Tout est désormais compliqué pour les petits producteurs d'ananas dans la région de Bonoua pour la campagne 2009 au goût amer. Ruinés par la mévente de leurs produits confrontés qu’ils sont à la concurrence internationale, leurs productions ont considérablement chuté cette année.
La filière ananas traverse des moments assez pénibles présentement. A cause des difficultés structurelles et organisationnelles, les producteurs croulent sous le poids de la forte concurrence internationale. L'horizon semble s'assombrir pour nombre d'entre eux confrontés malheureusement à une baisse drastique de leur production. Toute situation qui a eu pour conséquence d’écourter la campagne, qui au lieu d'un mois n'a duré que deux semaines dans la région de Bonoua. Ce lundi 7 décembre dans la zone de Médina, située à environ 10 km de Bonoua, notre équipe de reportage est allée à la rencontre des petits planteurs. Dans ce village peuplé d'allogènes, on y trouve de grandes surfaces exploitées pour la production de l'ananas. Bourchim Yirgoua, petit planteur d'ananas, aidé par quelques manœuvres procède aux coupes dans sa plantation. Habillé d'un pantalon blue-jeans surmonté d'un tee-shirt troué par endroit, le visage dégoulinant de sueur, il essaie de donner quelques directives à ses employés. Mais n'empêche il accepte d'échanger avec nous en n'hésitant pas à s'attaquer aux difficultés qui assaillent la filière. Selon lui, la campagne 2009 aura été la plus mauvaise, eu égard à la baisse de sa production. “A cause du manque de moyens et du non respect des engagements de nos importateurs, nous n'avons pu investir considérablement dans nos plantations”. Le résultat est alarmant : de 61 tonnes en 2008, sa production a connu une chute brutale en régressant à 12 tonnes en 2009.
Le manioc pour remplacer l'ananas
Il a perdu tout espoir du fait de l'effet conjugué de la baisse du prix du kilogramme d'ananas qui est passé de 96 à 90 Fcfa sur la même période. «Les importateurs n'ont pas tenu leur promesse cette année. Il était question qu'ils nous paient automatiquement après livraison à notre coopérative qui se chargera du conditionnement. Cela n'a pas été le cas. Mieux, sur un montant d'un million 400 mille Fcfa prévu pour ma vente, je n'ai reçu que 500.000 Fcfa, même pas la moitié. Dans ces conditions comment pourrai-je investir dans ma plantation et payer correctement mes manœuvres ? », se désole-t-il amèrement. Pour lui, si la situation reste inchangée, l'ananas va disparaître de Bonoua au profit d'autres cultures. D'ailleurs, il projette de se lancer dans la production du manioc qui, selon lui, reste une culture prometteuse. En tant qu'allogène, il ne pourra pas s'orienter vers d'autres cultures pérennes telles que l'hévéa. Puisque les pressions foncières sont récurrentes dans cette région. Kacou François également disposant d'une plantation dans la zone d'Assé (sous-préfecture de Bonoua), est désemparé par les contreperformances que connaît la filière actuellement. Ce dernier a quelque peu délaissé son exploitation à cause de l'état des routes qui restent impraticables. «Ma production de cette année a été très mauvaise. Elle est fortement en dessous des 16 tonnes qu'il a réalisé l'année dernière parce que je n'avais pas les moyens adéquats pour ouvrir les voies et entretenir ma plantation. Les quantités sont tellement insignifiantes que j'ai décidé de rester uniquement sur le marché local cette année. Là encore la moisson reste bien maigre à cause des prix qui sont bas. J'ai écoulé une partie de ma production à 50.000 Fcfa. C'est terrible. Vous comprenez que rien n'a changé concernant la situation financière des petits planteurs qui sont à bout de souffle», s'offusque le paysan visiblement affecté par cette déprime de la filière. Pour lui, compte tenu de l'environnement assez difficile, les opérateurs ont plus intérêt à se défendre comme ils peuvent sur le marché local que de se déporter vers l'international où la concurrence les phagocyte. «Nous ne maîtrisons pas le volet commercial au niveau international. Nous n'avons qu'un seul marché, celui de l'international alors qu'il ne faut pas négliger celui de la sous-région. Les responsables de filière devraient mener une action dans ce sens pour nous permettre d'investir véritablement les pays de l'Uemoa et de la Cedeao. Ce sont des marchés qui peuvent nous apporter beaucoup de ressources. Et ce sera une alternative à la grosse concurrence internationale qui menace nos productions», propose Kacou François. A la différence de ces deux producteurs, Joseph Adjobi a eu plus de chance. D'autant qu'il a bénéficié d'une avance de l'importateur Siim, après conditionnent de sa production avant l'embarcation. Cet importateur et ses partenaires ont tenu à respecter leur engagements pour éviter qu'il y ait sur la chaîne, des défavorisés. « Cette année, nous avons travaillé en fonction des préoccupations émises par notre importateur Siim, qui nous recommande des fruits de plus d'1 kg 100. Une fois mis sous conditionnement, nous sommes automatiquement payés. J'ai reçu une avance en attendant le reste. Cela m'a beaucoup soulagé», révèle-t-il. Cependant les producteurs sont unanimes sur le fait que la crise qui a eu lieu au sein de l'Organisation centrale des producteurs-exportateurs d'ananas-bananes (Ocab) a contribué à déstructurer la filière.
