Les termes sont clairs, les consignes tout aussi limpides. Dans cette interview qu’il nous a accordée, le Professeur Moriféré Bamba, secrétaire général du Parti pour le Progrès et le socialisme (PPS) et président du Congrès pour une alternative populaire (CAP) qui regroupe plusieurs formations politiques et de nombreux mouvements de la société civile, appelle les Ivoiriens à porter leur choix sur ADO, le 31 octobre prochain. Pour qui connaît le parcours politique de l’homme et le combat qu’il a mené avec Gbagbo dans l’opposition, le soutien vaut son pesant d’or.
Patriote : A quelques semaines de l’élection présidentielle, l’heure est au bilan du président sortant. Comment pouvez-vous qualifier, en peu de mots, le bilan du président sortant, Laurent Gbagbo?
Bamba Moriféré : L’échéance du 31 octobre représente un enjeu considérable pour les Ivoiriens. On peut dire, en effet, sans se tromper, que ce sera la première élection démocratique, libre, concurrentielle et transparente de la Côte d’Ivoire indépendante. On se souvient que le multipartisme est intervenu en Côte d’Ivoire en Avril 1990. Il est évident que sous le parti unique, l’élection n’était pas concurrentielle, même si feu le président Houphouët-Boigny bénéficiait d’une certaine légitimité historique. Cette élection représente pour les Ivoiriens, un rendez vous important. Pour ma part, force est de constater que la Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi sinistrée dans tous les domaines. Le bilan de Laurent Gbagbo est négatif. En ce qui concerne l’unité nationale, on a continué encore ces derniers temps à inciter des Ivoiriens à aller tenter de radier d’autres Ivoiriens sur la liste électorale sans autres preuves que la consonance du nom. Il y a là, une tentation tribaliste et ethnocentriste qui ne dit pas son nom. Après 50 ans d’indépendance, on devrait pouvoir épargner la Côte d’Ivoire d’un tel spectacle. Le pays n’a jamais été aussi divisé et ce, par le fait du pouvoir actuel. Quant aux grands services de base de l’Etat, ils sont tous sinistrés. Prenons le cas de l’Ecole. Notre université n’a d’université que de nom. Les conditions de travail, aussi bien des étudiants que des enseignants, y sont désastreuses. Il n’y a qu’à voir les résultats scolaires. Conséquence : 80% des diplômés qui sortent des écoles, des universités et des écoles de l’enseignement professionnel sont au chômage. C’est pourquoi, lorsque l’on entend le candidat Laurent Gbagbo promettre la construction de 10 Universités nouvelles en cas de victoire, alors même qu’il a été incapable de maintenir en l’état et d’entretenir convenablement les universités existantes dont celle de Cocody, on ne peut y voir que de la démagogie pure. En ce qui concerne la santé, les services sont en dégradation constante, les hôpitaux ne remplissent plus leur rôle. Les cadres supérieurs de la santé sont pratiquement obligés de se disperser dans le privé, parce que les salaires ne suivent pas, les conditions de travail des enseignants et des étudiants se sont gravement dégradées, la fonction enseignante n’est plus valorisée. On peut dire la même chose de l’emploi, dont l’offre est quasi nulle, de sorte que le chômage des jeunes a atteint un niveau sans précédent. On constate en pratique une privatisation rampante et sauvage de fait des services de base, à cause de la démission de l’Etat, je veux parler de l’enseignement public. Bien sûr, l’enseignement privé peut et doit exister et jouer le rôle qui est le sien, mais il doit être et demeurer un appoint à l’enseignement public. L’Etat, dans ce domaine doit jouer pleinement son rôle. Nous sommes, je veux parler de ma génération, les enfants de l’école publique, à ce titre, nous n’avons pas le droit de tuer l’école publique. Aujourd’hui, cette école publique a foutu le camp. Pendant ce temps, les tenants du pouvoir FPI s’enrichissent de manière insolente, la corruption, les détournements des deniers publics et l’impunité des crimes économiques sont érigés en méthode de gouvernement. Les valeurs morales sont foulées au pied, la médiocrité étant érigée en exemple, la notion de mérite a disparu, les jeunes générations n’ont plus de repère. Dans de telles conditions, lorsque j’entends Laurent Gbagbo dire qu’il est le «candidat de l’indépendance de la Côte d’Ivoire», cela me faire sourire, car, il est de notoriété publique que l’économie nationale n’a jamais été autant entre les mains de l’étranger, que sous le régime FPI, régime soi-disant de gauche. Quel est donc ce régime nationaliste qui maintient les Ivoiriens en dehors des affaires de leur propre pays? Voilà le bilan succinct de Laurent Gbagbo et du régime FPI. Ce bilan est totalement négatif, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un pays quasi sinistré malgré ses nombreuses richesses. C’est pourquoi, je considère qu’aujourd’hui, l’essentiel, le principal pour tout démocrate, progressiste ou républicain, c’est de se mobiliser pour bouter Laurent Gbagbo hors du pouvoir, par la voie démocratique des urnes le 31 Octobre prochain et amorcer le changement démocratique attendu par la majorité des Ivoiriens. Je reste convaincu que les Ivoiriens sortiront massivement pour sanctionner ce régime le 31 octobre prochain.
