous savez, après le coup d'Etat, les gens ont dansé. On pensait qu'on faisait du mal à un individu. C'était le tournant, c'était la condamnation de la Côte d'Ivoire.
Membre du comité exécutif de la FIF, d'après vous, pourquoi le football ivoirien ne marche pas ?
Poser la question de cette manière, c'est un raccourci que vous empruntez. En effet, il n'est pas exact d'affirmer que le football ivoirien ne marche pas. Car, pour la 1ère fois, en 2006, la Côte d'Ivoire a participé à une coupe du monde en Allemagne. Ce n'est pas rien ! De même, il faut noter que la Côte d'Ivoire a été finaliste de la coupe d'Afrique des Nations en Egypte, contre le pays organisateur en 2006 ! Cependant, il faut reconnaître que malgré ces résultats flatteurs et encourageants, c'est toujours avec regret que nous quittons ces compétitions. Car, avant ces compétitions nous sommes toujours classés parmi les favoris eu égard à la qualité des joueurs que nous avons.
Aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, nous sommes face à un véritable paradoxe. En effet, voilà un pays qui a une fédération qui est dirigée par un président (Jacques Anouma) qui travaille de façon professionnelle, assisté par des hommes de qualité. De même, la Côte d'Ivoire possède des joueurs de renommée mondiale. Et pourtant, les résultats sont toujours en demi-teinte. A cela, je voix deux causes principales. La 1ère cause, c'est que le championnat local n'est plus compétitif parce qu'il n'y a plus de grands joueurs au plan local. Dès qu'un joueur émerge, il est immédiatement transféré en Europe ou ailleurs (souvent sous la poussée des parents). C'est toujours un perpétuel recommencement. La seconde cause, à mon avis, c'est que les joueurs expatriés ne se donnent pas trop en équipe nationale comme ils le font dans leurs clubs en Europe pour des raisons que vous imaginez aisément. A cette allure, nous aurons toujours des regrets après les compétitions. C'est pourquoi, il faut mettre un accent sur le championnat national pour avoir une élite de joueurs compétitifs. Encore, faut-il, pouvoir les retenir sur place. C'est une autre paire de manche.
Interview réalisée par Eddy PEHE
et Joël ABALO
M. Abinan Pascal, comment se porte le parti dans le Djuablin et l'Agni Abbey ?
Je suis militant du PDCI depuis très longtemps. J'ai été militant de base puis secrétaire de section pendant près de 15 ans avant que le Président Bédié ne me confirme dans ma tâche en me nommant délégué départemental. Je peux dire que le PDCI se porte très bien dans la délégation d'Agnibilékrou. D'abord ici, tous les postes électifs sont détenus par le PDCI-RDA. Et sociologiquement, on peut dire que le PDCI détient au moins 80% de l’électorat à Agnibilékrou. Donc je pense que le PDCI se porte très bien. C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a des nouveaux partis qui s'essaient sur le terrain. Mais le PDCI a encore de beaux jours devant lui au niveau du département d'Agnibilékrou.
Concrètement, comment gérez-vous les ambitions des uns et des autres ?
Les ambitions sont tout à fait légitimes surtout au sein du même parti. Lorsque la vie du parti est en danger, je crois que l'intelligence nous commande qu'on s'entende. Je prends mon propre cas. En 2000, j'ai été désigné candidat du PDCI pour l'élection au conseil général. Mais après, pour des raisons que je ne vais pas évoquer ici, un de mes jeunes frères (NDLR Krémien Malan Eugène) a été choisi pour occuper ce poste. Cela n'a pas été du goût des militants. Beaucoup d'entre eux sont venus me rencontrer pour que je me présente sous la bannière indépendante. Après réflexion, je me suis rendu compte que cette proposition n'était pas la meilleure. Car, il fallait surtout éviter de fragiliser l'électorat du PDCI-RDA. Je me suis donc abstenu et mon frère désigné a gagné les élections. Pour notre bonheur à tous. Pour une ambition personnelle, engager l'avenir de son parti politique, j'estime que ce n'est pas militant, ce n'est pas du tout de la politique. Ce n'est pas parce que pour une raison quelconque on n'a pas eu ce qu'on voulait qu'il faut détruire son propre parti. Quand j'analyse ce qui s'est passé ailleurs, je dis que ce n'est pas du militantisme vrai. C'est peut-être autre chose que moi je ne comprends pas.
