Dans l’état civil ivoirien, tous les noms ne sont pas les bienvenus. .
Dongo Alléchi doit encore attendre quelques jours pour savoir si son dernier fils pourra porter le nom de son choix. Ses documents sous l’aisselle gauche, le nouveau père quitte la cour de la mairie de Yopougon avec une mine de désolation. Au guichet n°6 du service d’état civil, l’agent qui l’a reçu, vient de lui signifier que Alléchi ne peut pas être le nom de l’enfant. Il est demandé au géniteur de se contenter du patronyme Dongo. Le requérant appartient à une ethnie du Sud de la Côte d’Ivoire. Ce jeudi 19 août est en principe la date de retrait de l’extrait d’acte de naissance de son fils, avec les mentions qu’il a lui-même dictées au commis trois jours plus tôt. C’était le jour de la déclaration de naissance. Pendant l’attente, le papa a changé d’avis. Il ne souhaite plus que l’appellation de son nouveau-né commence par Dongo, mais par Alléchi qui se trouve être son propre prénom. La requête est rejetée. Le service d’état civil lui recommande de transmettre à son bébé le nom qui est aussi celui de son père à lui. Mécontent, M. Dongo quitte la mairie en marmonnant.
Il est 10h. Le couloir principal de l’établissement, presque vide à notre arrivée, à 8h, s’anime progressivement. Rien de surprenant, c’est le principal service d’état civil de la plus grande commune du pays. Un long mur sépare les travailleurs des visiteurs qui viennent pour divers services.
Il faut rapidement trouver un responsable qui va élucider le cas Dongo. Appelés par une secrétaire, Bogui Dégny Martin, chef de centre, et Boka Kotchi Lucien se présentent dans la salle d’attente et nous demandent de les suivre dans l’un des bureaux où l’on statue sur les cas litigieux. M. Bogui connaît bien le dossier Dongo pour l’avoir vu le jour de la déclaration et pour avoir reçu, ce matin-même, le père venu avec un nouvel avis. «Nous lui avons demandé de garder le nom Dongo pour son fils parce que c’est son nom de famille. S’il s’entête à l’appeler Alléchi, cet enfant connaîtra plus tard des difficultés pour se faire établir des documents administratifs », explique l’administrateur. Si le père tient à utiliser son prénom comme le nom de son fils, il devra revenir avec une autorisation du procureur de la République près le tribunal de Yopougon. «Pour toute autre option, il faut une réquisition du procureur», ajoute son collègue qui brandit un exemplaire de la loi 64 n°374 du 17 octobre 1964 relatif à l’état civil. Elle comporte d’autres dispositions qui vont faire oublier l’affaire Dongo. Dans le chapitre relatif aux mentions devant figurer dans l’acte, au point ‘’e’’, il est écrit que « l’acte de naissance énonce le ou les prénoms. La loi ne limite pas le nombre de prénoms. Par contre, il ne peut être donné à l’enfant de prénoms autres que ceux figurant dans les différents calendriers ou consacrés par les usages et la tradition.» Les interlocuteurs relatent plusieurs cas de refus comme celui de ce père qui avait voulu donner à son fils le prénom coréen Yo Jin qu’il aime tant. Ici, tout prénom ne figurant pas sur le calendrier grégorien ou hégirien est rejeté, sauf avis favorable du procureur. Voilà comment dame Doumbia Mariam, une requérante qui nous a rejoints pendant la conversation, a pu faire valider le prénom de sa fille Khadija. Quand c’est un prénom typiquement ivoirien, son authenticité et sa signification sont d’abord vérifiés auprès d’un tiers appartenant à l’ethnie concernée.
Aussi pour donner à son enfant un prénom mondialement connu, le demandeur doit absolument présenter l’accord du porteur. De cette façon, un père qui avait voulu appeler son enfant Mitterrand a dû écrire, en son temps, à l’ex-président français afin que celui-ci adresse une autorisation écrite spéciale. C’est à la suite de cette procédure hypothétique qu’il a pu réaliser son rêve d’avoir dans sa famille quelqu’un qui porte le même nom que son idole. La loi c’est la loi, même quand elle enchaîne de simples noms.