LP : Que pensez-vous de l’argument selon lequel la guerre a empêché Gbagbo de dérouler son programme?
BM : C’est un argument fallacieux. Quand on observe bien cette période, on se rend compte que la guerre n’a concerné de manière spécifique que la partie Nord du pays, et cela, sur une courte période. Mais regardons le budget de l’Etat, il a été en constante augmentation. Qu’a-t-on fait de cet argent? Aucun investissement n’a été réalisé. C’est la corruption qui a gangrené l’économie nationale. La question des détournements dans la filière café-cacao n’est toujours pas éclaircie. Il est trop facile d’évoquer la guerre. Il y a eu également l’augmentation constante des budgets de souveraineté alloués au président de la République. De 15 milliards de F CFA sous l’ère Bédié, ils sont passés à 75 milliards de F CFA aujourd’hui. Le régime FPI a étalé au grand jour toute son incompétence et son incapacité à gérer et a gouverner la Côte d’Ivoire. Lorsque nous avions obtenu le multipartisme formel le 30 avril 1990, il y a eu des avancées démocratiques, notamment en ce qui concerne les médias d’Etat et de service public. Aujourd’hui, ces medias sont caporalisés et sont au bénéfice et au service du clan et de la famille présidentielle. Peut-on dire que ça aussi, c’est le fait de la guerre ? Invoquer la guerre, c’est un argument fallacieux. Ce bilan n’a rien à avoir avec la guerre. Je pense que sur cette question, les Ivoiriens ne sont pas dupes. D’ailleurs, il n’y a qu’à observer la vitesse avec laquelle les résidences luxueuses et autres châteaux sont construits tous les jours par des individus qui ne peuvent le justifier de manière licite par leurs seuls salaires.
LP : Vous avez décidé de soutenir Alassane Ouattara. En tant qu’homme de Gauche et en tant qu’un des leaders historiques de la Gauche en Côte d’Ivoire, on s’attendait à vous voir par exemple du côté de Francis Wodié, dès lors que vous n’êtes pas candidat vous-même. Pourquoi donc ce choix?
BM : Nous nous sommes engagés dans le cadre du PPS et du Congrès pour une alternative populaire (CAP) à soutenir le candidat Alassane Ouattara. Nous l’avons décidé pour des raisons objectives.
LP : Lesquelles?
BM : Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour qu’un candidat de Gauche accède à la magistrature suprême, pour des raisons organisationnelles, parce que la Gauche a été émiettée. Qu’est ce que les partis de la Gauche démocratique de 1990 représentent aujourd’hui sur l’échiquier politique ivoirien après la trahison des idéaux et des valeurs de la Gauche par Laurent Gbagb et le FPI? Force est de constater que l’élan créé par la Gauche démocratique en 1990, notamment au sein des travailleurs, des paysans et de la Jeunesse, s’est estompé, notamment en raison de cette même trahison. En outre, la politique de l’ivoirité de ces dernières années a introduit une division factice entre les Ivoiriens, mettant à mal l’unité nationale, et entraînant une confusion politique qui a fait perdre de vue l’essentiel, c`est-à-dire, la lutte pour la démocratie, le progrès, l’égalité, la justice sociale, l’état de droit. Par ailleurs, du fait de la mauvaise gouvernance, la Côte d’Ivoire se trouve dans une situation catastrophique qui ne saurait perdurer. C’est une situation de salut public, il y a donc urgence. C’est cela l’enjeu. L’essentiel, c’est de sortir de cette situation. Autrement dit, de libérer la Côte d’Ivoire du régime FPI et de sa mauvaise gouvernance par la voie démocratique des urnes. C’est tout l’enjeu de l’élection présidentielle du 31 Octobre prochain. Il ne s’agit pas d’un combat personnel contre Laurent Gbagbo qui a été pour moi un camarade de lutte et un ami, c’est un combat politique. Les Ivoiriens doivent se donner toutes les chances pour obtenir le changement, ce qui entraîne automatiquement la notion de vote utile. Il faut soutenir le candidat avec qui nous pouvons faire un pas en avant dans la démocratisation de la Côte d’Ivoire par la mise en place d’ institutions démocratiques crédibles, la réalisation de l’unité nationale en amendant la constitution, la réhabilitation des services publics de base, Santé, Education, Emploi, Média de service public, le redressement de l’économie et la mise en place d’un plan d’urgence pour une meilleure redistribution des richesses nationales et une solution immédiate et durable au chômage des jeunes, la lutte contre la corruption et l’impunité. Nous pensons que cela peut être réalisé avec Alassane Ouattara comme Président de la République, c’est tout le sens de notre soutien. Les qualités personnelles d’intégrité morale et intellectuelle d’Alassane Ouattara dans la gestion des deniers publics, sa droiture, son sens de l’intérêt général et de l’Etat, ce dont il a fait la preuve de 1990 à 1993 en tant que Premier ministre du Président Houphouët, font de lui l’homme de la situation. Par ailleurs, Alassane Ouattara et le RDR n’ont eu de cesse de lutter pour la démocratie depuis 1994, notamment au sein du Front Républicain, à ce titre, Ouattara est un démocrate convaincu. Les forces de progrès, les jeunes, les femmes, tous les Ivoiriens épris de justice, de démocratie et de paix doivent se mobiliser, se mettre ensemble pour voter utile et créer ainsi une dynamique pour qu’au soir du 31 Octobre prochain, Alassane Ouattara soit élu comme premier Président démocratiquement élu de la Côte d’Ivoire indépendante.