Le Président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, est annoncé dans votre région. Comment vous organisez-vous pour faire de cette visite dans le Dujablin une réussite ?
J'ai suivi un peu partout le Président dans ses tournées. Et je savais qu'il allait venir chez nous. En tant que bon militant, partout où mon Président se déplace, si le temps me le permet, je me dois de l'accompagner. La semaine dernière, le secrétaire général nous a annoncé la prochaine visite du président du parti dans notre région : Moyen-Comoé et le Zanzan. A l'issue de cette réunion, nous nous sommes retrouvés (le Moyen-Comoé et le Zanzan), pour essayer d'ébaucher quelques pistes de programmes. Après cette réunion, en ma qualité de délégué départemental au niveau d'Agnibilékrou, j'ai convoqué une première réunion pour le mercredi 18 février dernier et une deuxième le 1er mars à Agnibilékrou pour mettre en place un comité d'organisation et voir les dispositions à prendre pour le succès de cette visite que nous attendons comme partout ailleurs où le Président est passé.
Que représente pour vous cette visite ?
Cette visite représente pour nous un enjeu très important. Vous avez vu et suivi un peu la visite du président. Quand il passe c'est une dynamique qui se renouvelle, c'est la remobilisation. C'est vrai que nous sommes sur le terrain, nous travaillons mais quand les militants voient le président, c'est encore la joie. A Bianouan, une vieille dame de plus de 75 ans me disait : "si aujourd'hui, je meurs, j'estime que j'irai au paradis parce que j'ai vu le Président Bédié qui a serré ma main". C'était émouvant et c'est partout pareil. Quand le Président se déplace dans une région, tout le monde veut le voir, le toucher. Et le fait de le voir galvanise beaucoup les militants. Donc nous accordons une importance particulière à cette visite du Président Bédié. Nous prendrons toutes les dispositions pour réussir cette visite, et nous espérons que Dieu nous aidera à réussir cette organisation.
Les détracteurs du Président Bédié brandissent son âge (75 ans) pour dire qu'il est vieux pour être encore Président de la République. Quelle est votre réaction ?
Ceux qui disent cela n'ont rien compris à la politique. D'abord en politique, on n'est jamais à la retraite. Et puis n'oublions pas que nous sommes en Afrique. Tout le monde souhaite avoir longue vie. Que font les gens le 1er janvier de chaque année ? Nous nous souhaitons longue vie. C'est un atout en politique. Parce que, être vieux ce n'est pas une maladie. Etre vieux ce n'est pas la folie non plus. Il y a des enfants de 6 ans, d'1 mois qui sont fous, qui meurent. Donc personne ne sait quand arrivera sa mort. Ce n'est pas parce qu'on a 70, 75 ans qu'on ne peut pas assumer des responsabilités politiques parce qu'on estime qu'on va mourir demain. Ceux qui pensent que l'âge de Bédié est un handicap se trompent lourdement. Le président Bédié est dans la politique depuis plus de 30. Il a assumé toutes les responsabilités jusqu'au sommet de l'Etat. C'est une somme d'expériences qu'aucun des probables candidats n'a. Ça, c'est un atout pour un pays, surtout un pays qui sort de crise. On ne met pas à la tête d'un pays un soi-disant jeune. Et puis parmi tous ceux qui aspirent à être Président, il n'y a pas un qui a 30 ans… C'est dire qu'on ne confie pas un pays à quelqu'un qui n'est pas mûr, qui n'a pas d'expérience. La preuve, voilà la situation où nous nous trouvons aujourd'hui. Tout métier au monde s'apprend. On ne sort pas de son village pour venir être président de la République d'un pays. J'estime qu'il faut avoir une somme d'expériences parce que ce n'est pas lorsqu'on est au sommet de l'Etat qu'il faut apprendre à gouverner. Mais, il faut apprendre à faire ses classes étape par étape. Au sommet, on est tenu de régler les problèmes du pays. Si on n'a aucune expérience, comment va-t-on régler les problèmes ? Toute chose s'apprend et l'expérience est un atout indiscutable et indéniable en politique. L'âge de Bédié ne gêne en rien du tout. Les gens parlent aujourd'hui du Président américain OBAMA qui a 47 ans. C'est vrai mais il a été gouverneur d'un Etat. Comme il est intelligent, il a choisi un vice-président de 70 ans… En Afrique, lorsque quelqu'un a plus de 70 ans, on dit qu'il est vieux, pourtant ils ne tuent pas leur propre père. Curieusement, ils souhaitent que leurs parents vivent le plus longtemps possible. Si à 75 ans, on est bon à rien qu'attendent-ils pour aller tuer leurs parents de 80 voire 90 ans qu'ils adorent encore ! Ce débat n'a aucun sens. Les vrais politiciens ne se posent pas cette question. Partout, on assiste à la levée de limitation de mandat dans les Constitutions parce que les gens comprennent que quand les gens ont beaucoup plus d'expérience, ils peuvent régler les problèmes de l'Etat… Même dans nos villages, on ne confie pas le village aux enfants de 30 ans. Même chez nous où la succession est héréditaire. Prenez les sociétés lagunaires (Ebrié, Adjoukrou…). Si vous n'avez pas atteint un certain niveau (classe d'âge), vous ne gérez pas le village. L'âge de Bédié est un atout capital pour la Côte d'Ivoire qui sort d'une crise. Ce pays a besoin d'un homme pondéré, ayant connu beaucoup de situations qui pourra appréhender les problèmes avec sagesse.
