Sous les cieux, la honte ne tue plus. Sinon, le chef de l’Etat Laurent Gbagbo n’aurait pas mis les pieds mercredi dernier à Korhogo, la capitale du grand Nord. En 2008, lors de sa visite d’Etat, le camarade socialiste avait promis, pour quelques mois seulement, le bitume dans les principales artères de Korhogo. Deux ans après sa déclaration, l’action n’a pas suivi la parole. Assurément, le fait n’est pas nouveau et la démarche quasiment inscrite dans la conception du pouvoir de l’ancien opposant dit historique. Quand cet homme, qui se plait à revendiquer le fait d’avoir «agi pour les libertés», était dans la contestation politique, à animer des meetings et à opérer des marches démocratiques, que de promesses n’a-t-il pas faites aux Ivoiriens, sur sa capacité à pouvoir former simultanément dix gouvernements, et surtout, à «gouverner autrement et mieux la Côte d’Ivoire» ? A l’écouter, il était un homme neuf et nouveau, considéré comme un «messie» par ses inconditionnels, venu prêcher « la bonne nouvelle du salut».
Gbagbo dans l’opposition : le temps des idées généreuses
Quand il était dans l’opposition, à gérer ce que Laurent Dona-Fologo qualifiait de « ministère de la parole », Laurent Gbagbo passait le clair de son temps à vanter sa capacité à « gouverner autrement et mieux la Côte d’Ivoire ». Pas un jour ne passait sans qu’il ne nous demande de lui « donner le pouvoir pour qu’il nous le rétrocède ».
Dans la foulée, il nous a brandi « une nouvelle alternative démocratique », qui véhiculait une pléthore de promesses aux Ivoiriens. En la matière, Laurent Gbagbo en a fait beaucoup à ses compatriotes. A tour de bras, le camarade socialiste a promis, entre autres, «la démocratie comme levier du développement économique», «la transition pacifique au pouvoir d’Etat». Aux jeunes, il a promis la création de dix universités. Aux planteurs, l’achat du kilogramme de cacao à 3000frs, la réduction du budget de souveraineté du chef de l’Etat, l’assurance maladie universelle, l’Indépendance de la justice, la lutte contre l’enrichissement illicite et les détournements de deniers publics, la promotion de la démocratie, la création d’emplois pour les citoyens et la prospérité pour la Côte d’Ivoire. Partout, il clamait être à même de « gérer la Côte d’Ivoire » pour le bonheur de tous, par une répartition des ressources économiques. Tirant à boulets rouges sur les tenants du parti au pouvoir d’alors, ses partisans et lui, se vantaient très sensément d’être des « poches de moralité », venues en politique pour « refonder la Côte d’Ivoire ». Gbagbo voulait non seulement «agir pour les libertés», bien plus, il avait, selon ses propres dires, des «propositions pour gouverner». Pendant dix ans au moins, le quotidien des Ivoiriens était rythmé par les déclarations de l’ancien opposant historique. Quand, en octobre 2000, par un «soulèvement populaire», appuyé par une partie de l’armée, Gbagbo a pris les rênes du pays, les Ivoiriens espéraient voir l’homme mettre en pratique ses professions de foi de l’opposition. L’occasion était vraiment belle pour lui de démontrer qu’il pouvait faire mieux que les pouvoirs précédents.
La décennie de pouvoir Gbagbo : la catastrophe
Depuis dix ans qu’il est aux affaires en Côte d’Ivoire, on ne peut pas dire que Laurent Gbagbo a eu la main heureuse, du moins la volonté de mettre en œuvre, ses grandes proclamations. C’est peu de dire qu’il a propulsé son pays dans les méandres et abysses du chaos. Sur tous les plans, le verbe ne s’est pas transformé en actions. Au plan politique, « la transition pacifique au pouvoir » n’a pas prospéré.
L’ancien opposant dit historique est arrivé au pouvoir par un coup de force. Plus grave, la démocratie qu’il annonçait n’est jamais venue. Son règne sera plutôt émaillé de nombreux complots visant à discréditer ses adversaires et à ouvrir le temps de la répression pour ceux qui n’adhèrent pas à la refondation. Les libertés individuelles et collectives seront embrigadées. On peut compter du bout des doigts, les rares fois que ses compatriotes ont pu marcher pour dénoncer les travers de son régime. La liberté de la presse tant louée dans l’opposition est restée au stade des grands discours et slogans. Les journaux qui ne font pas le panégyrique de Laurent Gbagbo deviennent automatiquement « les ennemis de la Côte d’Ivoire ».