Quant à Francis Wodié, il reste pour moi un camarade de lutte et un ami, un authentique homme de gauche, dont j’ai toujours apprécié la droiture, l’intégrité morale et intellectuelle. Je considère que Francis Wodié, malgré quelques divergences somme toute secondaires que nous avons eues, notamment au moment du boycott actif en 1995, n’a jamais trahi nos valeurs et idéaux communs. Cependant, il s’agit aujourd’hui de sortir notre pays du chaos actuel en donnant toutes ses chances au changement démocratique par un vote utile et massif en faveur d’ADO. Il faut donner toutes ses chances à la Côte d’Ivoire.
LP : Comment comptez-vous contrecarrer l’argument selon lequel ADO serait «le père de la rébellion»?
BM : Ce sont des mensonges qui ne résistent pas à l’analyse de la réalité. ADO a failli perdre la vie au matin du 19 septembre 2002, comme feu le général Robert Guéi. Comment pouvez-vous comprendre que «le père d’une rébellion», donc son responsable suprême et commandant en Chef ne se soit pas retranché, à l’abri dans son quartier général, en train de superviser les opérations le jour ‘‘J’? Et qu’il soit tranquillement en train de dormir chez lui alors que les combats font rage? C’est le minimum quand on dirige, initie ou supervise une rébellion. Ce qui prouve qu’ADO n’a été mêlé ni de près, ni de loin à la rébellion. D’ailleurs, c’est un argument éculé dès lors que l’ex-rébellion gère aujourd’hui les affaires de la Côte d’Ivoire dans le cadre gouvernement de transition. Le fait ou la responsabilité de la guerre revient à celui qui avait en charge les destinées du pays et dont la mauvaise gouvernance a créé les conditions de la guerre qui n’est pas arrivée de façon spontanée. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. On ne peut même plus invoquer la guerre, puisque nous sommes en période de paix, à quelques semaines d’une élection cruciale pour la Côte d’Ivoire et pour les Ivoiriens.
LP : N’est-ce pas un soutien ‘‘ethnique’’ à un frère du Nord?
BM : Cet argument ne peut pas tenir la route quand on connaît mon combat depuis des décennies, mon profil et mon parcours politique. J’ai toujours été militant des organisations progressistes, anti-impérialistes, je suis un des leaders historiques de la Gauche en Côte d’Ivoire. J’ai toujours été de la Gauche et je reste fidèle à ses idéaux et valeurs. J’aurais pu être membre du gouvernement d’Houphouët-Boigny, puisqu’on me l’avait proposé. Nous avons résisté à tout cela et refusé toute compromission. N’oubliez pas que j’ai été Député de Daloa, ville multiethnique par excellence où j’ai toujours combattu pour l’unité nationale. En 1990, j’ai été un des leaders de la Coordination de la Gauche Démocratique qui a combattu le régime du parti unique d’Houphouët au moment où ADO était Premier ministre. ADO lui-même et le RDR ont rejoint l’opposition à partir de 1994, dans le cadre du combat pour la démocratie, une commission électorale indépendante et des élections justes et transparentes. Mes relations politiques avec ADO datent de cette période, dans le cadre du Front républicain. A ce titre, Alassane Ouattara et le RDR ont participé au combat pour la démocratie. Il s’agit donc d’un soutien sur des bases politiques objectives et non sur des bases ethniques ou ethnocentriques.
LP : Les partisans de la candidature unique au sein du RHDP continuent de croire que c’est la seule voie pour bouter Gbagbo hors du pouvoir. Quelles sont, selon vous, les conséquences d’une candidature unique au sein de l’opposition?
BM : Il appartient aux Houphouëtistes et à eux seuls de trancher ce débat. Ce que je puis dire, c’est que notre scrutin majoritaire à deux tours, qui est un scrutin très démocratique, permet aux candidats de ratisser large au premier tour. Au second tour, les alliances peuvent se faire sur un candidat en fonction de sa position, de son programme. Dans ce contexte, parler de la nécessité d’une candidature unique dès le premier tour me paraît hasardeux, d’autant plus que la probabilité d’un report total et effectif des voix en faveur du candidat unique n’est pas évidente dans notre contexte d’aujourd’hui. Cette candidature unique serait valable pour un scrutin à un seul tour comme au Gabon et dans un certain nombre de pays africains, où le Président peut être élu simplement avec une majorité relative. Dans ces cas, les candidats et les partis qui ont la même sensibilité, ont intérêt à s’unir face au candidat du parti au pouvoir qui bénéficie en général de la prime au sortant, en raison de l’utilisation massive et illégale des moyens de l’Etat. Ce n’est pas le cas en Côte d’Ivoire, à cause de notre scrutin à deux tours. Cependant, même chez nous en Côte d’Ivoire, la question de l’utilisation illégale des moyens de l’Etat par le Président sortant reste posée. C’est une raison supplémentaire en faveur du vote utile en faveur d’Alassane Ouattara, pour le changement démocratique.
