De Djébonoua, première ville tenue par les ex-rebelles jusqu'à Pogo, dernière ville de la Côte d'Ivoire, les éléments de la rébellion continuent de dresser les barrages qui leur servent de lieux de racket. Alors qu'en zone gouvernementale, tout a été levé.
La libre circulation des biens et des personnes sur l'ensemble du territoire national est une préoccupation majeure pour les autorités ivoiriennes. L'Etat a, à travers le chef d'état-major des armées a levé les barrages des Forces de défense et de sécurité de la zone sud. Ce n'est pas encore le cas dans les zones sous contrôle des ex-rebelles. Périple d'un voyage tumultueux. Il est un peu plus de 8 heures, en ce vendredi du mois de juillet lorsque nous quittions la capitale économique de la Côte d'Ivoire. Un vent glacial souffle sur la ville après la grande pluie qui s'est abattue quelques heures auparavant. Notre compagnon de route, un jeune homme d'une quarantaine d'années, commerçant, originaire de la ville de Zegoua, première ville du Mali, explique avec fierté le passé glorieux de la Côte d'Ivoire. Où, les gens revenaient sans être inquiétés. Une période où, le nord et le sud étaient en harmonie. Notre débat nous amène très souvent sur la situation politique que traverse la Côte d'Ivoire depuis septembre 2002, de la division du pays…et des nombreux barrages des forces de l'ordre sur les différentes routes. Parlant de ce dernier aspect, nous traversons rapidement les villes de Toumodi, Yamoussoukro et Bouaké en quelques heures seulement. Quelque 3 heures après notre départ, nous franchissons rapidement Djébonoua, première ville tenue par les forces nouvelles. Un barrage se dresse à nous. Cela nous indique que nous sommes sur un autre territoire. Celui tenu par les ex-rebelles. Sous un appatam, quatre jeunes en treillis de couleur grise, prennent leur thé. Deux autres tiennent le barrage qu'ils ont dressé avec un erse. Tout automobiliste est obligé de marquer un arrêt. " Vous êtes à un barrage. Y a pas de l'eau à boire pour nous ", lance l'un d'entre eux chaussé lui, dans une paire dite " lêkê ", une chaussure en plastique fabriquée en zones industrielles de Yopougon. Non, répond le conducteur. Qui demande à son interlocuteur de lever son barrage. Ce qui fut fait. Cinq minutes plus tard, c'est la ville de Bouaké, fief de la rébellion qui nous accueille. Un long barrage de plus de 100 mètres est dressé à ce niveau. Le contrôle est intense et dense. Les véhicules sont beaucoup. Les hommes en armes aussi. Ils montent à bord des véhicules de transport en commun pour "un contrôle ". En réalité, il n'y a pas de contrôle de documents administratifs, comme cela se fait en zone sous contrôle des Forces de défense et de sécurité. Tous les passagers des cars ou de minicars doivent débourser la somme de 100 Fcfa, comme pourboire ou " frais de traverse " à ces éléments. Quant aux camions remorques, la taxe est énorme. Les transporteurs déboursent entre 50 à 100000 Fcfa. Ces différents montants encaissés vont tout droit dans la caisse de la Centrale, une caisse créée par les autorités des Forces nouvelles. Après cette tracasserie, un autre barrage vous accueille à la sortie de la ville sur la route de Bouaké. Même scénario que le premier groupe. Le conducteur de notre véhicule de type 4x4, un originaire de la région du Worodougou joue les jeux de l'alliance. De l'ethnie Koyaka, il demande à son "esclave", un jeune Sénoufo de lever son barrage pour qu'on continue notre route. Aussitôt dit, aussitôt fait. A cet endroit, celui-ci demande qu'on lui donne quelque chose pour boire de l'eau. Ce petit quelque chose se résume en petite monnaie. Celui-ci n'obtient pas gain de cause. Cap est rapidement mis sur la ville du Commandant Vetcho. La voie est agressée à certains endroits faute d'entretien. Cependant, les deux côtés de cette route internationale sont bien entretenus, à l'opposé de l'Autoroute du nord où, les hautes herbes empêchent les conducteurs de voir les deux voies. Malgré cet état de la route, les quelques rares véhicules qui font le transport en commun s'adonnent à cœur joie. Ils font des surcharges qui dépassent le commun des mortels. L'essentiel, c'est d'arriver à destination, malgré les risques d'accidents. A l'entrée de la ville du Général Ouassénan Koné, un autre barrage solidement dressé. Il est encore tenu par des éléments des Forces nouvelles. Un vieil homme d'une soixantaine d'années lève le erse, non