On constate aisément que c’est sous le camarade socialiste que des journalistes ont été tués. Jean Hélène, le correspondant de RFI a été froidement abattu par un policier à la solde du régime quand Guy André Kieffer a été enlevé dans le parking d’un supermarché et porté disparu depuis quelques années. Au plan éducatif, les dix universités promises ne sont jamais venues. Les existantes, créées par Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara sont prises en otage par la FESCI qui jouit de la licence et de la protection du pouvoir. Quant à eux, les agriculteurs n’ont pas encore bénéficié de l’achat du kilo de cacao à 3000 frs. Ils ont plutôt été spoliés du fruit de leur labeur. Des hommes et femmes nommés par Gbagbo, qui croupissent en ce moment en prison, depuis deux ans, ont détourné des centaines de milliards.
On ne peut pas passer sous silence l’usine fantôme achetée aux Etats Unis, à cent milliards. Comme nous sommes à quelques semaines de la présidentielle, Gbagbo vient de fixer le kilo de cacao à 1100 FCFA. Personne n’est dupe sur les visées électoralistes de sa démarche. Par ailleurs, la moralisation de la vie publique demeure un véritable serpent de mer. Les anciennes «poches de moralité» ont oublié leurs proclamations dès la prise du pouvoir. Depuis dix ans, la vie de la nation se résume à l’éclatement de scandales dont les plus récents sont ceux des déchets toxiques, des faux dollars, des 100 milliards de Trafigura, des emplois fictifs de la Présidence, des fonds extorqués à une maison de téléphonie mobile, de la manne pétrolière jamais déclarée au budget national. A présent, l’affairisme est le vecteur commun aux refondateurs qui se sont enrichis sur le dos des Ivoiriens. Il ne pouvait en être autrement quand le grand chef lui- même qui avait promis de réduire le budget de souveraineté qui était de 15 milliards, l’a fait passer à plus de 75 milliards.
Les refondateurs, ces «nouveaux riches», comme on les appelle en Côte d’Ivoire, ne finissent pas de piller les ressources nationales. Depuis dix ans, c’est le temps de la curée. Laurent Gbagbo l’a dit ouvertement à ses compatriotes : «avant, on n’avait rien. Maintenant, on a un peu». Sans pouvoir nous dire quelles activités ses amis et lui ont entreprises pour avoir de telles fortunes. Point n’est encore besoin de parler de la Justice. Elle est devenue quasiment une officine du FPI qui en use et en abuse, pour des besoins politiciens.
Alors qu’il a déjà bouclé dix ans au pouvoir, Laurent Gbagbo, à la veille de la présidentielle, continue de faire des promesses. Oubliant que lui, qui avait en gestion, «la Côte d’Ivoire utile» n’a aucun bilan à proposer aux Ivoiriens. Une vie de promesses, que la gouvernance Gbagbo, pourrait-on dire.
Bakary Nimaga
Gbagbo dans l’opposition : le temps des idées généreuses
Quand il était dans l’opposition, à gérer ce que Laurent Dona-Fologo qualifiait de « ministère de la parole », Laurent Gbagbo passait le clair de son temps à vanter sa capacité à « gouverner autrement et mieux la Côte d’Ivoire ». Pas un jour ne passait sans qu’il ne nous demande de lui « donner le pouvoir pour qu’il nous le rétrocède ».
Dans la foulée, il nous a brandi « une nouvelle alternative démocratique », qui véhiculait une pléthore de promesses aux Ivoiriens. En la matière, Laurent Gbagbo en a fait beaucoup à ses compatriotes. A tour de bras, le camarade socialiste a promis, entre autres, «la démocratie comme levier du développement économique», «la transition pacifique au pouvoir d’Etat». Aux jeunes, il a promis la création de dix universités. Aux planteurs, l’achat du kilogramme de cacao à 3000frs, la réduction du budget de souveraineté du chef de l’Etat, l’assurance maladie universelle, l’Indépendance de la justice, la lutte contre l’enrichissement illicite et les détournements de deniers publics, la promotion de la démocratie, la création d’emplois pour les citoyens et la prospérité pour la Côte d’Ivoire. Partout, il clamait être à même de « gérer la Côte d’Ivoire » pour le bonheur de tous, par une répartition des ressources économiques. Tirant à boulets rouges sur les tenants du parti au pouvoir d’alors, ses partisans et lui, se vantaient très sensément d’être des « poches de moralité », venues en politique pour « refonder la Côte d’Ivoire ». Gbagbo voulait non seulement «agir pour les libertés», bien plus, il avait, selon ses propres dires, des «propositions pour gouverner». Pendant dix ans au moins, le quotidien des Ivoiriens était rythmé par les déclarations de l’ancien opposant historique. Quand, en octobre 2000, par un «soulèvement populaire», appuyé par une partie de l’armée, Gbagbo a pris les rênes du pays, les Ivoiriens espéraient voir l’homme mettre en pratique ses professions de foi de l’opposition. L’occasion était vraiment belle pour lui de démontrer qu’il pouvait faire mieux que les pouvoirs précédents.
