M. le juge, ne le dites pas fort…

Les flagrants délits, ce n’est pas gentil. Quand on y est pour une sale affaire, c’est souvent le public, présent, qu’on craint, on ne veut pas sentir son ricanement dans le dos.
-Gnawa Sery !
Un monsieur calme se présente à la barre.
-Vous avez 27 ans. Domicilié à Yopougon Gesco. Sans profession. Vous êtes accusé des faits d’escroquerie, poursuit le juge.
-Je reconnais les faits, s’empresse Sery, à voix basse. Si basse qu’on a l’impression qu’il chuchotte au juge.
Normalement, on doit passer à la peine, sans trop entrer dans les détails de l’affaire, ce qui arrangerait plutôt Sery. Mais, le juge observe le dossier et lui demande à haute voix:
-Les 20 millions-là ?
-Euh…
Derrière lui, le public se met à rire. 20 millions, c’est énorme !
- 2 ans fermes! requiert le procureur.
Ce sera la peine de Sery. Il devait se dire en sortant de la salle aux mains des policiers: « décidemment, on ne peut rien cacher ici».

Ah ! Les jeunes
-Gouré Bi Louzan Carlos, 21 ans, maçon, domicilié à Abobo-Baoulé. Akili Anicet Bertrand, 20 ans, élève en seconde C, à Abobo.
À l’appel de la juge, deux garçons l’air sage se présentent à la barre des flagrants délits du Plateau. Ils font encore plus jeunes que leur âge.
-Bertrand, vous avez volé des chaussures, poursuit le juge en s’adressant à l’élève. Carlos, vous êtes là pour recel.
Les deux garçons reconnaissent les faits sans ambages. Et la peine tombe :
-Un mois ferme !
C’est sûr, l’année scolaire sera interrompue pour Bertrand. Pendant que les deux garçons quittent la barre, le public se demande de quelle marque étaient les chaussures.

Frappe-moi encore !
On ne le dira jamais assez, des coups et blessures volontaires, ça rapporte ! Certaines victimes sont pressées d’envoyer l’affaire au tribunal ; histoire de se faire du sou. Mais, est-ce le cas de Lawal ? Sidibé Mamadou, le garçon qui se tient à la barre, aurait boxé le sieur Lawal et entraîné une incapacité totale de travail (Itt) de 21 jour. A la barre, Mamadou, qui a va fêter ses 36 ans, le 27 juillet prochain, reconnaît les faits. Le juge donne la parole à Lawal :
-Vous voulez combien comme dédommagement ?
Il n’a pas apporté sa calculatrice, mais ça peut bien s’arranger :
-Euh…124.000 Fcfa !
-Pour une Itt de 21 jours ! s’exclame le juge, étonné par l’énormité de la somme.
Le plaignant est confus, il y est peut-être allé un peu trop for comme le coup de poing reçu. Le procureur prend son certificat médical qu’il a présenté au tribunal.
-Mais, il est marqué que vous avez eu une Itt de 11 et non 21 jours !
Ce sont des coups et blessures volontaires. Et Mamadou est condamné à 2 mois fermes. Il devra payer à Lawal son blé.

Une sélection de Raphaël Tanoh