LP : La FESCI vient de fêter son 20ème anniversaire. Vous qui avez été l’ un des invités d’honneur du 10 e anniversaire aux côtés du Général Guéi en l’an 2000, on ne vous a pas vu, y a-t-il une raison à cela?
BM : J’ai observé qu’à cette occasion, il s’agissait pour les dirigeants actuels de cette organisation d’apporter leur soutien à Laurent Gbagbo, c’est la raison pour laquelle, même Ahipeaud Martial qui en a été le premier dirigeant historique n’y a pas été invité. Comme vous le savez, j’ai été, avec mon ami, le Professeur Etté Marcel, à l’origine de la création de cette organisation de la Jeunesse estudiantine et scolaire, avec Martial Ahipeaud. Nous voulions associer les jeunes au combat pour la démocratie en Côte d’Ivoire et favoriser le pluralisme politique à l’Université. Ces idéaux sont complètement trahis aujourd’hui par les dirigeants actuels de ce mouvement qui ne sont plus représentatifs de l’immense majorité de la jeunesse ivoirienne que j’appelle à se mobiliser massivement pour le changement démocratique avec ADO le 31 Octobre, leur avenir et l’avenir du pays en dépendent.
LP : Une des grandes inquiétudes de la présidentielle du 31 octobre, c’est la question de la fraude. Comment peut-on juguler la fraude?
BM : La fraude est toujours possible dans une élection. Il s’agit d’être vigilant et de prendre les dispositions idoines pour la juguler. Nous avons mis en place un Code électoral qui a tenu compte du climat de fraude qui préexistait au sein du parti unique, nous avons préconisé des urnes transparentes. Sous le parti unique, les urnes étaient bourrées à l’avance. Nous nous sommes battus pour le bulletin unique pour contrer le marchandage qui consistait à revenir avec le bulletin de l’adversaire moyennant finance. Nous avons obtenu que les délibérations se fassent au sein des bureaux de vote en présence des représentants des candidats. Dès lors, il n’y a plus de transport des urnes qui favorisait l’échange contre des urnes pré-remplies. Enfin, il y a le procès verbal détenu par les représentants de tous les candidats. Il y a donc les conditions les plus optimales pour faire en sorte que, pendant le scrutin, il n’y ait pas de fraude. Quant au vote multiple, on peut l’éviter grâce à l’encre indélébile. Il faut sécuriser le processus pour que des personnes n’empêchent pas d’autres électeurs d’accomplir leur devoir d’électeur. Il faut être très attentif lors du dépouillement final et la proclamation des résultats provisoires par la CEI. Je propose, par exemple, que cela soit fait de manière collégiale, en présence du Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, chargé de la certification. La certification doit être faite a priori et non a posteriori. Toute possibilité d’auto proclamation d’un candidat doit être bannie. La seule condition d’éviter de replonger dans la guerre, c’est d’éviter qu’un candidat soit proclamé vainqueur contre le résultat des urnes. Enfin, l’ensemble du processus doit être sécurisé avec l’aide des forces impartiales. Cette sécurisation doit démarrer dès l’ouverture de la campagne électorale officielle.
LP : Que pensez-vous de la situation des électeurs qui se rendent cette année en pèlerinage en Arabie Saoudite? Comment pourront-ils voter?
BM : Je pense que cette question doit être tranchée de manière équitable par la CEI. Initialement, la CEI avait estimé à juste titre que le nombre insuffisant de personnes enrôlées dans ce pays ne justifiait pas l’ouverture d’un bureau de vote, ce qui était compréhensible. Mais aujourd’hui, la situation a changé, puisque la date du pèlerinage coïncide avec la date du vote, ce qui n’était pas prévisible. Il y a donc lieu d’étudier la possibilité de l’ouverture d’un bureau de vote à Djeddah pour permettre aux quatre mille (4 000) pèlerins d’accomplir leur devoir civique. C’est là une question d’équité. D’ailleurs, si le Gouvernement ivoirien a ouvert un consulat à Djeddah en Arabie Saoudite, c’est bien en raison du pèlerinage annuel qu’y effectuent certains de nos compatriotes et non à cause du petit nombre de résidents ivoiriens permanents. Les quatre mille (4 000) pèlerins ivoiriens ne peuvent être laissés pour compte.
LP : Comment comptez-vous traduire votre soutien à la candidature d’ADO sur le terrain?
