Youpiii ! Serait-on tenté de s’écrier, et pour cause. Après un parcours épique et surtout juste l’effort qu’il fallait, les Eléphants footballeurs se sont qualifiés, et pour tout. Non seulement ils seront à la CAN, mais aussi au Mondial. D’un côté ce sera pour la 16e fois et de l’autre, la seconde. Avec à leur tête un entraîneur chanceux et un capitaine vrai meneur de troupe, nos mastodontes ont fourni le résultat attendu. Facturé certes à coups de centaines de millions FCFA, celui-ci constituait néanmoins l’essentiel, et nous y sommes parvenus. A la faveur de l’euphorie collective, tous les retards financiers seront épongés, ainsi que plein d’autres faveurs seront faites à la pléthore de gens dont il s’agit mais ça, c’est pas important puisqu’ils ont fourni un résultat. Pour cette raison, on s’en fout de tout le reste, et c’est normal. Mission accomplie, et que tous les acteurs en soient félicités. Il y a de quoi, parce que ce pays aura deux belles occasion d’oublier ses problèmes et comment ! Pendant des mois, tout le monde vibrera au rythme de Didier Drogba et compagnie, et plus rien d’autre n’aura de l’importance. Donc, le peuple va décompresser, oublier, fantasmer et même espérer une historique victoire. Les épouses ne seront plus battues, quand bien même elles verront de moins en moins leurs hommes au lit. Les enfants ne seront plus malmenés… ni suffisamment contrôlés comme autre fois. Ils auront toute latitude de sécher les cours et révisions, le contrôle de leurs notes et leur assiduité aux cours désormais relégués dans les vestiaires. Bonjour les mauvais résultats et une relégation non moins évidente au redoublement ou au renvoi. Pendant que les Eléphants seront à l’œuvre, qui osera dire à ses collaborateurs de continuer le travail, au risque d’être traité d’antipatriote ? Aussi évident que cela est, tout sera bloqué partout, sauf sur les routes, où la tendance sera à la fluidité… comme dans les usines, les bureaux, les ateliers et malheureusement dans les écoles. Rebonjour alors les contre performances, les résultats bâclés, les réunions reportées et les épouses fâchées. Pour motif d’aller voir les matches entre copains, certains vicieux s’offriront de belles parties avec leurs concubines. Pour motif d’être concentrés sur les matches, les parents relâcheront dans les marquages strictes autrefois exercées sur les adolescents, qui n’en demanderont plus que de pouvoir s’offrir des compétitions au corps à corps sexuellement très risquées. Que dire des maquis-bar qui seront pris s’assaut même par des bambins, après chaque victoire des Eléphants. Beuveries, scènes de joie extrême menant parfois dans des hôtels de passe, puisque tout sera permis. Même les réparateurs d’électroménagers seront de la fête, qui réviseront les prix à la hausse, au dam de la pauvreté de leurs clients… heureusement surexcités par l’extase signée Drogba et compagnie, donc prêts à accepter tout excès. Au propre comme au figuré, et sans le vouloir, les Eléphants ont ouvert la porte des débordements. Quelle échappatoire ou quel argument, serait-on tenté de s’énerver. Au constat que malgré les efforts pour un retour à la normalité, le pays et ses habitants marcheront sur la tête. Mission accomplie certes, mais attention aux revers, plus dramatique que la défaite sportive. A mardi prochain, si Dieu le veut.
Sport Publié le jeudi 15 octobre 2009 | Nuit & Jour