Membre-fondateur de la Jet Set, Richard Koudougnon, plus connu sous le nom de Boro Sanguy ou Bôrô Sangui, parle du mouvement. Il revient sur sa vie à Paris, les doléances de Douk Saga avant sa mort et les vices qui minent le milieu des ‘’boucantiers’’.
On ne vous voit plus Boro Sanguy sur la scène musicale ivoirienne. Où êtes-vous caché ?
Je suis là, je suis en pleine préparation de mon album. Compte tenu des affaires que je gère, on ne me voit pas. Enfin l’album est là, il est terminé. Le titre c’est « Tapis rouge ». D’ici l’été (Ndlr : mois de juin) je commencerai la promo. C’est vrai que je vis à Paris, mais pour la promo de ce nouvel album, je compte faire un an à Abidjan.
Nous avons appris, à travers la presse, que vous étiez en prison. Que s’est-il passé ?
Je l’ai aussi lu dans un journal. Mais vous savez, en Afrique, quand on ne voit pas une personne durant un moment, on lui colle toutes sortes de mensonges sur le dos. Je suis bel et bien libre et non en prison. Il y a deux semaines que je suis là et on ne ma voit pas dans les boîtes de nuit. Des gens ne comprennent pas.
A quoi est dû cela?
Notre vie ne se résume pas aux sorties dans les boîtes. Si nous ne travaillons pas, comment pourrions-nous gagner de l’argent pour aller nous amuser ?
Parlant de votre album, c’est toujours dans le genre ‘’coupé-décalé’’ ou il y aura des changements ?
Ce nouvel album comporte un peu de tout. Il y a du R&B, du reggae, un peu de ‘’zézé pop’’, et beaucoup de ‘’coupé décalé’’. J’ai essayé de satisfaire tout le monde. Même si nous avons fait un choix, il y a d’autres publics à convaincre.
Cette diversification ne traduit-elle pas une perte de vitesse du ‘’coupé décalé’’ ?
Non. Aujourd’hui, on ne s’amuse plus à faire un album 100% ‘’coupé décalé’’. Il y a des personnes qui aiment le reggae en plus du ‘’coupé décalé’’. Pourquoi ne pas leur faire plaisir. Ça permet d’attirer d’autres publics. En plus, je travaille avec une grande maison de production qui demande ce métissage musical.
Comment arrivez-vous à concilier musique et affaires ?
Je suis 50% dans la musique et 50% dans mes affaires. Il y a une marque de vêtements, Rivaldi, que je représente depuis Paris. J’ai fait venir un lot que j’ai bien vendu. Je prévois faire un aller-retour sur Paris dans la semaine.
Trois ans après le décès de Douk Saga, on se rend compte que le ‘’coupé décalé’’ cherche ses repères. La relève n’est-elle pas assurée ?
Non, je ne vois pas les choses ainsi. Vous savez, quand on perd brusquement un ami, ce n’est pas facile. En Europe, on cherche à voir un psychologue dans ce genre de situation. Nous nous étions beaucoup investis dans le mouvement. Au plan physique et matériel. Nous ne vivions que pour lui (mouvement). Avec le temps, ce sont les personnes qui doivent nous supporter, qui ont été prompts à nous casser. Aujourd’hui, on a perdu un ami (Douk Saga), personne n’en parle. Nous avons été choqués et chacun est resté dans son coin.
C’est pourquoi vous avez décidé de laisser mourir le mouvement ?
Je ne dis pas cela. Seulement chacun a retrouvé sa famille et revu sa vie. Maintenant, nous revenons sur de nouvelles bases. Ce que je déplore aujourd’hui, c’est le manque de soutien. Le ‘’coupé décalé’’ se retrouve dans les quatre coins du monde. Au Japon, on ne te demandera pas de danser le zouglou. Alors que fait-on pour reconnaître nos efforts ?
A quoi pensez-vous ?
Quand aujourd’hui on voit quelqu’un qui se présente comme un chanteur, on entend dire : voilà un inconscient. C’est dans l’inconscience que nous avons créé le ‘’coupé décalé’’. Aujourd’hui, de nombreux jeunes ont un logis grâce au mouvement. Et aucune autorité ne nous invite pour nous encourager.
Est-ce nécessaire ?