Cissé Sindou
Dongo Alléchi doit encore attendre quelques jours pour savoir si son dernier fils pourra porter le nom de son choix. Ses documents sous l’aisselle gauche, le nouveau père quitte la cour de la mairie de Yopougon avec une mine de désolation. Au guichet n°6 du service d’état civil, l’agent qui l’a reçu, vient de lui signifier que Alléchi ne peut pas être le nom de l’enfant. Il est demandé au géniteur de se contenter du patronyme Dongo. Le requérant appartient à une ethnie du Sud de la Côte d’Ivoire. Ce jeudi 19 août est en principe la date de retrait de l’extrait d’acte de naissance de son fils, avec les mentions qu’il a lui-même dictées au commis trois jours plus tôt. C’était le jour de la déclaration de naissance. Pendant l’attente, le papa a changé d’avis. Il ne souhaite plus que l’appellation de son nouveau-né commence par Dongo, mais par Alléchi qui se trouve être son propre prénom. La requête est rejetée. Le service d’état civil lui recommande de transmettre à son bébé le nom qui est aussi celui de son père à lui. Mécontent, M. Dongo quitte la mairie en marmonnant.
Il est 10h. Le couloir principal de l’établissement, presque vide à notre arrivée, à 8h, s’anime progressivement. Rien de surprenant, c’est le principal service d’état civil de la plus grande commune du pays. Un long mur sépare les travailleurs des visiteurs qui viennent pour divers services.
Il faut rapidement trouver un responsable qui va élucider le cas Dongo. Appelés par une secrétaire, Bogui Dégny Martin, chef de centre, et Boka Kotchi Lucien se présentent dans la salle d’attente et nous demandent de les suivre dans l’un des bureaux où l’on statue sur les cas litigieux. M. Bogui connaît bien le dossier Dongo pour l’avoir vu le jour de la déclaration et pour avoir reçu, ce matin-même, le père venu avec un nouvel avis. «Nous lui avons demandé de garder le nom Dongo pour son fils parce que c’est son nom de famille. S’il s’entête à l’appeler Alléchi, cet enfant connaîtra plus tard des difficultés pour se faire établir des documents administratifs », explique l’administrateur. Si le père tient à utiliser son prénom comme le nom de son fils, il devra revenir avec une autorisation du procureur de la République près le tribunal de Yopougon. «Pour toute autre option, il faut une réquisition du procureur», ajoute son collègue qui brandit un exemplaire de la loi 64 n°374 du 17 octobre 1964 relatif à l’état civil. Elle comporte d’autres dispositions qui vont faire oublier l’affaire Dongo. Dans le chapitre relatif aux mentions devant figurer dans l’acte, au point ‘’e’’, il est écrit que « l’acte de naissance énonce le ou les prénoms. La loi ne limite pas le nombre de prénoms. Par contre, il ne peut être donné à l’enfant de prénoms autres que ceux figurant dans les différents calendriers ou consacrés par les usages et la tradition.» Les interlocuteurs relatent plusieurs cas de refus comme celui de ce père qui avait voulu donner à son fils le prénom coréen Yo Jin qu’il aime tant. Ici, tout prénom ne figurant pas sur le calendrier grégorien ou hégirien est rejeté, sauf avis favorable du procureur. Voilà comment dame Doumbia Mariam, une requérante qui nous a rejoints pendant la conversation, a pu faire valider le prénom de sa fille Khadija. Quand c’est un prénom typiquement ivoirien, son authenticité et sa signification sont d’abord vérifiés auprès d’un tiers appartenant à l’ethnie concernée.
Aussi pour donner à son enfant un prénom mondialement connu, le demandeur doit absolument présenter l’accord du porteur. De cette façon, un père qui avait voulu appeler son enfant Mitterrand a dû écrire, en son temps, à l’ex-président français afin que celui-ci adresse une autorisation écrite spéciale. C’est à la suite de cette procédure hypothétique qu’il a pu réaliser son rêve d’avoir dans sa famille quelqu’un qui porte le même nom que son idole. La loi c’est la loi, même quand elle enchaîne de simples noms.
Cissé Sindou