La loi des importateurs
De 3.000 planteurs dans la filière, il y a encore quelques années, ce nombre est en chute continue. La désaffection a gagné plusieurs d'entre eux. Tout comme les petits planteurs, l'inquiétude des coopératives d'ananas est grande. Elles sont au bord de la faillite. Cette année la baisse de la production se ressent également à leur niveau. «L'année précédente, nous étions à 1.700 tonnes. Cette année nous n'avons produit que 623 tonnes. C'est une situation préoccupante. Nous avons des problèmes de financement pour aider nos planteurs qui, chaque jour, désertent la filière pour le manioc», soutient Sounkalo Drabo, membre de l'administration de la Fruitière des lagunes. Kocogni Adja Severin, président de Coopex-ci, connaît le même calvaire. De 340 membres, sa coopérative ne compte plus moins de 150 cette année. Le remède à cette descente aux enfers juge-t-il, est d'organiser la filière. «Les coopératives vont en rangs dispersés pour la commercialisation des produits aux importateurs européens. C'est déplorable », regrette-t-il. Aujourd'hui, les petits producteurs estiment l'Ocab doit retrouver sa sérénité et se remettre au travail. Selon eux, le symposium organisé pendant le mois d'octobre à Grand-Bassam sur la relance des filières fruitières par l'organisation centrale leur permet de croire encore au rebondissement du secteur, même s'ils restent pour l'instant prudents et évitent d'être surtout euphoriques. Au cours de cette rencontre, Michel Gnui, président de l'Ocab, a indiqué que les filières ananas, banane, mangue et papaye se portent très mal. Pendant la crise sociopolitique, elles ont subi d'importantes pertes estimées à 7 milliards Fcfa pour cause de non présentation de navires, de fruits laissés sur la route ou à quai et de fruits non récoltés. En effet, faute de rentabilité, la ligne maritime a connu de sérieuses perturbations. En cause surtout, la baisse considérable de la production des petits planteurs. De 213.000 tonnes en 2002, la production d'ananas qui représentait au moins 80% de la consommation de l'Europe, est tombée à 60.000 tonnes en 2008. On dénombrait 2.000 planteurs en 2003 contre moins de 100 aujourd'hui. «Les raisons de cette déconvenue sont entre autres, la concurrence des autres origines latino-américaines et l'assèchement du soutien des importateurs européens, principaux pourvoyeurs de fonds aux acteurs à la production (…)», a-t-il analysé. Entre autres recommandations, le symposium a insisté sur le volet commercial qui doit être bien maîtrisé pour développer ce secteur. Ainsi, les acteurs ont convenu de la mise sur pied d'une centrale unique de commercialisation censée accroître la compétitivité des filières et garantir des revenus réguliers aux planteurs après exportations. L'autre grosse résolution transversale, c'est la remise des petits planteurs au cœur des dispositifs de production et de commercialisation des différentes spéculations. En attendant la mise en œuvre effective de ces résolutions, les petits planteurs continuent de subir la déprime dans la filière ananas.