Je vois aujourd’hui le groupe Magic System, parce qu’il a vendu des CD et obtenu des disques d’or, être reçu par le Président de la République. Ceux qui sont les concepteurs d’un mouvement qui a envahi le monde entier sont des laissés-pour-compte. Si c’était en Europe, aujourd’hui je roulerai un carrosse sur rue.
Que voulez-vous concrètement. De l’argent ou une reconnaissance ?
En Afrique, on a la manie d’attendre que quelqu’un meurt pour le décorer. Raison pour laquelle nous demandons notre reconnaissance maintenant. Ce n’est pas forcement une décoration, mais au moins, une rencontre avec le chef de l’Etat. Aujourd’hui on nous dit qu’il a trop de problèmes et qu’il n’a pas le temps. Mais, lorsqu’il y a une fête ou un mariage chez lui, c’est la musique ‘’coupé décalé’’ qu’on distille. Ce n’est pas lorsque nous serions tous morts qu’on se souviendra de nous.
Vous rejoignez ainsi Douk Saga ?
Bien sûr. Lorsqu’il en a parlé, on l’a pris pour un fou. Mais, soyons sérieux. Aujourd’hui, de nombreux jeunes déscolarisés sont devenus des Dj. Quand je vois un jeune comme Arafat Dj qui arrive à soutenir ses parents, ça me fait plaisir. Au moins on aura contribué à quelque chose de bien. Nous avons réussi à mettre sur pied quelque chose qui honore la Côte d’Ivoire et c’est de cela qu’il s’agit.
Mais, il se trouve que la musique ‘’coupé décalé’’ est monotone. Il n’y a plus de créativité et les textes ne sont pas recherchés. Qu’est-ce qui explique cela ?
Moi je pense qu’il y a toujours un message qui est véhiculé même si nous n’avons aucun soutien. Par exemple, derrière le zouglou, il y a des parrains tels que Blé Goudé, un ancien étudiant. Ils ne veulent pas laisser mourir ce qu’ils ont créé. Mais, le ‘’coupé décalé’’ n’est pas mort et ne mourra jamais. Pour la seule raison que n’importe où dans le monde, quand on parle de la Côte d’Ivoire, on voit le ‘’coupé décalé’’.
Une raison de plus pour bien chanter et éviter le bruitage inutile?
Ce que vous ne savez pas, ne pas savoir chanter est une des particularités du ‘’coupé décalé’’. On n’est pas obligé de savoir chanter. On vend le nom et une autre personne chante. C’est une chose qu’on doit accepter. Au début nous ne chantions pas. C’est par la suite que nous sommes allés à l’école pour apprendre le chant parce que nous avions un public. Malgré ce fait, les artistes de ‘’coupé décalé’’ sont des créateurs à part entière et il faut les respecter.
Que devient aujourd’hui la ‘’Jet set’’ ?
Elle est toujours là. C’est vrai qu’après la mort de Douk Saga, c’était difficile. Aujourd’hui, chacun a fini son album solo. On a décidé de se mettre ensemble après pour sortir un album.
Et le problème du successeur de Douk Saga ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que Douk Saga n’a pas été élu président de la ‘’Jet set’’. Il s’est autoproclamé en s’amusant et c’est resté. Dire aujourd’hui qu’il y a un projet pour élire quelqu’un, on n’en a jamais discuté.
Dans le milieu ‘’coupé décalé’’, on parle d’homosexualité et de drogue. Qu’en est-il effectivement ?
Il n’y a pas d’homosexuels parmi nous. Seulement, c’est Lino Versace qui a failli déraper lors d’une émission radio. Je ne sais pas ce qui l’a pris. Il a lancé en rigolant : « je suis homosexuel », croyant qu’il a un album derrière et qu’il créerait le ‘’buz’’ comme c’est le cas en Occident. Quand tu fais une telle déclaration, les journalistes te courent après. Seulement en Afrique ce n’est pas le cas. Aujourd’hui il a fait sortir son album et cela a joué négativement sur l’opus. Sincèrement, je vous le dis, il n’y a pas d’homosexuels entre nous.
Et la drogue ?
Dans la Jet set, on ne fume pas la drogue. C’est notre devise. Mais, j’ai comme l’impression que la jeune génération ne suit pas cet exemple. Il y a certains qui fument le ‘’joint’’. Personnellement, je n’aime pas cela. Quand quelqu’un décide de faire le ‘’coupé décalé’’, qu’il s’éloigne de la drogue.