BM : Avec mes camarades, nous apporterons notre modeste contribution à la campagne d’Alassane Ouattara, sur les bases que je viens de vous définir. Nous sommes des habitués des campagnes électorales, nous nous organiserons en conséquence. L’enjeu en vaut la peine.
Entretien réalisé par Yves-M. ABIET
Patriote : A quelques semaines de l’élection présidentielle, l’heure est au bilan du président sortant. Comment pouvez-vous qualifier, en peu de mots, le bilan du président sortant, Laurent Gbagbo?
Bamba Moriféré : L’échéance du 31 octobre représente un enjeu considérable pour les Ivoiriens. On peut dire, en effet, sans se tromper, que ce sera la première élection démocratique, libre, concurrentielle et transparente de la Côte d’Ivoire indépendante. On se souvient que le multipartisme est intervenu en Côte d’Ivoire en Avril 1990. Il est évident que sous le parti unique, l’élection n’était pas concurrentielle, même si feu le président Houphouët-Boigny bénéficiait d’une certaine légitimité historique. Cette élection représente pour les Ivoiriens, un rendez vous important. Pour ma part, force est de constater que la Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi sinistrée dans tous les domaines. Le bilan de Laurent Gbagbo est négatif. En ce qui concerne l’unité nationale, on a continué encore ces derniers temps à inciter des Ivoiriens à aller tenter de radier d’autres Ivoiriens sur la liste électorale sans autres preuves que la consonance du nom. Il y a là, une tentation tribaliste et ethnocentriste qui ne dit pas son nom. Après 50 ans d’indépendance, on devrait pouvoir épargner la Côte d’Ivoire d’un tel spectacle. Le pays n’a jamais été aussi divisé et ce, par le fait du pouvoir actuel. Quant aux grands services de base de l’Etat, ils sont tous sinistrés. Prenons le cas de l’Ecole. Notre université n’a d’université que de nom. Les conditions de travail, aussi bien des étudiants que des enseignants, y sont désastreuses. Il n’y a qu’à voir les résultats scolaires. Conséquence : 80% des diplômés qui sortent des écoles, des universités et des écoles de l’enseignement professionnel sont au chômage. C’est pourquoi, lorsque l’on entend le candidat Laurent Gbagbo promettre la construction de 10 Universités nouvelles en cas de victoire, alors même qu’il a été incapable de maintenir en l’état et d’entretenir convenablement les universités existantes dont celle de Cocody, on ne peut y voir que de la démagogie pure. En ce qui concerne la santé, les services sont en dégradation constante, les hôpitaux ne remplissent plus leur rôle. Les cadres supérieurs de la santé sont pratiquement obligés de se disperser dans le privé, parce que les salaires ne suivent pas, les conditions de travail des enseignants et des étudiants se sont gravement dégradées, la fonction enseignante n’est plus valorisée. On peut dire la même chose de l’emploi, dont l’offre est quasi nulle, de sorte que le chômage des jeunes a atteint un niveau sans précédent. On constate en pratique une privatisation rampante et sauvage de fait des services de base, à cause de la démission de l’Etat, je veux parler de l’enseignement public. Bien sûr, l’enseignement privé peut et doit exister et jouer le rôle qui est le sien, mais il doit être et demeurer un appoint à l’enseignement public. L’Etat, dans ce domaine doit jouer pleinement son rôle. Nous sommes, je veux parler de ma génération, les enfants de l’école publique, à ce titre, nous n’avons pas le droit de tuer l’école publique. Aujourd’hui, cette école publique a foutu le camp. Pendant ce temps, les tenants du pouvoir FPI s’enrichissent de manière insolente, la corruption, les détournements des deniers publics et l’impunité des crimes économiques sont érigés en méthode de gouvernement. Les valeurs morales sont foulées au pied, la médiocrité étant érigée en exemple, la notion de mérite a disparu, les jeunes générations n’ont plus de repère. Dans de telles conditions, lorsque j’entends Laurent Gbagbo dire qu’il est le «candidat de l’indépendance de la Côte d’Ivoire», cela me faire sourire, car, il est de notoriété publique que l’économie nationale n’a jamais été autant entre les mains de l’étranger, que sous le régime FPI, régime soi-disant de gauche. Quel est donc ce régime nationaliste qui maintient les Ivoiriens en dehors des affaires de leur propre pays? Voilà le bilan succinct de Laurent Gbagbo et du régime FPI. Ce bilan est totalement négatif, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui un pays quasi sinistré malgré ses nombreuses richesses. C’est pourquoi, je considère qu’aujourd’hui, l’essentiel, le principal pour tout démocrate, progressiste ou républicain, c’est de se mobiliser pour bouter Laurent Gbagbo hors du pouvoir, par la voie démocratique des urnes le 31 Octobre prochain et amorcer le changement démocratique attendu par la majorité des Ivoiriens. Je reste convaincu que les Ivoiriens sortiront massivement pour sanctionner ce régime le 31 octobre prochain.
LP : Que pensez-vous de l’argument selon lequel la guerre a empêché Gbagbo de dérouler son programme?
