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Économie Publié le samedi 27 février 2010 | Nord-Sud

Niangon-Coprim : après le retour de l’eau potable, les riverains se battent contre la psychose

Les autorités ont rétabli le réseau de distribution d’eau, après plus de deux semaines de pollution à Niangon-Coprim Zénith. Mais les populations hésitent toujours à consommer l’eau du robinet.

«On ne sait pas ce qu’on boit. Mais bonne ou pas, on boit. On n’a parfois pas le choix», récriminent certains habitants. A Niangon-Coprim, les riverains sont encore dans la hantise et la convalescence sera bien lente. Les effets des produits toxiques découverts dans l’eau de consommation continuent d’indisposer de nombreux riverains. Les victimes allèguent toujours des maladies, même si aucun autre cas de décès n’a été signalé en dehors de celui de Marcelline Ayolio. Un peu moins d’une semaine après la réouverture des vannes, les populations n’ont en effet pas confiance. Amélie et sa mère font la lessive, à la main, devant leur petite maison. Elles disposent d’un abonnement mais les deux femmes rechignent, pour le moment, à utiliser l’eau de robinet servie dans le quartier. Les assurances du directeur général de l’Office national de l’eau potable (Onep) n’ont rien donné. Dans la cité, la psychose reste bien visible. Elles puisent dans des citernes en plastique, l’eau achetée à des revendeurs. Presque tous réclament une étude sérieuse épidémiologique avant de « se jeter à l’eau ». «Je pense que la première démarche, c’est d’approfondir l’identification de la contamination. Il faut qu’on soit édifié sur la caractérisation de la pollution. On ne connaît pas exactement la nature des produits et cela ne rassure pas», craint Martine Zahui, une habitante, expliquant que l’extension du réseau dans le quartier pose effectivement des problèmes d’ordre technique. Selon Mme Zahui, les conduits d’eau sont de mauvaise qualité et ne peuvent supporter une forte pression. Conséquence de ces insuffisances, l’approvisionnement n’est pas permanent et l’eau est mal traitée. Pour boire, elle et sa famille achètent l’eau minérale. Au plus fort de la crise, c’est la société de distribution qui assurait ce service mais elle a tout arrêté après la remise en selle de son réseau. Pour les autres besoins de la maison, elles vont chercher l’eau dans les fontaines publiques ou chez des particuliers épargnés par le fléau. Plusieurs autres ménages conservent l’eau dans des réservoirs en plastique. De véritables nids à bactéries. Selon Alexis Guigréhi, spécialiste en médecine digestive, les risques sanitaires restent énormes à Niangon-Coprim. Les tuyaux qui débouchent sur le grand ravin séparant le quartier de l’église « Sainte Rita», que les riverains appellent trivialement «En bas», sont contaminés.

Le risque est persistant

On y déverse toutes sortes de déchets et l’insalubrité est repoussante. Des flots d’eaux usées, chargées de contaminants ou de métaux qui ruissellent, ne sont pas traitées. De plus, ces métaux dus à l’activité des mécaniciens et certains produits ménagers, résistent à tout traitement. Une étude scientifique sur les conséquences sanitaires de cette pollution massive dispose qu’elle peut entraîner des complications au niveau du foie, de l’estomac et du poumon. Quoi qu’il en soit, le médecin souligne que le mélange des eaux usées avec l’eau saine est toujours difficile à gérer. A Niangon-Coprim, les dégâts sont d’autant plus graves que les sols de terre des «maisons» du quartier s’imbibent et se détrempent. Et les habitants n’ont pas toujours le choix de consommer autre chose que cette eau souillée. En effet, fait remarquer M. Guigréhi, les bactéries présentes dans les réservoirs d’eau occasionnent des diarrhées, seconde cause de mortalité infantile ainsi que la bilharziose. Cette maladie chronique se contracte par contact répété avec l’eau contaminée par des parasites. Les deux formes de la maladie, rénale ou intestinale, dit-il, provoquent des dégâts irréparables sur le système urinaire, le foie et les intestins. Il en déduit que sans accès à des infrastructures de traitement des eaux, les habitants de Niangon-Coprim continueront de contracter des maladies. Pour anticiper sur la situation, certaines associations locales de ces zones envisagent de bricoler des fosses septiques. Le porte-parole du comité de crise Agoli Oi Agoli ne confirme pas ce projet. Toujours est-il que cette solution mise en route, l’année dernière à Abobo, n’a pas porté les fruits escomptés. Le réseau d’égouts construit à l’économie est déjà abîmé. «Ce ne sont pas des solutions idéales. Cela permet de desservir davantage de foyers mais l’eau usée est rejetée dans les canaux. Et le cycle de la pollution se poursuit», reconnaît un cadre de la Sodeci. «Le problème, c’est que la pollution de l’eau n’est pas toujours visible. L’eau peut n’avoir ni goût, ni odeur, et être contaminée», précise-t-il. Pour l’heure, pas de solution immédiate. Les polluants s’accumulent dans les graisses des organismes vivants. Comme la dioxine ou le mercure. Mais qu’à cela ne tienne. Alors qu’une véritable course contre la montre est engagée, les avocats sillonnent le quartier pour inviter les riverains à se constituer partie civile.

Lanciné Bakayoko
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