Interview réalisée par Sanou Amadou (stagiaire)
On ne vous voit plus Boro Sanguy sur la scène musicale ivoirienne. Où êtes-vous caché ?
Je suis là, je suis en pleine préparation de mon album. Compte tenu des affaires que je gère, on ne me voit pas. Enfin l’album est là, il est terminé. Le titre c’est « Tapis rouge ». D’ici l’été (Ndlr : mois de juin) je commencerai la promo. C’est vrai que je vis à Paris, mais pour la promo de ce nouvel album, je compte faire un an à Abidjan.
Nous avons appris, à travers la presse, que vous étiez en prison. Que s’est-il passé ?
Je l’ai aussi lu dans un journal. Mais vous savez, en Afrique, quand on ne voit pas une personne durant un moment, on lui colle toutes sortes de mensonges sur le dos. Je suis bel et bien libre et non en prison. Il y a deux semaines que je suis là et on ne ma voit pas dans les boîtes de nuit. Des gens ne comprennent pas.
A quoi est dû cela?
Notre vie ne se résume pas aux sorties dans les boîtes. Si nous ne travaillons pas, comment pourrions-nous gagner de l’argent pour aller nous amuser ?
Parlant de votre album, c’est toujours dans le genre ‘’coupé-décalé’’ ou il y aura des changements ?
Ce nouvel album comporte un peu de tout. Il y a du R&B, du reggae, un peu de ‘’zézé pop’’, et beaucoup de ‘’coupé décalé’’. J’ai essayé de satisfaire tout le monde. Même si nous avons fait un choix, il y a d’autres publics à convaincre.
Cette diversification ne traduit-elle pas une perte de vitesse du ‘’coupé décalé’’ ?
Non. Aujourd’hui, on ne s’amuse plus à faire un album 100% ‘’coupé décalé’’. Il y a des personnes qui aiment le reggae en plus du ‘’coupé décalé’’. Pourquoi ne pas leur faire plaisir. Ça permet d’attirer d’autres publics. En plus, je travaille avec une grande maison de production qui demande ce métissage musical.
Comment arrivez-vous à concilier musique et affaires ?
Je suis 50% dans la musique et 50% dans mes affaires. Il y a une marque de vêtements, Rivaldi, que je représente depuis Paris. J’ai fait venir un lot que j’ai bien vendu. Je prévois faire un aller-retour sur Paris dans la semaine.
Trois ans après le décès de Douk Saga, on se rend compte que le ‘’coupé décalé’’ cherche ses repères. La relève n’est-elle pas assurée ?
Non, je ne vois pas les choses ainsi. Vous savez, quand on perd brusquement un ami, ce n’est pas facile. En Europe, on cherche à voir un psychologue dans ce genre de situation. Nous nous étions beaucoup investis dans le mouvement. Au plan physique et matériel. Nous ne vivions que pour lui (mouvement). Avec le temps, ce sont les personnes qui doivent nous supporter, qui ont été prompts à nous casser. Aujourd’hui, on a perdu un ami (Douk Saga), personne n’en parle. Nous avons été choqués et chacun est resté dans son coin.
C’est pourquoi vous avez décidé de laisser mourir le mouvement ?
Je ne dis pas cela. Seulement chacun a retrouvé sa famille et revu sa vie. Maintenant, nous revenons sur de nouvelles bases. Ce que je déplore aujourd’hui, c’est le manque de soutien. Le ‘’coupé décalé’’ se retrouve dans les quatre coins du monde. Au Japon, on ne te demandera pas de danser le zouglou. Alors que fait-on pour reconnaître nos efforts ?
A quoi pensez-vous ?
Quand aujourd’hui on voit quelqu’un qui se présente comme un chanteur, on entend dire : voilà un inconscient. C’est dans l’inconscience que nous avons créé le ‘’coupé décalé’’. Aujourd’hui, de nombreux jeunes ont un logis grâce au mouvement. Et aucune autorité ne nous invite pour nous encourager.
Est-ce nécessaire ?
Je vois aujourd’hui le groupe Magic System, parce qu’il a vendu des CD et obtenu des disques d’or, être reçu par le Président de la République. Ceux qui sont les concepteurs d’un mouvement qui a envahi le monde entier sont des laissés-pour-compte. Si c’était en Europe, aujourd’hui je roulerai un carrosse sur rue.