BM : C’est un argument fallacieux. Quand on observe bien cette période, on se rend compte que la guerre n’a concerné de manière spécifique que la partie Nord du pays, et cela, sur une courte période. Mais regardons le budget de l’Etat, il a été en constante augmentation. Qu’a-t-on fait de cet argent? Aucun investissement n’a été réalisé. C’est la corruption qui a gangrené l’économie nationale. La question des détournements dans la filière café-cacao n’est toujours pas éclaircie. Il est trop facile d’évoquer la guerre. Il y a eu également l’augmentation constante des budgets de souveraineté alloués au président de la République. De 15 milliards de F CFA sous l’ère Bédié, ils sont passés à 75 milliards de F CFA aujourd’hui. Le régime FPI a étalé au grand jour toute son incompétence et son incapacité à gérer et a gouverner la Côte d’Ivoire. Lorsque nous avions obtenu le multipartisme formel le 30 avril 1990, il y a eu des avancées démocratiques, notamment en ce qui concerne les médias d’Etat et de service public. Aujourd’hui, ces medias sont caporalisés et sont au bénéfice et au service du clan et de la famille présidentielle. Peut-on dire que ça aussi, c’est le fait de la guerre ? Invoquer la guerre, c’est un argument fallacieux. Ce bilan n’a rien à avoir avec la guerre. Je pense que sur cette question, les Ivoiriens ne sont pas dupes. D’ailleurs, il n’y a qu’à observer la vitesse avec laquelle les résidences luxueuses et autres châteaux sont construits tous les jours par des individus qui ne peuvent le justifier de manière licite par leurs seuls salaires.
LP : Vous avez décidé de soutenir Alassane Ouattara. En tant qu’homme de Gauche et en tant qu’un des leaders historiques de la Gauche en Côte d’Ivoire, on s’attendait à vous voir par exemple du côté de Francis Wodié, dès lors que vous n’êtes pas candidat vous-même. Pourquoi donc ce choix?
BM : Nous nous sommes engagés dans le cadre du PPS et du Congrès pour une alternative populaire (CAP) à soutenir le candidat Alassane Ouattara. Nous l’avons décidé pour des raisons objectives.
LP : Lesquelles?
BM : Aujourd’hui, les conditions ne sont pas réunies pour qu’un candidat de Gauche accède à la magistrature suprême, pour des raisons organisationnelles, parce que la Gauche a été émiettée. Qu’est ce que les partis de la Gauche démocratique de 1990 représentent aujourd’hui sur l’échiquier politique ivoirien après la trahison des idéaux et des valeurs de la Gauche par Laurent Gbagb et le FPI? Force est de constater que l’élan créé par la Gauche démocratique en 1990, notamment au sein des travailleurs, des paysans et de la Jeunesse, s’est estompé, notamment en raison de cette même trahison. En outre, la politique de l’ivoirité de ces dernières années a introduit une division factice entre les Ivoiriens, mettant à mal l’unité nationale, et entraînant une confusion politique qui a fait perdre de vue l’essentiel, c`est-à-dire, la lutte pour la démocratie, le progrès, l’égalité, la justice sociale, l’état de droit. Par ailleurs, du fait de la mauvaise gouvernance, la Côte d’Ivoire se trouve dans une situation catastrophique qui ne saurait perdurer. C’est une situation de salut public, il y a donc urgence. C’est cela l’enjeu. L’essentiel, c’est de sortir de cette situation. Autrement dit, de libérer la Côte d’Ivoire du régime FPI et de sa mauvaise gouvernance par la voie démocratique des urnes. C’est tout l’enjeu de l’élection présidentielle du 31 Octobre prochain. Il ne s’agit pas d’un combat personnel contre Laurent Gbagbo qui a été pour moi un camarade de lutte et un ami, c’est un combat politique. Les Ivoiriens doivent se donner toutes les chances pour obtenir le changement, ce qui entraîne automatiquement la notion de vote utile. Il faut soutenir le candidat avec qui nous pouvons faire un pas en avant dans la démocratisation de la Côte d’Ivoire par la mise en place d’ institutions démocratiques crédibles, la réalisation de l’unité nationale en amendant la constitution, la réhabilitation des services publics de base, Santé, Education, Emploi, Média de service public, le redressement de l’économie et la mise en place d’un plan d’urgence pour une meilleure redistribution des richesses nationales et une solution immédiate et durable au chômage des jeunes, la lutte contre la corruption et l’impunité. Nous pensons que cela peut être réalisé avec Alassane Ouattara comme Président de la République, c’est tout le sens de notre soutien. Les qualités personnelles d’intégrité morale et intellectuelle d’Alassane Ouattara dans la gestion des deniers publics, sa droiture, son sens de l’intérêt général et de l’Etat, ce dont il a fait la preuve de 1990 à 1993 en tant que Premier ministre du Président Houphouët, font de lui l’homme de la situation. Par ailleurs, Alassane Ouattara et le RDR n’ont eu de cesse de lutter pour la démocratie depuis 1994, notamment au sein du Front Républicain, à ce titre, Ouattara est un démocrate convaincu. Les forces de progrès, les jeunes, les femmes, tous les Ivoiriens épris de justice, de démocratie et de paix doivent se mobiliser, se mettre ensemble pour voter utile et créer ainsi une dynamique pour qu’au soir du 31 Octobre prochain, Alassane Ouattara soit élu comme premier Président démocratiquement élu de la Côte d’Ivoire indépendante.