M. le délégué, quelles sont les chances du PDCI aux prochaines élections générales ?
Une élection n'est jamais gagnée d'avance. Si je dis que le PDCI a déjà gagné, c'est que je ne suis pas un homme responsable. Mais le PDCI ne perdra pas ces élections parce que nous avons les atouts, les moyens, les hommes pour les gagner. Pour les mêmes raisons que j'ai évoquées plus haut, les Ivoiriens sont des hommes de paix. Et Houphouët nous l'a enseignée. A l'époque, certains disaient : " est-ce que c'est la paix qu'on mange ? " Aujourd'hui, ils courent après cette paix, ceux-là mêmes qui le disaient. Ils ont fait le tour du monde. C'est finalement à Ouaga tout près de nous qu'on s'est arrêté. Et donc le PDCI gagnera ces élections avec ses propres moyens, ses propres hommes et avec ses propres atouts. Parce que je pense que les Ivoiriens ont deux possibilités de choix : la paix ou la guerre et le désordre. A l'époque, le Président Houphouët nous disait très souvent : " le vrai bonheur on ne l'apprécie que lorsqu'on l'a perdu ". Aujourd'hui, les Ivoiriens pleurent ce grand homme qu'était Houphouët. Je ris quand j'entends des gens qui l'ont vilipendé ici dire : " moi, je suis houphouétiste ". Ça veut dire que c'est la voie du PDCI, la voie que Houphouët nous a tracée qui est la bonne voie. Et les Ivoiriens suivront cette voie pendant ces élections. Ils vont suivre cette voie. Le PDCI gagnera pour venir remettre le pays au travail et sur la voie du développement.
Le PDCI peut gagner ces élections comme vous le dites. Mais cela passe par l'opération d'identification. A ce niveau, comment se passent les choses dans votre délégation ?
Pour nous, comme on savait qu'avant d'aller au vote, il faut avoir ses papiers et être inscrit sur une liste électorale pour avoir une carte d'électeur, il y a très longtemps qu'on a préparé ces opérations. C'est pourquoi d'ailleurs, vous n'entendez pas à Agnibilikrou les propos du genre on triche ou on fait ceci ou cela. Ma dernière réunion s'est tenue en juin 2008. Au cours de celle-ci j'ai mis les secrétaires de section, les directeurs de campagne du président Bédié au travail. Avec mes frères et les élus, nous avons mis ce qu'il fallait comme moyens à la disposition de nos parents pour qu'ils obtiennent leurs papiers. Pendant que les autres se battaient, on préparait nos hommes. C'est pourquoi, l'opération d'identification se déroule tranquillement. Je me suis fait enrôler le dimanche dernier (NDLR 8 février) sans problème. Il n'y a pas de tricherie. Tout le monde voit ce qui se fait. Les parents sont tranquilles. Il y a quelques cas des gens qui possèdent la carte d'identité verte et qui n'ont pas les extraits d'acte de naissance. Au cours d'une de nos réunions, j'ai posé ce problème. Les actes de naissance et les jugements supplétifs qui ont servi à établir les CNI vertes sont à l'ONI aujourd'hui classés département par département. Donc nous avons demandé à la Commission de supervision de l'identification de faire en sorte que ces actes soient distribués aux gens. Cela vient d'être réglé, puisque le ministre de l'Intérieur a instruit l'ONI de mettre à la disposition des Ivoiriens leurs extraits de naissance qui ont servi à la confection de ces cartes vertes. Je crois que les Préfets ont été instruits à cet effet.