Emmanuelle Kanga à Grand-Bassam
La filière ananas traverse des moments assez pénibles présentement. A cause des difficultés structurelles et organisationnelles, les producteurs croulent sous le poids de la forte concurrence internationale. L'horizon semble s'assombrir pour nombre d'entre eux confrontés malheureusement à une baisse drastique de leur production. Toute situation qui a eu pour conséquence d’écourter la campagne, qui au lieu d'un mois n'a duré que deux semaines dans la région de Bonoua. Ce lundi 7 décembre dans la zone de Médina, située à environ 10 km de Bonoua, notre équipe de reportage est allée à la rencontre des petits planteurs. Dans ce village peuplé d'allogènes, on y trouve de grandes surfaces exploitées pour la production de l'ananas. Bourchim Yirgoua, petit planteur d'ananas, aidé par quelques manœuvres procède aux coupes dans sa plantation. Habillé d'un pantalon blue-jeans surmonté d'un tee-shirt troué par endroit, le visage dégoulinant de sueur, il essaie de donner quelques directives à ses employés. Mais n'empêche il accepte d'échanger avec nous en n'hésitant pas à s'attaquer aux difficultés qui assaillent la filière. Selon lui, la campagne 2009 aura été la plus mauvaise, eu égard à la baisse de sa production. “A cause du manque de moyens et du non respect des engagements de nos importateurs, nous n'avons pu investir considérablement dans nos plantations”. Le résultat est alarmant : de 61 tonnes en 2008, sa production a connu une chute brutale en régressant à 12 tonnes en 2009.
Le manioc pour remplacer l'ananas
Il a perdu tout espoir du fait de l'effet conjugué de la baisse du prix du kilogramme d'ananas qui est passé de 96 à 90 Fcfa sur la même période. «Les importateurs n'ont pas tenu leur promesse cette année. Il était question qu'ils nous paient automatiquement après livraison à notre coopérative qui se chargera du conditionnement. Cela n'a pas été le cas. Mieux, sur un montant d'un million 400 mille Fcfa prévu pour ma vente, je n'ai reçu que 500.000 Fcfa, même pas la moitié. Dans ces conditions comment pourrai-je investir dans ma plantation et payer correctement mes manœuvres ? », se désole-t-il amèrement. Pour lui, si la situation reste inchangée, l'ananas va disparaître de Bonoua au profit d'autres cultures. D'ailleurs, il projette de se lancer dans la production du manioc qui, selon lui, reste une culture prometteuse. En tant qu'allogène, il ne pourra pas s'orienter vers d'autres cultures pérennes telles que l'hévéa. Puisque les pressions foncières sont récurrentes dans cette région. Kacou François également disposant d'une plantation dans la zone d'Assé (sous-préfecture de Bonoua), est désemparé par les contreperformances que connaît la filière actuellement. Ce dernier a quelque peu délaissé son exploitation à cause de l'état des routes qui restent impraticables. «Ma production de cette année a été très mauvaise. Elle est fortement en dessous des 16 tonnes qu'il a réalisé l'année dernière parce que je n'avais pas les moyens adéquats pour ouvrir les voies et entretenir ma plantation. Les quantités sont tellement insignifiantes que j'ai décidé de rester uniquement sur le marché local cette année. Là encore la moisson reste bien maigre à cause des prix qui sont bas. J'ai écoulé une partie de ma production à 50.000 Fcfa. C'est terrible. Vous comprenez que rien n'a changé concernant la situation financière des petits planteurs qui sont à bout de souffle», s'offusque le paysan visiblement affecté par cette déprime de la filière. Pour lui, compte tenu de l'environnement assez difficile, les opérateurs ont plus intérêt à se défendre comme ils peuvent sur le marché local que de se déporter vers l'international où la concurrence les phagocyte. «Nous ne maîtrisons pas le volet commercial au niveau international. Nous n'avons qu'un seul marché, celui de l'international alors qu'il ne faut pas négliger celui de la sous-région. Les responsables de filière devraient mener une action dans ce sens pour nous permettre d'investir véritablement les pays de l'Uemoa et de la Cedeao. Ce sont des marchés qui peuvent nous apporter beaucoup de ressources. Et ce sera une alternative à la grosse concurrence internationale qui menace nos productions», propose Kacou François. A la différence de ces deux producteurs, Joseph Adjobi a eu plus de chance. D'autant qu'il a bénéficié d'une avance de l'importateur Siim, après conditionnent de sa production avant l'embarcation. Cet importateur et ses partenaires ont tenu à respecter leur engagements pour éviter qu'il y ait sur la chaîne, des défavorisés. « Cette année, nous avons travaillé en fonction des préoccupations émises par notre importateur Siim, qui nous recommande des fruits de plus d'1 kg 100. Une fois mis sous conditionnement, nous sommes automatiquement payés. J'ai reçu une avance en attendant le reste. Cela m'a beaucoup soulagé», révèle-t-il. Cependant les producteurs sont unanimes sur le fait que la crise qui a eu lieu au sein de l'Organisation centrale des producteurs-exportateurs d'ananas-bananes (Ocab) a contribué à déstructurer la filière.
