Il n’y a plus d’idylle entre M. Laurent Gbagbo et les producteurs ivoiriens de café et cacao. Après 9 ans de pouvoir, ces derniers se sentent trahis par les promesses électoralistes et démagogiques du Chef de l’Etat. Dans l’interview qu’il nous a accordée, le Dr. Ervesso Mbro Hervé, président du syndicat agricole ivoirien fait des révélations sur l’assassinat de Guy André Kieffer, la détention des barons de la filière café-cacao, et bien d’autres sujets brûlants de l’actualité nationale.
Dr. Ervesso, pourquoi la rencontre entre le Procureur Kimou et les détenus de la filière café-cacao n’a-t-elle pas eu lieu ?
Selon les informations recueillies auprès de nos collègues, c’est le Chef de l’Etat en personne qui aurait demandé que l’audience soit suspendue jusqu’à nouvel ordre. Sinon, Kimou était prêt à leur accorder une liberté provisoire.
De qui détenez-vous ces informations ?
Je préfère taire les noms de nos informateurs au sein de l’appareil judiciaire et du Palais de la Présidence de la République.
Où en êtes-vous avec le procès d’Abuja ?
Nous avons retiré cette plainte parce que l’Etat de Côte d’Ivoire avait promis accorder une liberté provisoire aux détenus.
Récemment, nous avons assisté à une manifestation pacifique en face du palais de la justice. Quelle était la nature de ce rassemblement ?
Nous avons manifesté pour demander qu’une liberté provisoire soit accordée à nos collègues. Parce qu’on ne peut pas accepter sans procès de caserner les gens, alors que la loi dit que pour condamner une personne, il faut d’abord l’avoir entendue, la juger avant de la condamner.
Avez-vous été reçu par le procureur de la République ?
Non, nous n’avons pas été reçus par le procureur. Malheureusement, parmi les manifestants, il y a deux dames qui ont été grièvement blessées. Certaines femmes enceintes qui ont absorbé l’odeur des bombes lacrymogènes continuent de souffrir. Là aussi, nous exigeons que soient condamnés les auteurs de cette barbarie.
Quel est l’état de santé de vos amis ?
Parmi eux, il y a un qui a piqué une crise. Il est même interné. Et sa famille demande sa libération. Nous avons affaire à un Etat qui n’a pas d’amour pour sa population. Nous prenons l’opinion publique nationale et internationale à témoin.
De quoi parlez-vous, lorsque vous vous rencontrez ?
Les inculpés ne demandent qu’une seule chose. C’est leur liberté. Aujourd’hui, la Lidho est entrée dans la danse. Nos frères incarcérés ont des comptes bancaires qui sont bloqués, leurs maisons confisquées. Leurs familles ne savent plus à quel saint se vouer. C’est difficile. Nous demandons que l’Etat de Côte d’Ivoire revoie sa position.
Quelle est la nature du soutien que vous apportez à ces prisonniers?
Nous leur apportons des vivres. Au-delà de cela, nous demandons à l’Etat de restituer les biens confisqués de nos amis.
Etes-vous prêts à traduire vos mécontentements dans les urnes ?
Nous allons voter le jour des élections. Et nous savons qui nous allons voter! Nous sommes prêts à sanctionner nos détracteurs. Et nous voterons notre frère planteur qui connaît nos souffrances. Aujourd’hui, M. Gbagbo nous a déçus. Et nous ne sommes pas prêts à voter pour lui. Prenons l’affaire relative à la mort de Kieffer. Ce dernier a enquêté sur un dossier du cacao ivoirien. Il a voulu montrer où allait l’argent du cacao ivoirien. Et lorsque Kieffer a été tué, M. Gbagbo n’est pas intervenu pour demander que la lumière soit faite sur les circonstances de sa mort. Cela signifie que M. Gbagbo ne se soucie pas des planteurs. Quelqu’un qui vient nous dessiller les yeux et qui meurt par la suite, vous qui êtes Chef de l’Etat, que devez-vous faire ? N’est-ce pas de chercher à savoir ce qui est arrivé à notre bienfaiteur ? Malheureusement, M. Gbagbo reste indifférent à la disparition de Kieffer. Ça veut dire qu’il n’a pas d’égard pour les planteurs que nous sommes.
Est-ce à dire que les planteurs, eux aussi, sont en danger ?