sans demander sa pitance quotidienne. " Bon arrivée les Chefs, on est là hein ", lance-t-il. Ce disque entendu quelques minutes plutôt semble être rayé. Il n'émeut pas les occupants du véhicule. Qui sont préoccupés à d'autres choses. Deux minutes après, Katiola s'offre à nous. Un arrêt de quinze minutes est observé. Les occupants qui garent en face du marché de la ville décimée par un incendie quelques semaines plutôt n'ont pas le temps de descendre de leur véhicule. Ils sont envahis par des gamins à peine sevrés du sein maternel. Ces mômes sont, en réalité, les mendiants. Crasseux et vêtus de haillons, ces enfants sans doute, des victimes de la crise sociopolitique que vit le pays depuis sept ans, tendent la main aux premiers venus, dans l'optique d'avoir quelques jetons. Mais, ils n'auront rien. Même pas un centime. Ils sont ignorés. Nous reprenons la route quelques minutes après. Successivement, nous traversons les villes de Fronan, Niakaramadougou, Tafiré. Toutes ces villes traversées ont chacune, deux barrages. Le même refrain est toujours lancé au passage de notre véhicule avec les mêmes réponses. Une autre pause de cinq minutes est observée à Tafiré. Quelque 50 minutes après, c'est la ville du Premier ministre Guillaume Soro, qui nous accueille sous un soleil de plomb. Les rebelles contrairement à leurs collègues rencontrés auparavant sont correctement habillés. " C'est la ville du premier ministre quand même ", lance mon voisin de siège. Qui ne comprend pas le vrai sens de la présence des Forces nouvelles sur la voie. " Guillaume Soro doit donner l'exemple, au moment où l'on parle d'encasernement, de fluidité routière et de libre circulation des personnes et de leurs biens ", dit-il. Il n'achève pas ses propos, quand un homme avec une barbe poussée intime l'ordre au chauffeur pour un contrôle de routine. " Bonjour, où allez-vous. C'est un contrôle. Le droit d'enregistrement est de 1000 Fcfa ", fait-il savoir au conducteur, du reste surpris pas ses propos. Le chauffeur ne cède pas à " ce trafic d'influence ". Il dit au soldat de Soro qu’il n'a pas de droit à lui verser. Ce dernier s'énerve. Il fait appel à un autre, certainement son supérieur. Il lui explique le refus du conducteur. Mais, celui-ci lui demande de lever le barrage pour que le véhicule continue sa route. Juste à la sortie de Ferké. Même scénario. Le conducteur n'a pas la chance cette fois-ci. Il est obligé de payer le ticket de traverse de 2000 Fcfa. Il n'est pas content. Mais, que peut-il faire devant ces personnes ? Absolument rien. L'homme qui connaît cette voie raconte le calvaire des conducteurs maliens et burkinabé qui empruntent presque au quotidien le tronçon Bamako-Abidjan ou Ouagadougou-Abidjan. " C'est comme cela partout. Quand tu prends leurs zones, (parlant des éléments des Forces nouvelles), ils te rackettent jusqu'à la frontière ", dit-il. Après cette "rançon ", le cap est mis sur la ville de Ouangolodougou. Cette distance de moins de 60 kilomètres est parcourue en 1h 45 minutes à cause de l'état défectueux de la route. Comme à Ferké et les autres villes, la traversée est identique avec les mêmes chantages de ceux qui font la pluie et le beau temps dans cette partie de la Côte d'Ivoire. Le contrôle est aussi renforcé qu'à Bouaké. Les frontières du Burkina Faso et du Mali ne sont pas loin. Tous les passagers sont passés au peigne fin. Notre véhicule a été fouillé de fond en comble par les éléments de cette ville, avant de poursuivre notre voyage. De Ouangolodougou à Pogo, la voie contrairement aux autres routes est meilleure. Le bitume n'est pas encore agressé par les intempéries. Ce qui permet de relier rapidement les villes de Niéllé, de Diawalla et de Pogo, notre destination finale. Non sans que le chauffeur ne donne quelques coups de freins aux différents corridors de ces villes, à l'exception de celle de Diawalla. Où, le Commandant de zone de la localité, un ancien chauffeur, a décidé de ne mettre de barrage dans " sa ville ". 18 h 30. Nous arrivons à Zegoua, première ville malienne pour remplir les formalités administratives, après 11 heures de route en véhicule personnel avec des " d'arrêts forcés " à chaque entrée et sortie des villes sous contrôles des rebelles. Où, la libre circulation des biens et des personnes reste encore un sujet tabou, contrairement à la zone sud. Dans les véhicules de voyages, ce trajet est tout autre. Simplement, un véritable calvaire.