La loi des importateurs
De 3.000 planteurs dans la filière, il y a encore quelques années, ce nombre est en chute continue. La désaffection a gagné plusieurs d'entre eux. Tout comme les petits planteurs, l'inquiétude des coopératives d'ananas est grande. Elles sont au bord de la faillite. Cette année la baisse de la production se ressent également à leur niveau. «L'année précédente, nous étions à 1.700 tonnes. Cette année nous n'avons produit que 623 tonnes. C'est une situation préoccupante. Nous avons des problèmes de financement pour aider nos planteurs qui, chaque jour, désertent la filière pour le manioc», soutient Sounkalo Drabo, membre de l'administration de la Fruitière des lagunes. Kocogni Adja Severin, président de Coopex-ci, connaît le même calvaire. De 340 membres, sa coopérative ne compte plus moins de 150 cette année. Le remède à cette descente aux enfers juge-t-il, est d'organiser la filière. «Les coopératives vont en rangs dispersés pour la commercialisation des produits aux importateurs européens. C'est déplorable », regrette-t-il. Aujourd'hui, les petits producteurs estiment l'Ocab doit retrouver sa sérénité et se remettre au travail. Selon eux, le symposium organisé pendant le mois d'octobre à Grand-Bassam sur la relance des filières fruitières par l'organisation centrale leur permet de croire encore au rebondissement du secteur, même s'ils restent pour l'instant prudents et évitent d'être surtout euphoriques. Au cours de cette rencontre, Michel Gnui, président de l'Ocab, a indiqué que les filières ananas, banane, mangue et papaye se portent très mal. Pendant la crise sociopolitique, elles ont subi d'importantes pertes estimées à 7 milliards Fcfa pour cause de non présentation de navires, de fruits laissés sur la route ou à quai et de fruits non récoltés. En effet, faute de rentabilité, la ligne maritime a connu de sérieuses perturbations. En cause surtout, la baisse considérable de la production des petits planteurs. De 213.000 tonnes en 2002, la production d'ananas qui représentait au moins 80% de la consommation de l'Europe, est tombée à 60.000 tonnes en 2008. On dénombrait 2.000 planteurs en 2003 contre moins de 100 aujourd'hui. «Les raisons de cette déconvenue sont entre autres, la concurrence des autres origines latino-américaines et l'assèchement du soutien des importateurs européens, principaux pourvoyeurs de fonds aux acteurs à la production (…)», a-t-il analysé. Entre autres recommandations, le symposium a insisté sur le volet commercial qui doit être bien maîtrisé pour développer ce secteur. Ainsi, les acteurs ont convenu de la mise sur pied d'une centrale unique de commercialisation censée accroître la compétitivité des filières et garantir des revenus réguliers aux planteurs après exportations. L'autre grosse résolution transversale, c'est la remise des petits planteurs au cœur des dispositifs de production et de commercialisation des différentes spéculations. En attendant la mise en œuvre effective de ces résolutions, les petits planteurs continuent de subir la déprime dans la filière ananas.
Emmanuelle Kanga à Grand-Bassam