Quant à Francis Wodié, il reste pour moi un camarade de lutte et un ami, un authentique homme de gauche, dont j’ai toujours apprécié la droiture, l’intégrité morale et intellectuelle. Je considère que Francis Wodié, malgré quelques divergences somme toute secondaires que nous avons eues, notamment au moment du boycott actif en 1995, n’a jamais trahi nos valeurs et idéaux communs. Cependant, il s’agit aujourd’hui de sortir notre pays du chaos actuel en donnant toutes ses chances au changement démocratique par un vote utile et massif en faveur d’ADO. Il faut donner toutes ses chances à la Côte d’Ivoire.
LP : Comment comptez-vous contrecarrer l’argument selon lequel ADO serait «le père de la rébellion»?
BM : Ce sont des mensonges qui ne résistent pas à l’analyse de la réalité. ADO a failli perdre la vie au matin du 19 septembre 2002, comme feu le général Robert Guéi. Comment pouvez-vous comprendre que «le père d’une rébellion», donc son responsable suprême et commandant en Chef ne se soit pas retranché, à l’abri dans son quartier général, en train de superviser les opérations le jour ‘‘J’? Et qu’il soit tranquillement en train de dormir chez lui alors que les combats font rage? C’est le minimum quand on dirige, initie ou supervise une rébellion. Ce qui prouve qu’ADO n’a été mêlé ni de près, ni de loin à la rébellion. D’ailleurs, c’est un argument éculé dès lors que l’ex-rébellion gère aujourd’hui les affaires de la Côte d’Ivoire dans le cadre gouvernement de transition. Le fait ou la responsabilité de la guerre revient à celui qui avait en charge les destinées du pays et dont la mauvaise gouvernance a créé les conditions de la guerre qui n’est pas arrivée de façon spontanée. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. On ne peut même plus invoquer la guerre, puisque nous sommes en période de paix, à quelques semaines d’une élection cruciale pour la Côte d’Ivoire et pour les Ivoiriens.
LP : N’est-ce pas un soutien ‘‘ethnique’’ à un frère du Nord?
BM : Cet argument ne peut pas tenir la route quand on connaît mon combat depuis des décennies, mon profil et mon parcours politique. J’ai toujours été militant des organisations progressistes, anti-impérialistes, je suis un des leaders historiques de la Gauche en Côte d’Ivoire. J’ai toujours été de la Gauche et je reste fidèle à ses idéaux et valeurs. J’aurais pu être membre du gouvernement d’Houphouët-Boigny, puisqu’on me l’avait proposé. Nous avons résisté à tout cela et refusé toute compromission. N’oubliez pas que j’ai été Député de Daloa, ville multiethnique par excellence où j’ai toujours combattu pour l’unité nationale. En 1990, j’ai été un des leaders de la Coordination de la Gauche Démocratique qui a combattu le régime du parti unique d’Houphouët au moment où ADO était Premier ministre. ADO lui-même et le RDR ont rejoint l’opposition à partir de 1994, dans le cadre du combat pour la démocratie, une commission électorale indépendante et des élections justes et transparentes. Mes relations politiques avec ADO datent de cette période, dans le cadre du Front républicain. A ce titre, Alassane Ouattara et le RDR ont participé au combat pour la démocratie. Il s’agit donc d’un soutien sur des bases politiques objectives et non sur des bases ethniques ou ethnocentriques.
LP : Les partisans de la candidature unique au sein du RHDP continuent de croire que c’est la seule voie pour bouter Gbagbo hors du pouvoir. Quelles sont, selon vous, les conséquences d’une candidature unique au sein de l’opposition?
BM : Il appartient aux Houphouëtistes et à eux seuls de trancher ce débat. Ce que je puis dire, c’est que notre scrutin majoritaire à deux tours, qui est un scrutin très démocratique, permet aux candidats de ratisser large au premier tour. Au second tour, les alliances peuvent se faire sur un candidat en fonction de sa position, de son programme. Dans ce contexte, parler de la nécessité d’une candidature unique dès le premier tour me paraît hasardeux, d’autant plus que la probabilité d’un report total et effectif des voix en faveur du candidat unique n’est pas évidente dans notre contexte d’aujourd’hui. Cette candidature unique serait valable pour un scrutin à un seul tour comme au Gabon et dans un certain nombre de pays africains, où le Président peut être élu simplement avec une majorité relative. Dans ces cas, les candidats et les partis qui ont la même sensibilité, ont intérêt à s’unir face au candidat du parti au pouvoir qui bénéficie en général de la prime au sortant, en raison de l’utilisation massive et illégale des moyens de l’Etat. Ce n’est pas le cas en Côte d’Ivoire, à cause de notre scrutin à deux tours. Cependant, même chez nous en Côte d’Ivoire, la question de l’utilisation illégale des moyens de l’Etat par le Président sortant reste posée. C’est une raison supplémentaire en faveur du vote utile en faveur d’Alassane Ouattara, pour le changement démocratique.
