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Société Publié le mardi 21 juillet 2009 | Nord-Sud

Pré-collecte des ordures ménagères : Ces jeunes qui vivent des ordures

La pré-collecte des ordures ménagères est une activité qui connaît un réel regain d’intérêt auprès de la jeunesse. Celle-ci veut, à travers cette activité, briser l’idée selon laquelle le jeune ivoirien ne peut pas se prendre en charge. Reportage.

Deux fois par semaine, Guei Prosper, muni de sa charrette, accompagné de son frère cadet et de son chien, parcourt le quartier de Niangon Sud à gauche, terminus du bus 27. Ils quittent très tôt le quartier précaire, situé à la périphérie des habitations modernes, baptisé « Kpingli », pour aller chercher fortune dans les secteurs huppés comme « Coprim » ou « Rue des trois immeubles ». Ils vont s’acquitter de leurs obligations auprès de leur clientèle : la pré-collecte des ordures ménagères dans les différents foyers, pour les acheminer vers les bacs à ordures, situés sur la voie qui mène au village d’Azito. Cette activité, Guei Prosper la mène depuis plus de six années, lors?qu’il a décidé de mettre un terme à ses études secondaires. « Après mes échecs répétés au Bepc, j’ai décidé de quitter ma ville natale de Guiglo pour venir m’installer à Abidjan. Au début, je vivais chez mon oncle mais, compte tenu du fait que nous étions nombreux dans la maison, celui-ci nous a dit que chacun devait se prendre en charge. C’est ainsi que j’ai décidé de m’engager dans cette activité alors qu’elle n’avait pas encore connu l’essor qu’elle a aujourd’hui. Je peux même avancer que je suis l’un des précurseurs de cette activité dans ce quartier », note-t-il. Comme Prosper, K. Edouard est également pré-collecteur d’ordures auprès de certains ménages. Il officie dans le secteur de la cité « Académie ». Dans son quartier, il ne passe pas inaperçu. Il a reçu le surnom de « docteur des ordures » tant il est disposé à débarrasser les habitations des immondices et autres odeurs pestilentielles. Il explique avoir gagné l’estime de sa clientèle par sa bonne humeur et sa régularité dans le service. « Je passe dans chaque concession, deux ou trois fois toutes les semaines. Je m’occupe de toute la cité Caistab. J’ai un emploi du temps qui me permet d’être opérationnel. Et j’ai même engagé une autre équipe qui travaille dans les cités situées dans les environs de l’Institut des sciences et techniques de la mer », se réjouit-il avec un brin de fierté.


Une activité qui nourrit son homme

Le ramassage d’ordures est une activité qui nourrit incontestablement son homme. Les pré-collecteurs proposent leurs services aux clients moyennant un abonnement forfaitaire de 1.000 Fcfa par ménage. « Aujourd’hui, je propose mes services à plus de 40 maisons. Ce qui me fait un salaire mensuel de 40.000 Fcfa. Avec cette somme, je peux m’occuper, en toute quiétude, de ma petite famille. J’arrive à payer mon loyer et à scolariser mes deux enfants », lance fièrement Prosper. Cet avis est partagé par K .Edouard. « Bien avant que je ne m’engage dans cette activité, fait-il remarquer, ce n’était pas la grande considération à la maison. J’étais souvent victime de raillerie et de moquerie de la part de mes cousins qui allaient à l’école parce que j’avais arrêté les cours et j’étais oisif et sans qualification. Mais aujourd’hui, cette activité m’a permis de réhabiliter mon image ». « Au début, lorsque je me suis engagé dans la pré-collecte des ordures, c’était un peu difficile parce que, certains clients ne me payaient pas de façon régulière, mais maintenant, avec l’absence totale des agents de la mairie dans le ramassage des ordures auprès des ménages, ceux-ci ont compris que j’abattais un travail énorme qui mérite qu’on me paie à la hauteur de ma tâche », note-t-il. Et d’ajouter : « Mon gain peut osciller entre 50.000 et 70.000 Fcfa quand je déduis mes charges. Et vu que j’ai ouvert une seconde unité qui exploite toute la cité qui jouxte l’Académie régionales des sciences et techniques de la mer, je ne peux pas me plaindre ».

