Derrière son titre «Vous êtes bien de ce pays? Un conte fou», se cache une histoire quelque peu délurée mais ô combien introspective, dépassant les maximes du conte traditionnel pour épouser la pertinence psychologique et sociologique du conte philosophique du XVIIIe siècle, cher à Voltaire.
Oui, sous la plume du professeur de sociologie à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville (Congo), Matondo Kubu Turé, le lecteur est entraîné, tel un acteur du champ actanciel de l’ouvrage, dans une aventure dramatique, tragique même, d’un brillant psychiatre, visiblement sans histoire, mais ostracisé pour son prétendu activisme politique. Tel qu’il en foisonne sous nos tropiques. Pour une fiction, l’on se croirait bien dans un réel pays quelconque du continent africain, pour ne pas citer le Congo, à l’époque de la guerre du milieu des années 1990.Tant les ressemblances et similitudes avec des lieux, personnages et faits historiques sont flagrantes. A peine ne reconnaît-on pas les «ninjas», les «mayemayes» et autres «cobras», s’entretuant au nom des Sassou, Lissouba, Kolelas…
Toutefois, au cœur de la trame romanesque, surgissent sous leurs traits psychologiques contrastés, en apparence, deux personnages qui en disent long sur les drames mentaux que vivent beaucoup de citoyens affectés par les crises fratricides. Au point, à un certain moment, de se poser et poser la question fondamentale sous diverses déclinaisons: « De quel pays es-tu ? As-tu un pays ? Mais à qui était donc ce pays ?». En effet, le docteur Ma, notre brillant thérapeute, entretient une relation subtile, quasi-intime, avec une de ses patientes. Une «folle» venue de nulle part comme une sorte de «surconscience» dans un réalisme temporel dépassant les contingences médiates. Au-delà de cette union étrange qui apparaît burlesque pour les uns et rompant l’axiologie de l’ordre moral et la déontologie médicale, Turé nous plonge par sa plume acérée et incisive, mêlée toutefois d’une poésie chantante, dans un univers absurde d’intrigues juridico-policières, politico-politiciennes et tribalo-tribalistes, où trônent en maîtres inquisitions et arbitraires. Le tout, agrémenté d’un cocktail sociétal et ontologique qui met à nu l’incapacité des politiques africains de lutter contre la pauvreté endémique de leurs concitoyens. En clair, pour l’écrivain, «Vous êtes bien de ce pays ?», n’est plus une question mais une affirmation qu’il soumet à votre conscience sociale critique, pour savoir si vous vous accommodez de ce «Syndrome économico-mental en expansion dans une République sans foi républicaine, parodie d’Etat grossier obnubilée par l’art de «se fabriquer» des «ennemis» et qui broie par le sang la moindre velléité de différence, réelle ou supposée». Finalement, plus qu’ «Un conte fou», l’on est dans ce livre, bien ancré dans une histoire de fous. A méditer pour ne pas faire sombrer nos démocraties fragiles dans le chaos par l’obscurantisme d’idéologies vides, de relents tribalistes et sectaires. En remettant au centre des préoccupations de l’Etat, le plein épanouissement du citoyen. Né en 1953, Matondo Kubu Turé a été nourri à l’art dramatique, parallèlement à ses études en sciences sociales en France à la fin des années 1970. Lauréat, dès 1981, du Prix national de théâtre de retour dans son Congo natal, il est une figure très active dans le microcosme culturel de son pays. Ouaille de U Tamsi et de Bilombo-Samba, il est le continuateur d’une écriture en français s’appropriant la langue de Molière en lui insufflant une connotation africaine, pour une performance du message.
Rémi Coulibaly
L’Harmattan, Collection Encres noires, 2009, 218P
Oui, sous la plume du professeur de sociologie à l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville (Congo), Matondo Kubu Turé, le lecteur est entraîné, tel un acteur du champ actanciel de l’ouvrage, dans une aventure dramatique, tragique même, d’un brillant psychiatre, visiblement sans histoire, mais ostracisé pour son prétendu activisme politique. Tel qu’il en foisonne sous nos tropiques. Pour une fiction, l’on se croirait bien dans un réel pays quelconque du continent africain, pour ne pas citer le Congo, à l’époque de la guerre du milieu des années 1990.Tant les ressemblances et similitudes avec des lieux, personnages et faits historiques sont flagrantes. A peine ne reconnaît-on pas les «ninjas», les «mayemayes» et autres «cobras», s’entretuant au nom des Sassou, Lissouba, Kolelas…
Toutefois, au cœur de la trame romanesque, surgissent sous leurs traits psychologiques contrastés, en apparence, deux personnages qui en disent long sur les drames mentaux que vivent beaucoup de citoyens affectés par les crises fratricides. Au point, à un certain moment, de se poser et poser la question fondamentale sous diverses déclinaisons: « De quel pays es-tu ? As-tu un pays ? Mais à qui était donc ce pays ?». En effet, le docteur Ma, notre brillant thérapeute, entretient une relation subtile, quasi-intime, avec une de ses patientes. Une «folle» venue de nulle part comme une sorte de «surconscience» dans un réalisme temporel dépassant les contingences médiates. Au-delà de cette union étrange qui apparaît burlesque pour les uns et rompant l’axiologie de l’ordre moral et la déontologie médicale, Turé nous plonge par sa plume acérée et incisive, mêlée toutefois d’une poésie chantante, dans un univers absurde d’intrigues juridico-policières, politico-politiciennes et tribalo-tribalistes, où trônent en maîtres inquisitions et arbitraires. Le tout, agrémenté d’un cocktail sociétal et ontologique qui met à nu l’incapacité des politiques africains de lutter contre la pauvreté endémique de leurs concitoyens. En clair, pour l’écrivain, «Vous êtes bien de ce pays ?», n’est plus une question mais une affirmation qu’il soumet à votre conscience sociale critique, pour savoir si vous vous accommodez de ce «Syndrome économico-mental en expansion dans une République sans foi républicaine, parodie d’Etat grossier obnubilée par l’art de «se fabriquer» des «ennemis» et qui broie par le sang la moindre velléité de différence, réelle ou supposée». Finalement, plus qu’ «Un conte fou», l’on est dans ce livre, bien ancré dans une histoire de fous. A méditer pour ne pas faire sombrer nos démocraties fragiles dans le chaos par l’obscurantisme d’idéologies vides, de relents tribalistes et sectaires. En remettant au centre des préoccupations de l’Etat, le plein épanouissement du citoyen. Né en 1953, Matondo Kubu Turé a été nourri à l’art dramatique, parallèlement à ses études en sciences sociales en France à la fin des années 1970. Lauréat, dès 1981, du Prix national de théâtre de retour dans son Congo natal, il est une figure très active dans le microcosme culturel de son pays. Ouaille de U Tamsi et de Bilombo-Samba, il est le continuateur d’une écriture en français s’appropriant la langue de Molière en lui insufflant une connotation africaine, pour une performance du message.
Rémi Coulibaly
L’Harmattan, Collection Encres noires, 2009, 218P