LP : La FESCI vient de fêter son 20ème anniversaire. Vous qui avez été l’ un des invités d’honneur du 10 e anniversaire aux côtés du Général Guéi en l’an 2000, on ne vous a pas vu, y a-t-il une raison à cela?
BM : J’ai observé qu’à cette occasion, il s’agissait pour les dirigeants actuels de cette organisation d’apporter leur soutien à Laurent Gbagbo, c’est la raison pour laquelle, même Ahipeaud Martial qui en a été le premier dirigeant historique n’y a pas été invité. Comme vous le savez, j’ai été, avec mon ami, le Professeur Etté Marcel, à l’origine de la création de cette organisation de la Jeunesse estudiantine et scolaire, avec Martial Ahipeaud. Nous voulions associer les jeunes au combat pour la démocratie en Côte d’Ivoire et favoriser le pluralisme politique à l’Université. Ces idéaux sont complètement trahis aujourd’hui par les dirigeants actuels de ce mouvement qui ne sont plus représentatifs de l’immense majorité de la jeunesse ivoirienne que j’appelle à se mobiliser massivement pour le changement démocratique avec ADO le 31 Octobre, leur avenir et l’avenir du pays en dépendent.
LP : Une des grandes inquiétudes de la présidentielle du 31 octobre, c’est la question de la fraude. Comment peut-on juguler la fraude?
BM : La fraude est toujours possible dans une élection. Il s’agit d’être vigilant et de prendre les dispositions idoines pour la juguler. Nous avons mis en place un Code électoral qui a tenu compte du climat de fraude qui préexistait au sein du parti unique, nous avons préconisé des urnes transparentes. Sous le parti unique, les urnes étaient bourrées à l’avance. Nous nous sommes battus pour le bulletin unique pour contrer le marchandage qui consistait à revenir avec le bulletin de l’adversaire moyennant finance. Nous avons obtenu que les délibérations se fassent au sein des bureaux de vote en présence des représentants des candidats. Dès lors, il n’y a plus de transport des urnes qui favorisait l’échange contre des urnes pré-remplies. Enfin, il y a le procès verbal détenu par les représentants de tous les candidats. Il y a donc les conditions les plus optimales pour faire en sorte que, pendant le scrutin, il n’y ait pas de fraude. Quant au vote multiple, on peut l’éviter grâce à l’encre indélébile. Il faut sécuriser le processus pour que des personnes n’empêchent pas d’autres électeurs d’accomplir leur devoir d’électeur. Il faut être très attentif lors du dépouillement final et la proclamation des résultats provisoires par la CEI. Je propose, par exemple, que cela soit fait de manière collégiale, en présence du Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, chargé de la certification. La certification doit être faite a priori et non a posteriori. Toute possibilité d’auto proclamation d’un candidat doit être bannie. La seule condition d’éviter de replonger dans la guerre, c’est d’éviter qu’un candidat soit proclamé vainqueur contre le résultat des urnes. Enfin, l’ensemble du processus doit être sécurisé avec l’aide des forces impartiales. Cette sécurisation doit démarrer dès l’ouverture de la campagne électorale officielle.
LP : Que pensez-vous de la situation des électeurs qui se rendent cette année en pèlerinage en Arabie Saoudite? Comment pourront-ils voter?
BM : Je pense que cette question doit être tranchée de manière équitable par la CEI. Initialement, la CEI avait estimé à juste titre que le nombre insuffisant de personnes enrôlées dans ce pays ne justifiait pas l’ouverture d’un bureau de vote, ce qui était compréhensible. Mais aujourd’hui, la situation a changé, puisque la date du pèlerinage coïncide avec la date du vote, ce qui n’était pas prévisible. Il y a donc lieu d’étudier la possibilité de l’ouverture d’un bureau de vote à Djeddah pour permettre aux quatre mille (4 000) pèlerins d’accomplir leur devoir civique. C’est là une question d’équité. D’ailleurs, si le Gouvernement ivoirien a ouvert un consulat à Djeddah en Arabie Saoudite, c’est bien en raison du pèlerinage annuel qu’y effectuent certains de nos compatriotes et non à cause du petit nombre de résidents ivoiriens permanents. Les quatre mille (4 000) pèlerins ivoiriens ne peuvent être laissés pour compte.
LP : Comment comptez-vous traduire votre soutien à la candidature d’ADO sur le terrain?
BM : Avec mes camarades, nous apporterons notre modeste contribution à la campagne d’Alassane Ouattara, sur les bases que je viens de vous définir. Nous sommes des habitués des campagnes électorales, nous nous organiserons en conséquence. L’enjeu en vaut la peine.
Entretien réalisé par Yves-M. ABIET