La question du ramassage des ordures ménagères est un véritable casse-tête pour les populations de Yopougon-Niangon. Tant les services techniques de la mairie, habilités à faire la pré-collecte auprès des ménages, sont quasi inexistants pour ne pas dire totalement absents. Les populations, désabusées et désemparées, sont bien obligées de s’en remettre aux jeunes précollecteurs pour le ramassage de leurs ordures. Cette initiative des jeunes leur permet, bien évidemment, d’éviter l’amoncellement des déchets domestiques avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences. Mme Lingalé F, ne cache pas sa satisfaction devant le service rendu par ces jeunes. « Nous produisons assez de déchets, qui ne peuvent pas être évacués du fait de l’absence quasi totale des services de la mairie. Les ordures s’entassent dans nos maisons et les mauvaises odeurs nous rendent malades. Mais, maintenant, avec l’avènement des précollecteurs nous nous sentons soulagés car ceux-ci passent régulièrement pour évacuer les déchets », se réjouit-elle. Même son de cloche pour Mme O. Paule, dont la fille est tombée gravement malade à causes des odeurs des déchets. « On ne pouvait pas tenir plus longtemps que ça. Ma fille aînée a été victime d’un malaise récemment. Et lorsque nous nous sommes rendus à l’hôpital, les médecins ont diagnostiqué une fièvre typhoïde naissante. Cela m’a fait prendre conscience du danger et donc je n’ai pas hésité une seule seconde à adhérer au projet présenté par les jeunes », affirme Mme O. Paule. Avant d’ajouter avec un sourire radieux : « Maintenant on vit dans un environnement sain ».


Des étudiants s’y mettent

Bien qu’étant une activité exercée dans la grande majorité des cas par des personnes déscolarisées, il n’est pas rare de retrouver derrière une charrette, remplie d’immondices, des jeunes étudiants à la recherche d’argent pendant ces périodes de vaches maigres. A. Guy, étudiant en 2 ème année de philosophie, à l’université de Cocody, fait partie de ces jeunes, qui, une fois les vacances arrivées, délaissent cahiers et livres pour se consacrer à la gestion des ordures ménagères. Ne dit-on pas que l’argent n’a pas d’odeur ? A. Guy semble avoir fait de cet adage, un principe de vie. Chaque matin, il se munit de sa charrette pour partir à la collecte des ordures en compagnie de son frère cadet. C’est son aîné qui est le propriétaire de cette activité qui lui a été cedée pour les vacances. A. Guy, à peine la vingtaine entamée, le corps frêle et les biceps très peu imposants, ploie sous la charge d’immondices entassées dans la charrette. Ce travail herculéen ne semble pas le décourager, car comme il le dit, à chaque activité ses exigences. Et le plus important pour lui n’est pas la force physique qu’il déploie mais plutôt l’intérêt financier qui en résulte. « Le plus important pour moi est de mettre mes vacances à profit afin de pouvoir gagner de l’argent pour faire face à la rentrée prochaine dans de meilleures conditions. Face à la difficulté d’obtention d’emploi j’ai décidé d’aider mon frère dans cette activité », assure-t-il. Cette activité a créé une inspiration au sein de la communauté estudiantine. Pour preuve à la cité Laurier de Niangon, ce sont des jeunes étudiants qui se sont regroupés en association pour collecter les ordures auprès des ménages de leur cité. Leur président, K. Boniface, soutient que les jeunes qui habitent la cité, pour la plupart des étudiants, ont senti le besoin de mettre sur pied cette association qui s’occupe de l’évacuation quotidienne des ordures et empêcher par la même occasion que des jeunes issus des quartiers environnants ne viennent commettre des actions délictueuses. « Nous avons mis sur pied cette association pour d’abord nous prendre en charge sur le plan financier. Les parents nous versent une rétribution financière qui s’élève à 1.000 Fcfa par concession après chaque passage de nos équipes. Et dans le mois nous pouvons passer 6 à 7 fois dans une cinquantaine de cour, ce qui nous permet d’avoir 50.000 Fcfa chaque mois. De plus cela nous permet de lutter contre la criminalité», argumente-t-il.


Jobs de vacances pour tous

Cette activité, à coup sûr, intéresse bien des personnes (Enfants, jeunes et parfois même adultes). Pour ces vacances scolaires qui viennent à peine de commencer, le nombre de pré-collecteurs a été multiplié par deux voire trois. C’est une campagne marketing très agressive à laquelle se livrent les différents acteurs de ce secteur. Koné Ismaël, 19 ans, en classe de 1 ère, et son frè?re, Koné Youssouf, en classe de Cm1, sont à la recherche de marché potentiel. Ils n’hésitent pas, en plus des contrats, à solliciter les vendeuses d’alloco et d’attiéké et autres tenancières de maquis du quartier. « Nous proposons nos services aux vendeuses de nourriture pour l’évacuation des ordures qu’elles produisent et en retour, nous percevons une somme de 50 ou 100 Fcfa par passage », révèle Ismaël. L’argent recueilli permettra assurément de voir venir la rentrée scolaire prochaine en toute sérénité, se convainc Koné Youssouf.
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