Que voulez-vous concrètement. De l’argent ou une reconnaissance ?
En Afrique, on a la manie d’attendre que quelqu’un meurt pour le décorer. Raison pour laquelle nous demandons notre reconnaissance maintenant. Ce n’est pas forcement une décoration, mais au moins, une rencontre avec le chef de l’Etat. Aujourd’hui on nous dit qu’il a trop de problèmes et qu’il n’a pas le temps. Mais, lorsqu’il y a une fête ou un mariage chez lui, c’est la musique ‘’coupé décalé’’ qu’on distille. Ce n’est pas lorsque nous serions tous morts qu’on se souviendra de nous.
Vous rejoignez ainsi Douk Saga ?
Bien sûr. Lorsqu’il en a parlé, on l’a pris pour un fou. Mais, soyons sérieux. Aujourd’hui, de nombreux jeunes déscolarisés sont devenus des Dj. Quand je vois un jeune comme Arafat Dj qui arrive à soutenir ses parents, ça me fait plaisir. Au moins on aura contribué à quelque chose de bien. Nous avons réussi à mettre sur pied quelque chose qui honore la Côte d’Ivoire et c’est de cela qu’il s’agit.
Mais, il se trouve que la musique ‘’coupé décalé’’ est monotone. Il n’y a plus de créativité et les textes ne sont pas recherchés. Qu’est-ce qui explique cela ?
Moi je pense qu’il y a toujours un message qui est véhiculé même si nous n’avons aucun soutien. Par exemple, derrière le zouglou, il y a des parrains tels que Blé Goudé, un ancien étudiant. Ils ne veulent pas laisser mourir ce qu’ils ont créé. Mais, le ‘’coupé décalé’’ n’est pas mort et ne mourra jamais. Pour la seule raison que n’importe où dans le monde, quand on parle de la Côte d’Ivoire, on voit le ‘’coupé décalé’’.
Une raison de plus pour bien chanter et éviter le bruitage inutile?
Ce que vous ne savez pas, ne pas savoir chanter est une des particularités du ‘’coupé décalé’’. On n’est pas obligé de savoir chanter. On vend le nom et une autre personne chante. C’est une chose qu’on doit accepter. Au début nous ne chantions pas. C’est par la suite que nous sommes allés à l’école pour apprendre le chant parce que nous avions un public. Malgré ce fait, les artistes de ‘’coupé décalé’’ sont des créateurs à part entière et il faut les respecter.
Que devient aujourd’hui la ‘’Jet set’’ ?
Elle est toujours là. C’est vrai qu’après la mort de Douk Saga, c’était difficile. Aujourd’hui, chacun a fini son album solo. On a décidé de se mettre ensemble après pour sortir un album.
Et le problème du successeur de Douk Saga ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que Douk Saga n’a pas été élu président de la ‘’Jet set’’. Il s’est autoproclamé en s’amusant et c’est resté. Dire aujourd’hui qu’il y a un projet pour élire quelqu’un, on n’en a jamais discuté.
Dans le milieu ‘’coupé décalé’’, on parle d’homosexualité et de drogue. Qu’en est-il effectivement ?
Il n’y a pas d’homosexuels parmi nous. Seulement, c’est Lino Versace qui a failli déraper lors d’une émission radio. Je ne sais pas ce qui l’a pris. Il a lancé en rigolant : « je suis homosexuel », croyant qu’il a un album derrière et qu’il créerait le ‘’buz’’ comme c’est le cas en Occident. Quand tu fais une telle déclaration, les journalistes te courent après. Seulement en Afrique ce n’est pas le cas. Aujourd’hui il a fait sortir son album et cela a joué négativement sur l’opus. Sincèrement, je vous le dis, il n’y a pas d’homosexuels entre nous.
Et la drogue ?
Dans la Jet set, on ne fume pas la drogue. C’est notre devise. Mais, j’ai comme l’impression que la jeune génération ne suit pas cet exemple. Il y a certains qui fument le ‘’joint’’. Personnellement, je n’aime pas cela. Quand quelqu’un décide de faire le ‘’coupé décalé’’, qu’il s’éloigne de la drogue.
Interview réalisée par Sanou Amadou (stagiaire)