M. le délégué, quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique du pays ?
Poser une telle question à un opposant que je suis, j'ai peur que mon analyse, d'autres ne la trouvent pas objective. Et pourtant, c'est ça la réalité. C'est triste de voir un pays comme la Côte d'Ivoire aujourd'hui dans cet état. Je dis, c'est triste à tous les niveaux. Moi je n'exclus même pas un domaine qui n'est pas sinistré. D'abord l'école. Pour nos amis qui nous gouvernent et qui sont pour la plupart des enseignants, je dis c'est scandaleux de voir l'école dans cette situation. Mais, ils nous avaient prévenus. On n'a pas bien lu leur stratégie pour détruire l'école. Ils avaient commencé d'abord par la tenue scolaire. L'uniforme, le Président Houphouët l'avait institué en Côte d'Ivoire et ça fait école dans toute l'Afrique. J'étais au Ghana récemment. C'est beau à voir l'uniforme. C'est par cycle d'enseignement. Regardez aujourd'hui nos enfants quand ils vont à l'école ou quand ils en reviennent, on ne sait d'où ils sortent. C'est là que le désordre a commencé. Ils l'ont dit : libéralisation de la tenue scolaire, de l'uniforme. C'était ça. Mais, on n'y avait pas prêté attention. Aussi, il y a des années académiques qui durent à tel point qu'au moment où d'autres commencent l'année, d'autres la terminent. L'école est prise en otage par la FESCI. Il faut avoir le courage de le dire. Et je soutiens le président de la LIDHO qui dit que la FESCI est une milice. Comment peut-on comprendre que des élèves, des apprenants dictent leur voie à leurs enseignants ? Je ne peux pas comprendre cela. Nous, à notre époque, quand on voyait le maître, c'était un Dieu, parce qu'il transmettait le savoir et il le faisait véritablement. Mais aujourd'hui, quand tu portes main à ton enseignant, aura-t-il le cœur disposé à te dispenser le savoir ? L'école est foutue. La santé ? Elle-même est malade. Il n'y a plus d'hôpitaux, il n'y a plus de dispensaires, il n'y a plus rien. Au niveau des infrastructures, vous-même, vous le constatez puisque vous tournez dans tout le pays.
Mais le Président Gbagbo dit qu'il a institué les conseils généraux pour gérer tous ces problèmes.
Ecoutez ! Ce sont des discours qui sont révoltants. On ne crée pas une structure pour le plaisir de le faire. Encore faut-il lui donner de la substance. On avait annoncé que chaque conseil général aurait trois (3) milliards. Si c'était fait, on allait tous applaudir. Puisqu'avec ce montant dans un département, on peut faire beaucoup de choses. Et la Côte d'Ivoire serait loin. Mais qu'en est-il en réalité ? Les conseils généraux ont à peine 200 à 300 millions. Face à cette situation, les dirigeants actuels vous rétorquent que c'est la crise qui est à la base. Mais regardez ! Pour la première fois en Côte d'Ivoire, les mairies se sont mises en grève. C'est la première structure décentralisée. Leurs subventions venaient correctement, mais aujourd'hui elles ne viennent plus. C'est pour dire qu'il ne suffit pas de créer pour créer. Le PDCI avait envisagé autre chose. La régionale, c'est-à-dire quelque chose beaucoup plus large, beaucoup plus viable. D'où l'accent allait être mis sur l'auto financement. Aujourd'hui, disons que l'on crée à la pelle des structures décentralisées parce qu'on a une visée politicienne et électoraliste. Avant l'érection du village en sous-préfecture était quelque chose de solennel. Et c'est en conseil des ministres qu'on vous annonce avec solennité, parce que vous le méritez. Aujourd'hui, on en donne parce qu'on a un ami ici ou là. En réalité, l'Etat n'a pas les moyens pour financer ces structures décentralisées. Et on dit que les présidents des conseils généraux n'ont rien fait, mais ils vont travailler avec quoi ?