La décennie de pouvoir Gbagbo : la catastrophe
Depuis dix ans qu’il est aux affaires en Côte d’Ivoire, on ne peut pas dire que Laurent Gbagbo a eu la main heureuse, du moins la volonté de mettre en œuvre, ses grandes proclamations. C’est peu de dire qu’il a propulsé son pays dans les méandres et abysses du chaos. Sur tous les plans, le verbe ne s’est pas transformé en actions. Au plan politique, « la transition pacifique au pouvoir » n’a pas prospéré.
L’ancien opposant dit historique est arrivé au pouvoir par un coup de force. Plus grave, la démocratie qu’il annonçait n’est jamais venue. Son règne sera plutôt émaillé de nombreux complots visant à discréditer ses adversaires et à ouvrir le temps de la répression pour ceux qui n’adhèrent pas à la refondation. Les libertés individuelles et collectives seront embrigadées. On peut compter du bout des doigts, les rares fois que ses compatriotes ont pu marcher pour dénoncer les travers de son régime. La liberté de la presse tant louée dans l’opposition est restée au stade des grands discours et slogans. Les journaux qui ne font pas le panégyrique de Laurent Gbagbo deviennent automatiquement « les ennemis de la Côte d’Ivoire ».
On constate aisément que c’est sous le camarade socialiste que des journalistes ont été tués. Jean Hélène, le correspondant de RFI a été froidement abattu par un policier à la solde du régime quand Guy André Kieffer a été enlevé dans le parking d’un supermarché et porté disparu depuis quelques années. Au plan éducatif, les dix universités promises ne sont jamais venues. Les existantes, créées par Houphouët-Boigny et Alassane Ouattara sont prises en otage par la FESCI qui jouit de la licence et de la protection du pouvoir. Quant à eux, les agriculteurs n’ont pas encore bénéficié de l’achat du kilo de cacao à 3000 frs. Ils ont plutôt été spoliés du fruit de leur labeur. Des hommes et femmes nommés par Gbagbo, qui croupissent en ce moment en prison, depuis deux ans, ont détourné des centaines de milliards.
On ne peut pas passer sous silence l’usine fantôme achetée aux Etats Unis, à cent milliards. Comme nous sommes à quelques semaines de la présidentielle, Gbagbo vient de fixer le kilo de cacao à 1100 FCFA. Personne n’est dupe sur les visées électoralistes de sa démarche. Par ailleurs, la moralisation de la vie publique demeure un véritable serpent de mer. Les anciennes «poches de moralité» ont oublié leurs proclamations dès la prise du pouvoir. Depuis dix ans, la vie de la nation se résume à l’éclatement de scandales dont les plus récents sont ceux des déchets toxiques, des faux dollars, des 100 milliards de Trafigura, des emplois fictifs de la Présidence, des fonds extorqués à une maison de téléphonie mobile, de la manne pétrolière jamais déclarée au budget national. A présent, l’affairisme est le vecteur commun aux refondateurs qui se sont enrichis sur le dos des Ivoiriens. Il ne pouvait en être autrement quand le grand chef lui- même qui avait promis de réduire le budget de souveraineté qui était de 15 milliards, l’a fait passer à plus de 75 milliards.
Les refondateurs, ces «nouveaux riches», comme on les appelle en Côte d’Ivoire, ne finissent pas de piller les ressources nationales. Depuis dix ans, c’est le temps de la curée. Laurent Gbagbo l’a dit ouvertement à ses compatriotes : «avant, on n’avait rien. Maintenant, on a un peu». Sans pouvoir nous dire quelles activités ses amis et lui ont entreprises pour avoir de telles fortunes. Point n’est encore besoin de parler de la Justice. Elle est devenue quasiment une officine du FPI qui en use et en abuse, pour des besoins politiciens.
Alors qu’il a déjà bouclé dix ans au pouvoir, Laurent Gbagbo, à la veille de la présidentielle, continue de faire des promesses. Oubliant que lui, qui avait en gestion, «la Côte d’Ivoire utile» n’a aucun bilan à proposer aux Ivoiriens. Une vie de promesses, que la gouvernance Gbagbo, pourrait-on dire.
Bakary Nimaga