Quatre sorties inquiétantes en moins d'une semaine. Les vieux démons de l'intransigeance des Forces nouvelles (FN) face aux "attaques inadmissibles" du camp présidentiel sont de retour. Tout laisse comprendre que quelque chose se prépare du côté de Bouaké. Tout a commencé le vendredi dernier. Dans un communiqué au vitriol signé d’Alain Lobognon "directeur de la Communication (des FN), chef de la délégation des FN au CEA (Comité d'évaluation et d'appui à l'accord de Ouagadougou)" en date du 10 avril 2009, les Forces nouvelles "jugeant très graves les accusations portées à sa "une" par le quotidien gouvernemental Fraternité Matin, ont décidé d'ester en justice celui-ci pour diffusion de fausses informations, qui risquent de nuire au processus de sortie de crise". Le fait paraît banal tant et si bien que le Directeur général de Frat Mat, Jean-Baptiste Akrou, moque cette sortie. Les FN n'ont pas l'air de s'amuser et saisissent en effet le ministre de la Communication dans une protestation bien vigoureuse. La sortie, telle que l'ignore le patron de Frat Mat, est loin d'être anodine et fortuite. Puisque avant-hier, 14 avril, à l'issue d'un conclave exclusif tenu au quartier général des FN à Bouaké, les délégués FN sortent une déclaration, elle aussi exclusive qui enjoint Guillaume Soro, le Secrétaire général des FN, de démissionner de son poste de Premier ministre. La déclaration conclut sur un appel insistant aux allures guerrières invitant ce dernier à rentrer sur "Bouaké pour se mettre à l'avant-garde de la lutte du peuple ivoirien pour l'amélioration de son vécu". Les délégués FN dénoncent entre autres faits, "les attaques irresponsables faites (contre la personne du) premier responsable des Forces nouvelles, le Premier ministre Guillaume Soro". Hier, les Forces nouvelles ont franchi une autre étape dans leur stratégie de prise à témoin de l'opinion. Félicien Sékongo, conseiller spécial de Guillaume Soro, organise précipitamment un point de presse, à Bouaké, toujours au quartier général et désavoue publiquement Sindou Méité, le porte-parole du Premier ministre qui a laissé entendre que la démission de son patron de la primature n'était pas à l'ordre du jour. "Les propos de M. Méité n'engagent que sa personne et sa fonction de porte-parole du Premier ministre. Il n'est pas un membre du directoire politique des Forces nouvelles". Dans la même journée d'hier, dans un communiqué de presse, Alain Lobognon, rival (soit relevé en passant) de Sindou Méité dans le cabinet du Premier ministre, sonne la charge et ouvre de grandes brèches sur l'intention des FN. Le texte est expressément laconique qui augure de la gravité de la situation. Les termes sont précieusement choisis. Le terme "attaques inadmissibles" revient et sans grande surprise, il est évoqué l'appel de la veille " bien noté par le Secrétaire général, le Premier ministre Guillaume Soro "des délégués FN, du reste banalisé par les chancelleries dans la capitale économique. Le texte révèle que les branches politique et militaire des FN" se concerteront le lundi 20 avril 2009 à Bouaké pour arrêter des "décisions courageuses et historiques". Chez les FN, rien n'est fait au hasard. Et cette stratégie de communication qui consiste à libérer des intentions par doses homéopathiques, laisse présager que Guillaume Soro veut bien marquer sa volonté d'aller de l'avant, de booster le processus de sortie de crise avant que la crise qu'il a contribué à créer ne vole pas totalement sa jeunesse (sic). Le lundi prochain, l'on saura si le patron des FN décide de rendre le tablier de la primature pour endosser le treillis de la reprise des hostilités ou s'il décide de continuer de respecter ses engagements, comme le demande dans des mots non voilés, le quai d'Orsay.
André Silver Konan
André Silver Konan