Effectivement. Nous sommes en danger. Et nous n’avons personne pour nous défendre. Au plan international, c’est Kieffer qui a produit un article dans un journal français, et qui relatait les malversations dans la filière café-cacao. C’est à la suite de cet article qu’il a été abattu. Aujourd’hui, il y a un mystère autour des fonds du cacao ivoirien. M. Gbagbo nous avait promis l’assurance maladie universelle (AMU), l’école gratuite… Malheureusement, rien n’a été réalisé. Pire, on tue quelqu’un qui vient nous éclairer. Où allons-nous ? Chaque 1er Mai, on décore les fonctionnaires. Même les menuisiers. On n’a jamais vu un planteur décoré un 1er Mai par le Chef de l’Etat. La Fesaci et la centrale Dignité qui sont des centrales syndicales représentant même les petits menuisiers sont honorés lors de la fête de travail. Pourtant, leur part du PIB ne vaut même pas 10% du PIB national ivoirien. Alors que les planteurs que nous sommes, fournissons 40% du PIB de la Côte d’Ivoire.
Dites-nous : que devient l’usine de Fulton aux Etats Unis qui a coûté près de 100 milliards de francs aux planteurs de la filière café-cacao ?
Concernant l’usine de Fulton, on aurait cité le nom d’un homme d’affaires nigérian qui aurait effectué différentes démarches. En retour, il aurait perçu de royaux pourboires. Ceux qui ont monté cette affaire sont pour la plupart des proches du pouvoir. Et lorsque cette affaire a éclaté, ces hommes tapis dans l’ombre du palais, veulent faire porter le chapeau à nos collègues détenus aujourd’hui à la Maca. On nous dit que 600 milliards de francs destinés à l’achat de l’usine de Fulton et de Shanghai ont été détournés. Nous disons d’accord. Mais nous ne sommes pas les seuls. On va citer tous nos complices. Paradoxalement, comme les représentants de l’Etat de Côte d’Ivoire savent que certains de leurs proches sont trempés dans cette affaire, on décide alors de mettre des gens en prison pour éviter que la vérité éclate. Jusque là, nous nous interrogeons sur ce que sont devenus les résultats des enquêtes. Qu’est ce qui empêche leur publication?
Kieffer en a-t-il fait les frais ?
Effectivement Kieffer en a fait les frais.
A votre avis, pourquoi les résultats de l’enquête traînent-ils ?
Si on publie ces résultats, le FPI perd les élections.
(A suivre...)
Par Evariste N’Guessan
nguevas@yahoo.fr
Dr. Ervesso, pourquoi la rencontre entre le Procureur Kimou et les détenus de la filière café-cacao n’a-t-elle pas eu lieu ?
Selon les informations recueillies auprès de nos collègues, c’est le Chef de l’Etat en personne qui aurait demandé que l’audience soit suspendue jusqu’à nouvel ordre. Sinon, Kimou était prêt à leur accorder une liberté provisoire.
De qui détenez-vous ces informations ?
Je préfère taire les noms de nos informateurs au sein de l’appareil judiciaire et du Palais de la Présidence de la République.
Où en êtes-vous avec le procès d’Abuja ?
Nous avons retiré cette plainte parce que l’Etat de Côte d’Ivoire avait promis accorder une liberté provisoire aux détenus.
Récemment, nous avons assisté à une manifestation pacifique en face du palais de la justice. Quelle était la nature de ce rassemblement ?
Nous avons manifesté pour demander qu’une liberté provisoire soit accordée à nos collègues. Parce qu’on ne peut pas accepter sans procès de caserner les gens, alors que la loi dit que pour condamner une personne, il faut d’abord l’avoir entendue, la juger avant de la condamner.
Avez-vous été reçu par le procureur de la République ?
Non, nous n’avons pas été reçus par le procureur. Malheureusement, parmi les manifestants, il y a deux dames qui ont été grièvement blessées. Certaines femmes enceintes qui ont absorbé l’odeur des bombes lacrymogènes continuent de souffrir. Là aussi, nous exigeons que soient condamnés les auteurs de cette barbarie.
Quel est l’état de santé de vos amis ?
Parmi eux, il y a un qui a piqué une crise. Il est même interné. Et sa famille demande sa libération. Nous avons affaire à un Etat qui n’a pas d’amour pour sa population. Nous prenons l’opinion publique nationale et internationale à témoin.
De quoi parlez-vous, lorsque vous vous rencontrez ?