Comme je le disais, les dirigeants actuels affirment que c'est à cause de la crise que…
Quelle crise ? La guerre ? Ah bon, il y a eu une guerre ici ? Parce que moi, je ne la vois pas. Il y a eu une tentative de coup d'Etat, ça, nous le savons tous, qui s'est muée en rébellion. Et comme l'Etat lui-même est défaillant, donc il n'a pu mater la rébellion. Les jeunes gens se sont repliés au Centre, au Nord et à l'Ouest. Ce n'est pas une guerre. Tu as vu deux armées s'affronter à l'arme lourde ? Il n'y en a pas eu. Donc chacun a pris sa part. Et on nous disait même que là-bas était la Côte d'Ivoire inutile. Mais dans la Côte d'Ivoire utile, qu'est-ce que nous avons fait avec un budget qui n'a pas diminué ? Le dernier budget de 2008 s'élève à 2300 milliards sur la petite portion de la Côte d'Ivoire utile. Mais rien n'a été fait. Il n'y a pas de route. Regardez ! Même à Abidjan. Et on va dire que c'est la guerre. Quelle armée pilonnait la Côte d'Ivoire "utile" pour empêcher de travailler ? Ce sont des arguments qui ne tiennent pas. Les Ivoiriens ne sont pas des idiots pour se laisser endormir avec ces arguments-là. Ce n'est pas une affaire de guerre, c'est une affaire de mal gouvernance. Ecoutez, s'il y avait la guerre, pourquoi il y a des châteaux qu'on construit pendant ce temps ? Regardez des châteaux ont poussé un peu partout dans les quartiers d'Abidjan. Même des étudiants ont des châteaux dans leur village. On en a vu dans la région d'Aboisso. Au temps du PDCI, les gens travaillaient pour construire. J'ai mis personnellement dix ans pour construire ma maison. En réalité, c'est la mauvaise gouvernance, la mauvaise utilisation des deniers publics qui fait que les Ivoiriens sont de plus en plus pauvres.
Nous vivons quand même une crise qui nous a amené de Marcoussis à l'accord de Ouaga qui, selon les belligérants, devrait nous sortir de la crise. Qu'en pensez-vous ?
C'est heureux si l'accord de Ouaga nous sort de la crise. Mais je dois faire noter que tous les autres accords ont été aussi bons que celui de Ouaga. Mais un accord ne vaut que par l'application qu'on en fait. Or, les gens ont délibérément refusé d'appliquer les accords. Il y a longtemps qu'on serait sorti de la crise avec Marcoussis. Même Ouaga fait référence à Marcoussis. Ouaga fait référence à tous les autres accords qui ont été signés, pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a des termes très pertinents dans ces accords qui ont été signés. Mais je ne sais pas si ce sont les belligérants qui n'ont pas voulu l'appliquer. Parce qu'on a l'impression que la crise arrange certaines personnes, sinon depuis Marcoussis, on en serait sorti. Les résolutions de l'ONU étaient des résolutions pertinentes. On nous dit que c'est imposé. Mais qu'est-ce qui n'est pas imposé ? Aujourd'hui, Ouaga, on parle de dialogue direct. Mais de quel dialogue direct s'agit-il ? Un dialogue direct : tu es assis là-bas et au bout de la table, je suis assis ici, nous deux, on parle. Quand on prend un médiateur qu'on dit Facilitateur, est-ce la même chose ? Ce n'est pas direct du tout, c'est triangulaire. Trois jours après le déclenchement de la crise, si on avait écouté le PDCI, il n'y aurait pas eu autant de morts dans ce pays. Depuis que la Côte d'Ivoire existe, il n'y jamais eu autant de morts. C'est après avoir tué des gens qu'on se rend compte qu'on doit s'asseoir pour discuter. "Asseyons-nous et discutons". Mais dès le début de cette crise, on a oublié son propre slogan. Donc Ouaga, c'est bien si ça peut nous permettre de nous en sortir, encore faut-il que les belligérants le veuillent. En dix mois, on devrait sortir de crise avec cet accord. On l'avait même brandi comme un trophée mondialement connu et puis aujourd'hui nous sommes, deux ans après. On n'est pas sorti de la crise. Donc moi, je dis Ouaga, c'est bien. Ouaga fait référence à tous les accords précédents, c'est bien. Et tout le monde soutient cet accord, c'est bien. Mais il faut qu'on en sorte. Quand on dit, nous avançons mais qu'il faut signer encore des accords complémentaires, ça veut dire quoi ? Dire qu'on n'est pas prêt à appliquer ce qu'on a signé pour pouvoir sortir de la crise c'est très inquiétant.