Joseph Atoumgbré
attjoseph@yahoo.fr
La libre circulation des biens et des personnes sur l'ensemble du territoire national est une préoccupation majeure pour les autorités ivoiriennes. L'Etat a, à travers le chef d'état-major des armées a levé les barrages des Forces de défense et de sécurité de la zone sud. Ce n'est pas encore le cas dans les zones sous contrôle des ex-rebelles. Périple d'un voyage tumultueux. Il est un peu plus de 8 heures, en ce vendredi du mois de juillet lorsque nous quittions la capitale économique de la Côte d'Ivoire. Un vent glacial souffle sur la ville après la grande pluie qui s'est abattue quelques heures auparavant. Notre compagnon de route, un jeune homme d'une quarantaine d'années, commerçant, originaire de la ville de Zegoua, première ville du Mali, explique avec fierté le passé glorieux de la Côte d'Ivoire. Où, les gens revenaient sans être inquiétés. Une période où, le nord et le sud étaient en harmonie. Notre débat nous amène très souvent sur la situation politique que traverse la Côte d'Ivoire depuis septembre 2002, de la division du pays…et des nombreux barrages des forces de l'ordre sur les différentes routes. Parlant de ce dernier aspect, nous traversons rapidement les villes de Toumodi, Yamoussoukro et Bouaké en quelques heures seulement. Quelque 3 heures après notre départ, nous franchissons rapidement Djébonoua, première ville tenue par les forces nouvelles. Un barrage se dresse à nous. Cela nous indique que nous sommes sur un autre territoire. Celui tenu par les ex-rebelles. Sous un appatam, quatre jeunes en treillis de couleur grise, prennent leur thé. Deux autres tiennent le barrage qu'ils ont dressé avec un erse. Tout automobiliste est obligé de marquer un arrêt. " Vous êtes à un barrage. Y a pas de l'eau à boire pour nous ", lance l'un d'entre eux chaussé lui, dans une paire dite " lêkê ", une chaussure en plastique fabriquée en zones industrielles de Yopougon. Non, répond le conducteur. Qui demande à son interlocuteur de lever son barrage. Ce qui fut fait. Cinq minutes plus tard, c'est la ville de Bouaké, fief de la rébellion qui nous accueille. Un long barrage de plus de 100 mètres est dressé à ce niveau. Le contrôle est intense et dense. Les véhicules sont beaucoup. Les hommes en armes aussi. Ils montent à bord des véhicules de transport en commun pour "un contrôle ". En réalité, il n'y a pas de contrôle de documents administratifs, comme cela se fait en zone sous contrôle des Forces de défense et de sécurité. Tous les passagers des cars ou de minicars doivent débourser la somme de 100 Fcfa, comme pourboire ou " frais de traverse " à ces éléments. Quant aux camions remorques, la taxe est énorme. Les transporteurs déboursent entre 50 à 100000 Fcfa. Ces différents montants encaissés vont tout droit dans la caisse de la Centrale, une caisse créée par les autorités des Forces nouvelles. Après cette tracasserie, un autre barrage vous accueille à la sortie de la ville sur la route de Bouaké. Même scénario que le premier groupe. Le conducteur de notre véhicule de type 4x4, un originaire de la région du Worodougou joue les jeux de l'alliance. De l'ethnie Koyaka, il demande à son "esclave", un jeune Sénoufo de lever son barrage pour qu'on continue notre route. Aussitôt dit, aussitôt fait. A cet endroit, celui-ci demande qu'on lui donne quelque chose pour boire de l'eau. Ce petit quelque chose se résume en petite monnaie. Celui-ci n'obtient pas gain de cause. Cap est rapidement mis sur la ville du Commandant Vetcho. La voie est agressée à certains endroits faute d'entretien. Cependant, les deux côtés de cette route internationale sont bien entretenus, à l'opposé de l'Autoroute du nord où, les hautes herbes empêchent les conducteurs de voir les deux voies. Malgré cet état de la route, les quelques rares véhicules qui font le transport en commun s'adonnent à cœur joie. Ils font des surcharges qui dépassent le commun des mortels. L'essentiel, c'est d'arriver à destination, malgré les risques d'accidents. A l'entrée de la ville du Général Ouassénan Koné, un autre barrage solidement dressé. Il est encore tenu par des éléments des Forces nouvelles. Un vieil homme d'une soixantaine d'années lève le erse, non sans demander sa pitance quotidienne. " Bon arrivée les Chefs, on est là hein ", lance-t-il. Ce disque entendu quelques minutes