Les inculpés ne demandent qu’une seule chose. C’est leur liberté. Aujourd’hui, la Lidho est entrée dans la danse. Nos frères incarcérés ont des comptes bancaires qui sont bloqués, leurs maisons confisquées. Leurs familles ne savent plus à quel saint se vouer. C’est difficile. Nous demandons que l’Etat de Côte d’Ivoire revoie sa position.
Quelle est la nature du soutien que vous apportez à ces prisonniers?
Nous leur apportons des vivres. Au-delà de cela, nous demandons à l’Etat de restituer les biens confisqués de nos amis.
Etes-vous prêts à traduire vos mécontentements dans les urnes ?
Nous allons voter le jour des élections. Et nous savons qui nous allons voter! Nous sommes prêts à sanctionner nos détracteurs. Et nous voterons notre frère planteur qui connaît nos souffrances. Aujourd’hui, M. Gbagbo nous a déçus. Et nous ne sommes pas prêts à voter pour lui. Prenons l’affaire relative à la mort de Kieffer. Ce dernier a enquêté sur un dossier du cacao ivoirien. Il a voulu montrer où allait l’argent du cacao ivoirien. Et lorsque Kieffer a été tué, M. Gbagbo n’est pas intervenu pour demander que la lumière soit faite sur les circonstances de sa mort. Cela signifie que M. Gbagbo ne se soucie pas des planteurs. Quelqu’un qui vient nous dessiller les yeux et qui meurt par la suite, vous qui êtes Chef de l’Etat, que devez-vous faire ? N’est-ce pas de chercher à savoir ce qui est arrivé à notre bienfaiteur ? Malheureusement, M. Gbagbo reste indifférent à la disparition de Kieffer. Ça veut dire qu’il n’a pas d’égard pour les planteurs que nous sommes.
Est-ce à dire que les planteurs, eux aussi, sont en danger ?
Effectivement. Nous sommes en danger. Et nous n’avons personne pour nous défendre. Au plan international, c’est Kieffer qui a produit un article dans un journal français, et qui relatait les malversations dans la filière café-cacao. C’est à la suite de cet article qu’il a été abattu. Aujourd’hui, il y a un mystère autour des fonds du cacao ivoirien. M. Gbagbo nous avait promis l’assurance maladie universelle (AMU), l’école gratuite… Malheureusement, rien n’a été réalisé. Pire, on tue quelqu’un qui vient nous éclairer. Où allons-nous ? Chaque 1er Mai, on décore les fonctionnaires. Même les menuisiers. On n’a jamais vu un planteur décoré un 1er Mai par le Chef de l’Etat. La Fesaci et la centrale Dignité qui sont des centrales syndicales représentant même les petits menuisiers sont honorés lors de la fête de travail. Pourtant, leur part du PIB ne vaut même pas 10% du PIB national ivoirien. Alors que les planteurs que nous sommes, fournissons 40% du PIB de la Côte d’Ivoire.
Dites-nous : que devient l’usine de Fulton aux Etats Unis qui a coûté près de 100 milliards de francs aux planteurs de la filière café-cacao ?
Concernant l’usine de Fulton, on aurait cité le nom d’un homme d’affaires nigérian qui aurait effectué différentes démarches. En retour, il aurait perçu de royaux pourboires. Ceux qui ont monté cette affaire sont pour la plupart des proches du pouvoir. Et lorsque cette affaire a éclaté, ces hommes tapis dans l’ombre du palais, veulent faire porter le chapeau à nos collègues détenus aujourd’hui à la Maca. On nous dit que 600 milliards de francs destinés à l’achat de l’usine de Fulton et de Shanghai ont été détournés. Nous disons d’accord. Mais nous ne sommes pas les seuls. On va citer tous nos complices. Paradoxalement, comme les représentants de l’Etat de Côte d’Ivoire savent que certains de leurs proches sont trempés dans cette affaire, on décide alors de mettre des gens en prison pour éviter que la vérité éclate. Jusque là, nous nous interrogeons sur ce que sont devenus les résultats des enquêtes. Qu’est ce qui empêche leur publication?
Kieffer en a-t-il fait les frais ?
Effectivement Kieffer en a fait les frais.
A votre avis, pourquoi les résultats de l’enquête traînent-ils ?
Si on publie ces résultats, le FPI perd les élections.
(A suivre...)
Par Evariste N’Guessan
nguevas@yahoo.fr