L'opposition est accusée puisque vous ne jouez pas votre rôle d'opposant en organisant des marches.
L'opposition joue son rôle, l'opposition dénonce, le RHDP fait des déclarations pour dénoncer les mauvais comportements, mais est-ce que ça change quelque chose ? C'est une question de conscience. On attire l'attention. Si eux-mêmes qui sont chargés de mettre de l'ordre n'ont pas cette conscience-là, vraiment, ce n'est pas bon, il faut qu'on arrête, qu'on ouvre les yeux là-dessus. Ce n'est pas l'opposition qui gouverne. Il y a un gouvernement. On nous dit que c'est un gouvernement de large ouverture donc tout le monde est dedans, personne n'est responsable. Mais ça, c'est des affirmations graves. On nous a dit aussi dans ce pays, je suis à la barre et j'ai le bic, donc ça veut dire, c'est moi qui décide. Et je suis d'accord, c'est le Président de la République, le chef de l'Etat qui décide. Ce n'est pas quand c'est bon seulement qu'il doit dire que c'est lui qui décide. Quand ce n'est pas bon aussi, il faut qu'il assume ses responsabilités. Or, on a l'impression que personne n'est responsable de quoi que ce soit. Nous sommes quand même dans un pays !
Vous avez été responsable à divers niveaux aux ministères de l’Economie et des finances. Comment expliquez-vous au plan économique, la chute de ce pays ?
C’est un calcul très simple. Bien entendu, ce calcul doit se décliner en terme de subventions aux collectivités territoriales décentralisées dans le cadre des transfert de compétences et des moyens à ces collectivités. J'ai assumé beaucoup de responsabilités. Je sais un peu ce qui se passe au plan économique et financier. J'étais à Londres dans le cadre de CREA-PDCI où j'animais une conférence des Ivoiriens là-bas. J'ai fait une petite démonstration. J'ai dit ceci : Voilà un pays qui a 2000 milliards de budget, qui ne payait pas sa dette jusqu'à l'année 2008, qui paie 632 milliards pour les salaires des fonctionnaires. Donc après cela, la différence sert à quoi ?
Prenons, ne serait-ce que 500 milliards, ça vous fait bitumer 250km de route par an. Pour 5 ans, vous avez bitumé 10.000km de route. Tout le réseau routier de Côte d'Ivoire. Vous mettez 500 milliards dans l'enseignement. Vous mettez 500 milliards dans le social et le sport, etc. Le calcul est très simple. Le pays sera en chantier. On nous dit qu'on paye les fonctionnaires, malgré la crise, mais un gouvernement ne vient pas pour payer les fonctionnaires uniquement. Ce n'est pas cela son objectif. Son objectif principal c'est de développer le pays. Vous payez les fonctionnaires et puis il n'y plus de route. Abidjan, on ne ramasse plus les ordures. C'est scandaleux ! Je disais que tous les secteurs sont atteints. Vous voyez même que l'environnement est pollué. Cerise sur le gâteau, on nous a envoyé des déchets toxiques pour polluer encore plus.
L'économie, vous le dites, est sinistrée. Qu'est-ce qui a causé cela ?
Qu'on nous dise, quand on a fini de payer les fonctionnaires, on a fait quoi d'autres ? C'est vrai, il faut le reconnaître depuis 2008, sous la pression des bailleurs de fonds, l'Etat a commencé par payer ses dettes. Mais bien avant, on ne payait pas la dette. Et le budget continuait de monter. C'était pour eux encore un trophée, on a 2000 milliards de budget. Mais entre-temps, qu'est-ce qu'on a fait avec ? On devrait prévoir les routes bitumées, les écoles réhabilitées, les dispensaires construits comme le Président Bédié qui a fait ses projets de dispensaires à chaque 10 ou 15 kms. Après lui, il n'y a plus de dispensaires qui aient été construits en Côte d'Ivoire. En tout cas, pas à ma connaissance. Donc dire à quoi a servi le budget. Et puis encore, c'est sur une petite partie du territoire. Cette petite partie devrait être l'Eldorado aujourd'hui. Vous avez un budget sur une petite partie du territoire et celle-ci devient plus sinistrée que jamais. Et puis la guerre, la guerre, mais c'est un des éléments du bilan du FPI. Pourquoi il y a eu la guerre ? Au temps du PDCI-RDA, il n'y a pas eu de guerre.