plutôt semble être rayé. Il n'émeut pas les occupants du véhicule. Qui sont préoccupés à d'autres choses. Deux minutes après, Katiola s'offre à nous. Un arrêt de quinze minutes est observé. Les occupants qui garent en face du marché de la ville décimée par un incendie quelques semaines plutôt n'ont pas le temps de descendre de leur véhicule. Ils sont envahis par des gamins à peine sevrés du sein maternel. Ces mômes sont, en réalité, les mendiants. Crasseux et vêtus de haillons, ces enfants sans doute, des victimes de la crise sociopolitique que vit le pays depuis sept ans, tendent la main aux premiers venus, dans l'optique d'avoir quelques jetons. Mais, ils n'auront rien. Même pas un centime. Ils sont ignorés. Nous reprenons la route quelques minutes après. Successivement, nous traversons les villes de Fronan, Niakaramadougou, Tafiré. Toutes ces villes traversées ont chacune, deux barrages. Le même refrain est toujours lancé au passage de notre véhicule avec les mêmes réponses. Une autre pause de cinq minutes est observée à Tafiré. Quelque 50 minutes après, c'est la ville du Premier ministre Guillaume Soro, qui nous accueille sous un soleil de plomb. Les rebelles contrairement à leurs collègues rencontrés auparavant sont correctement habillés. " C'est la ville du premier ministre quand même ", lance mon voisin de siège. Qui ne comprend pas le vrai sens de la présence des Forces nouvelles sur la voie. " Guillaume Soro doit donner l'exemple, au moment où l'on parle d'encasernement, de fluidité routière et de libre circulation des personnes et de leurs biens ", dit-il. Il n'achève pas ses propos, quand un homme avec une barbe poussée intime l'ordre au chauffeur pour un contrôle de routine. " Bonjour, où allez-vous. C'est un contrôle. Le droit d'enregistrement est de 1000 Fcfa ", fait-il savoir au conducteur, du reste surpris pas ses propos. Le chauffeur ne cède pas à " ce trafic d'influence ". Il dit au soldat de Soro qu’il n'a pas de droit à lui verser. Ce dernier s'énerve. Il fait appel à un autre, certainement son supérieur. Il lui explique le refus du conducteur. Mais, celui-ci lui demande de lever le barrage pour que le véhicule continue sa route. Juste à la sortie de Ferké. Même scénario. Le conducteur n'a pas la chance cette fois-ci. Il est obligé de payer le ticket de traverse de 2000 Fcfa. Il n'est pas content. Mais, que peut-il faire devant ces personnes ? Absolument rien. L'homme qui connaît cette voie raconte le calvaire des conducteurs maliens et burkinabé qui empruntent presque au quotidien le tronçon Bamako-Abidjan ou Ouagadougou-Abidjan. " C'est comme cela partout. Quand tu prends leurs zones, (parlant des éléments des Forces nouvelles), ils te rackettent jusqu'à la frontière ", dit-il. Après cette "rançon ", le cap est mis sur la ville de Ouangolodougou. Cette distance de moins de 60 kilomètres est parcourue en 1h 45 minutes à cause de l'état défectueux de la route. Comme à Ferké et les autres villes, la traversée est identique avec les mêmes chantages de ceux qui font la pluie et le beau temps dans cette partie de la Côte d'Ivoire. Le contrôle est aussi renforcé qu'à Bouaké. Les frontières du Burkina Faso et du Mali ne sont pas loin. Tous les passagers sont passés au peigne fin. Notre véhicule a été fouillé de fond en comble par les éléments de cette ville, avant de poursuivre notre voyage. De Ouangolodougou à Pogo, la voie contrairement aux autres routes est meilleure. Le bitume n'est pas encore agressé par les intempéries. Ce qui permet de relier rapidement les villes de Niéllé, de Diawalla et de Pogo, notre destination finale. Non sans que le chauffeur ne donne quelques coups de freins aux différents corridors de ces villes, à l'exception de celle de Diawalla. Où, le Commandant de zone de la localité, un ancien chauffeur, a décidé de ne mettre de barrage dans " sa ville ". 18 h 30. Nous arrivons à Zegoua, première ville malienne pour remplir les formalités administratives, après 11 heures de route en véhicule personnel avec des " d'arrêts forcés " à chaque entrée et sortie des villes sous contrôles des rebelles. Où, la libre circulation des biens et des personnes reste encore un sujet tabou, contrairement à la zone sud. Dans les véhicules de voyages, ce trajet est tout autre. Simplement, un véritable calvaire.
Joseph Atoumgbré
attjoseph@yahoo.fr