Contrairement à la critique qui a, depuis son retour en Côte d’Ivoire pour diriger le palais de la Culture, annoncé sa « mort » culturelle, l’acteur Sidiki Bakaba – dans un regard vers le passé – se réjouit d’y avoir plus eu le temps de créer qu’il ne l’a fait en 30 ans de carrière. Sa réponse, cette image de sa carrière est une « forme d’ingratitude à sa personne ». Le regret qu’il exprime suite à quatre propositions de tournages, c’est de «n’avoir réalisé le dernier film avec Sembène Ousmane». Revenu dans la nuit du vendredi 17 juillet d’Alger où il était invité d’honneur – au même titre que Bernard B. Dadié – au Festival panafricain d’Alger (Panaf 2009), Sidiki Bakaba a fait part, hier mardi au palais de la Culture – salle Adiaffi, de l’honneur qui lui [leur] a été fait, quarante ans après sa [leur] participation à la première édition de 69 avec la pièce de théâtre « Monsieur Togognini » signée Bernard Dadié. Ce qui le distingue, au-delà des œuvres sur le plan artistique et culturel, son « engagement et son courage ». « La victoire aux mains nues, j’ai tout vu », est, a-t-il témoigné, la phrase – titre de son documentaire réalisé en 2004 – en dessous de sa photo désormais dans le hall du Théâtre national à Alger. « Je suis content d’avoir vu ce qui s’est passé en 2004 », a-t-il commenté. Ceux qu’il qualifie de monuments Wolé Soyinka et Bernard Dadié, Ousmane Diakaté, y trouvent place. « L’Algérie m’a honoré. Je peux avoir la place que je mérite (…) C’est une chance d’être un homme aujourd’hui, où le monde se construit, d’avoir une morphologie qui passe partout », admet-il. Si le « symbole » que représente le prix nommé du « Festival du théâtre d’Alger » est, pour lui, « grand », l’acteur enchaîné dans la pièce de Bernard Dadié qu’il jouait en 69 a [eu] le « sentiment », au moment de la distinction, d’avoir « eu le temps de casser les mêmes chaînes ». « Ma décolonisation personnelle est partie d’Alger, qui a tout déclenché. En 1969, pour nous – venant de la Côte d’Ivoire –, le mot révolution était un monstre », a-t-il traduit le sens qu’il accorde au festival au caractère panafricain. A Alger, contrairement aux autres pays, Sidiki Bakaba a déploré l’absence, non seulement de la presse ivoirienne, mais du ministre de la Culture et de la Francophonie et de l’Ambassadeur en Algérie de la Côte d’Ivoire. Cependant, à côté de la joie manifestée, Sidiki ne cache pas son amertume quand il relève «les erreurs de 40 ans : guerres fratricides et méconnaissance de nous-mêmes». Si dans le cas, principalement, de la Côte d’Ivoire, il conseille «une révolution culturelle», Sidiki dénonce. Avoir 0,1% du budget qui soit alloué à la culture dans un Etat d’est, selon lui, privilégier le « divertissement ». « Autant dire qu’il n’y a pas de culture », dit-il et de constater les « grands discours ». « Il y a eu trop de colloques, trop de théoriciens à qui on paie des hôtels. Tous les discours des ministères qui depuis 40 ans sont dépassés », souligne-t-il. Quel enseignement tire l’acteur et metteur en scène Sidiki des spectacles lors du Panaf 2009 ? « La qualité des spectacles dans le sub-sahara est en dessous de la moyenne. Le niveau, quarante ans après, est en dessous. Celui de la Côte d’Ivoire est un peu au-dessus », a-t-il commenté tout en reconnaissant les efforts du Burkina Faso vers « l’excellence » quand en Côte d’Ivoire « il y a comme une peur d’aller vers ». La clé de la réussite est la « formation ». « Sans la formation, un acteur face à un récit n’a pas d’âme », fait-il savoir. Par ailleurs si, admet-il, la formation se fait depuis les années 60, la question est de pouvoir « l’orienter ». Côté scènes, l’invité d’honneur au Panaf 2009 Sidiki Bakaba fait remarquer que « Ile de tempête » de Bernard Dadié joué par les comédiens de l’ActorStudio – du palais de la Culture –, dans le même esprit que les représentations théâtrales de Lumumba, Behanzin et Soundjata méritait de l’opportunité d’être à la deuxième édition du Festival panafricain d’Alger. Néanmoins, les dispositions, souligne-t-il, sont prises pour le rendez-vous, au Sénégal, lors du Festival mondial des arts nègres (Fesman).
Koné Saydoo
Koné Saydoo