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Société Publié le samedi 19 septembre 2009 | Nord-Sud

Fistule : Le calvaire des femmes désespérées

La fistule obstétricale est une maladie qui fait rage dans la région des Montagnes. Plusieurs femmes victimes de cette maladie, qui se manifeste par l’écoulement continu et incontrôlé des urines par voie vaginale, sont rejetées par leurs parents et époux.

La méconnaissance de la cause réelle de la fistule obstétricale amène des personnes à traiter les victimes de sorcières. C’est le cas de dame Banassi Diomandé, native de Kouibly qui, après avoir été forcée à se marier à l’âge de 15 ans, est tombée enceinte et a accouché par césarienne. « A la suite d’un travail long qui a duré 4 jours à Kouibly, j’ai subi une intervention chirurgicale (une césarienne) à Man, pour mettre mon enfant au monde. Après l’opération, j’ai commencé à avoir des écoulements d’urine, c’est ainsi que j’ai contracté cette sale maladie », témoigne Banassi Diomandé. Elle se sent seule depuis qu’elle a contracté cette maladie. Son époux s’est volatilisé, quant à ses parents, ils la traitent de sorcière. «Pour eux, c’est parce que j’ai mangé la chaire humaine que j’ai eu cette maladie. Mon propre grand-frère a remis la somme de 20.000 Fcfa à un infirmier en lui demandant de me faire une injection pour me précipiter dans la tombe. Ce que ma mère a refusé, étant donné que je suis sa fille unique», relate-t-elle, visiblement très abattue par l’attitude de ses parents. Elle garde encore un souvenir amer de ce moment. Cette femme a été torturée pendant son accouchement. « Des femmes ont pris des morceaux de bois pour me taper le ventre pour que je puisse accoucher », révèle-t-elle, la voix tremblotante. Cette dame rejetée n’est pas seule dans ce cas. Mme Keïta M., native du département de Danané, fait partie également des opprimées malades de la fistule. Elle s’est vue rejeter par son époux après avoir contracté cette maladie. Cette jeune mère âgée de 16 ans, a été opérée à deux reprises. Malheureusement, ces différentes interventions chirurgicales n’ont pas eu l’effet escompté, puisqu’elles se sont soldées par un échec. Keïta M. vit désormais, avec des séquelles dans la cours de l’hôpital depuis plus d’un an. Une tente aménagée à travers le projet fistule du Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa, sigle en anglais) et de Médecins sans frontière sert de lieu d’accueil à Mme Kéïta mais aussi, à une soixantaine de femmes victimes de ce mal pernicieux. 30 d’entre elles (la moitié) sont des cas désespérés, d’autant qu’elles ont subi plus de 3 opérations sans obtenir le moindre résultat positif.

Des jeunes mères traumatisées

Elles sont confrontées à un écoulement permanent et incontrôlé des urines par voie vaginale. Mlle N’Goran, âgée de 15 ans, souffre aussi de cette maladie «honteuse». Elle vient de Dimbokro, où elle a contracté la maladie à la suite d’un accouchement par césarienne. Abandonnée par son concubin, elle est prise en charge par le projet fistule de l’Unfpa. Mais à la différence des autres cas cités plus haut, elle a eu plus de chance. Ses parents ne l’ont pas abandonné. Ce qui n’est pas le cas de nombreuses femmes qui sont au Chr de Man.
Si elles bénéficient d’une prise en charge médicale entièrement financée par l’Unfpa en collaboration avec le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, cela n’est par le cas au plan nutritionnel. Livrées à elles-mêmes, ces femmes ne cèdent pas au découragement. Elles mènent des activités génératrices de revenus, telles que la vente de charbon, la vaisselle dans les restaurants, travailler dans les carrières en cassant des roches, la vente du fagot. Bref, des travaux difficiles pour leur survie. Cette situation amène la directrice du complexe socio-éducatif, Mme Nanga Marie Louise, à appeler des personnes de bonne volonté au secours de ces femmes abandonnées. Elle a même adressé un courrier au Programme alimentaire mondial (Pam) pour solliciter une aide alimentaire, mais en vain. Néanmoins, quelques personnes de bonne volonté réagissent. C’est le cas du président du conseil général de Man qui a récemment offert des vivres pour ces femmes porteuses de fistule. Nanga Marie Louise estime que ces malades ont besoin d’une aide pour leur retour dans leur foyer respectif, leur réintégration sociale et leur prise en charge nutritionnelle. « Des femmes guérissent de cette maladie. Mais, elles ont des difficultés pour rejoindre parents et époux. D’autres préfèrent rester à l’hôpital parce que bannies par leurs parents», regrette le directeur de l’hôpital de Man, le Dr Guillaume Kouassi. D’où le recours au centre social pour une prise en charge psychosociale. Plus de 80 femmes sont actuellement dans cette situation à Man. Face à l’ampleur du mal, l’Unfpa, après le départ de Médecins sans frontière, a décidé de la prise en charge médicale de ces femmes. C’est ainsi que de 2005 à 2008, plus de 400 porteuses de fistules ont été soignées et guéries au centre de prise en charge des fistules de Man, basé au Chr.
Cette prise en charge médicale se heurte souvent à la rupture du stock de médicaments. La fistule n’étant pas considérée comme une urgence, les patientes sont souvent soumises à une attente qui va par moment au-delà d’un mois. L’abandon des patientes par leurs parents rend difficile la prise en charge médicale. Face à ces difficultés, l’Unfpa et le ministère de la Santé ont décidé de passer à l’échelle supérieure dans le cadre du suivi des malades dont la plupart vivent en dessous du seuil de la pauvreté. L’institution onusienne a procédé dans un premier temps à la formation des médecins.

Le corps médical rassure

La région des Montagnes étant une zone très touchée par cette maladie déshonorante, l’Unfpa a procédé également à la formation de dix paires éducatrices à Danané. Selon le Dr Kouamé Bilé, coordonnateur national du projet fistule et chef d’antenne Unfpa de Korhogo, cette maladie veut dire « trou». C’est à la suite d’un accouchement difficile et compliqué, ayant causé une déchirure de la vessie ou orifice rectal que des urines vont s’écouler de façon involontaire par le vagin. On parle de fistule obstétricale quand les urines coulent à tous instants sans interruption. Pour le Dr Bilé, si cette maladie était causée par la sorcellerie, elle n’aurait pas trouvé sa solution à la médecine. «Cette formation vise à enseigner dix femmes ex-porteuses de fistule obstétricale -guéries dans les centres de fistules de Korhogo et de Man sur les causes de cette maladie, ses manifestations et ses conséquences. Afin qu’elles utilisent leur exemple pour emmener les populations à changer de mentalité, à fréquenter les centres de santé, à éviter les grossesses à risque et à les planifier, à adopter une hygiène alimentaire et vestimentaire saine pendant la grossesse », précise le coordonnateur. Pour le Dr Major Yao Emile du service Gynéco-Obstétrical du Chr de Man, les zones du pays les plus touchées par la maladie de la fistule obstétricale sont la région des Montagnes avec un taux plus élevé dans les départements de Danané, Zouhounien et Biankouma, la région du Bafing et le Denguelé. Des patientes viennent aussi des autres régions du pays et de la sous-région à savoir le Ghana, le Liberia, la Guinée, le Burkina Faso, le Mali et le Niger.


Dely Florent (Correspondant régional)
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