Blé Goudé, le leader des jeunes patriotes, affirme qu'on ne doit pas juger le FPI à partir de la date où il y a eu la guerre.
Mais on doit le juger à partir de quelle date ?
De 2000 à 2002
Mais pourquoi ? N’a-t-il rendu démission ? Moi, je vois qu'il est toujours président, chef de l'Etat. Les accords disent chef de l'Etat, il dit non. Lui, il est Président de la République. C'est lui qui continue de signer les décrets et autres ordonnances. L'Assemblée nationale elle-même n'existe plus. Mais pourquoi doit-on le juger de 2000 à 2002 ? Et tout ce temps, il gouvernait le pays. C'est ce qu'il fait. Ce sont des arguments qui ne tiennent pas. Les Ivoiriens ne sont pas idiots. Ils savent qu'il est le chef. Quand c'est bon, on le félicite, quand ce n'est pas bon, on lui dit que ce n'est pas bon. Il doit assumer. On a l'impression que nos amis, les refondateurs, ne sont responsables de rien du tout. Quand on est responsable de rien, on ne gouverne pas.
La Côte d'Ivoire se bat pour être éligible au PPTE. Quelle est votre réaction ?
Ma réaction est qu'on lutte pour être pauvre. On lutte pour être parmi les plus pauvres.
C'est pour bénéficier de l'allègement de la dette ?
Oui, mais l'allègement de notre dette, on en était déjà sorti pour faire un peu d'histoire. S'il n'y avait pas eu ce stupide coup d'Etat, (on ne cessera jamais d'en parler), à dix mois des élections, on en serait sorti depuis mars 2001. Et puis aujourd'hui, la Côte d'Ivoire se classerait parmi les pays émergents. Alors, c'est maintenant dix ans après qu'on lutte pour avoir l'étape de la décision et il faut attendre 2 ou 3 ans pour avoir les retombées. Ce n'est pas immédiat. C'est un programme qui est négocié. Vous savez, après le coup d'Etat, les gens ont dansé. On pensait qu'on faisait du mal à un individu. C'était le tournant, c'était la condamnation de la Côte d'Ivoire.
Membre du comité exécutif de la FIF, d'après vous, pourquoi le football ivoirien ne marche pas ?
Poser la question de cette manière, c'est un raccourci que vous empruntez. En effet, il n'est pas exact d'affirmer que le football ivoirien ne marche pas. Car, pour la 1ère fois, en 2006, la Côte d'Ivoire a participé à une coupe du monde en Allemagne. Ce n'est pas rien ! De même, il faut noter que la Côte d'Ivoire a été finaliste de la coupe d'Afrique des Nations en Egypte, contre le pays organisateur en 2006 ! Cependant, il faut reconnaître que malgré ces résultats flatteurs et encourageants, c'est toujours avec regret que nous quittons ces compétitions. Car, avant ces compétitions nous sommes toujours classés parmi les favoris eu égard à la qualité des joueurs que nous avons.
Aujourd'hui, en Côte d'Ivoire, nous sommes face à un véritable paradoxe. En effet, voilà un pays qui a une fédération qui est dirigée par un président (Jacques Anouma) qui travaille de façon professionnelle, assisté par des hommes de qualité. De même, la Côte d'Ivoire possède des joueurs de renommée mondiale. Et pourtant, les résultats sont toujours en demi-teinte. A cela, je voix deux causes principales. La 1ère cause, c'est que le championnat local n'est plus compétitif parce qu'il n'y a plus de grands joueurs au plan local. Dès qu'un joueur émerge, il est immédiatement transféré en Europe ou ailleurs (souvent sous la poussée des parents). C'est toujours un perpétuel recommencement. La seconde cause, à mon avis, c'est que les joueurs expatriés ne se donnent pas trop en équipe nationale comme ils le font dans leurs clubs en Europe pour des raisons que vous imaginez aisément. A cette allure, nous aurons toujours des regrets après les compétitions. C'est pourquoi, il faut mettre un accent sur le championnat national pour avoir une élite de joueurs compétitifs. Encore, faut-il, pouvoir les retenir sur place. C'est une autre paire de manche.
Interview réalisée par Eddy PEHE
et Joël ABALO