Son nom rime avec la lutte pour la condition féminine en Côte d’Ivoire. Constance Yaï, ex-présidente de l’Association ivoirienne des droits de la femme, aujourd’hui consultante internationale, est toujours active au sein de la société civile. L’ancienne ministre de la république explique, dans cet entretien, les raisons de son choix en faveur du candidat ADO. Elle appelle les indécis à faire comme elle.
Le Patriote : Il y a une semaine, nous avons assisté à l’ouverture officielle de la campagne. Quel commentaire faites- vous de cette première dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire ?
Constance Yaï : cette campagne apporte un souffle nouveau sur ce pays. On peut dire, pour imiter le poète, qu’il fait bon vivre sur les bords de la Lagune Ebrié. Malgré quelques échauffourées ça et là, les Ivoiriens sont heureux et enthousiastes d’aller à ces élections, de pouvoir exprimer un choix, d’être pris en compte dans cette dynamique qui est en train de se mettre en place.
L.P : Selon vous, qu’est-ce explique cela ? Le désir des Ivoiriens, qui ont été privés d’élections depuis dix ans ou la volonté des candidats eux-mêmes, qui ont mis balle à terre et respectent un certain mode de conduite ?
C.Y : c’est un peu comme l’histoire de la poule et de l’œuf. On ne sait pas si ce sont les candidats qui, par des discours peu enflammés, poussent les militants au calme ou si ce sont les militants qui attendent de leurs leaders des mots d’ordre apaisants. Je pense que les deux sont liés. Les Ivoiriens sont fatigués, dirigeants politiques comme militants. Et il est évident que si la jeunesse a été sensibilisée à un discours de non violence et de paix, un discours violent ne peut l’atteindre. Si aujourd’hui, on pousse les jeunes à aller attaquer, à aller commettre des forfaits, si ces jeunes ont été correctement sensibilisés, éduqués et sensibles à un discours de paix, je pense que les dirigeants politiques n’auront pas les résultats qu’ils attendent. A côté de ça, ce qui m’intéresse dans cette campagne, c’est la nouveauté, ce n’est pas une campagne habituelle.
L.P : à quel niveau cette nouveauté se situe-t-elle ?
C .Y : la nouveauté est liée au fait qu’il y a aujourd’hui des candidats qui n’avaient pas ce droit dans ce pays, et malgré tout l’acharnement auquel on a assisté, cette page est tournée. C’est quelque chose qui va faire date. C’est pour cela aussi qu’on parle d’élection historique. Beaucoup de manipulations mentales ont eu lieu, ainsi que des souffrances, des pleurs, des mensonges. Pis, du sang a été versé et on a voulu culpabiliser, étiqueter, dénoncer, jeter à la vindicte populaire des Ivoiriens. Malgré tout ce fatras d’injures, de violences et de bassesses, il faut reconnaître que bon nombre d’entre nous sont restés dignes. Et je ne vous parle pas de façon générale, mais je parle aussi de moi, je parle aussi de ce qui a été déversé avec haine sur ma personne, malgré cela, j’ai pu tenir debout. Parce que je suis d’un pays où les gens ont fait preuve d’une grandeur d’âme. Sinon, ce ne sont pas les appels aux meurtres qui ont manqué, tout y est passé. Donc, Il nous a fallu franchir tout cela, il nous a fallu garder la tête haute devant les mensonges, devant les brimades, devant la souffrance tant morale que matérielle. Au-delà de tout cela, il faut sanctionner ce qui s’est passé. C’est tout le sens que je donne à ce vote. Je pense que les Ivoiriens en allant voter, vont dire : ‘’nous sommes vraiment fatigués. Nous ne voulons plus retourner à ce à quoi nous avons été mêlés. Nous voulons un Côte d’Ivoire grande et digne, une Côte d’Ivoire de confiance, de cohésion sociale’’
L.P : vous êtes membre active de la société civile. Quand vous analysez les programmes des différents candidats, la société civile y trouve-t-elle son compte?
C.Y : on a voulu, malheureusement, complexer notre société civile. Quand je dis société civile je ne parle pas de vous et de moi, je parle de la société civile organisée. Ce sont les ONG, les Syndicats, les groupements sociaux organisés pour défendre l’intérêt général. Je trouve qu’ils ne sont pas suffisamment dynamiques pour défendre l’intérêt général. Les expériences que j’ai vécues, les périodes électorales sont les moments où la société civile devrait être très active. Elle devrait se faire entendre en disant : pendant longtemps, nous nous sommes battus pour obtenir ceci ou cela, nous avons été entendu ou pas. C’est la période du bilan, et en ce moment là, la société civile organisée, prend position ou décide d’ailleurs de ne pas prendre position, parce qu’elle estime que les programmes qui lui sont présentés ne valent pas la peine, parce qu’ils se ressemblent. Mais, on a aussi des organisations de la société civile qui, légitimement, vous diront : notre organisation qui s’est battue, retrouve ses objectifs dans les programmes de tel ou tel candidat et appelle ses militants à voter ce candidat. Je veux dire que je ne vois pas ces débats là s’instaurer au sein de nos organisations de la société civile. Je trouve cela dommage parce que les organisations de la société civile en Côte d’Ivoire ont été contraintes à jouer le rôle d’organisations neutres, absentes de tout débat. Une volonté manifeste de faire de nous des techniciens, qui se rassemblent pour nettoyer les rues, ou soigner des enfants. Nous devons, non pas peut-être, forcement, prendre position, mais instaurer des débats. Moi ? Je prends position parce que j’en ai le droit.
L.P : vous avez fait un choix, dites-vous. Quel est-il ?
C.Y : je crois que mon choix est plus que clair. Je l’ai montré et je trouve même qu’il est conséquent, parce que j’ai, dans un premier temps, décrit le profil de l’homme ou la femme, que je pense qui doit diriger la Côte d’Ivoire. Quand je superpose les différents projets et programmes, je me rends compte que je suis en parfaite adéquation avec Alassane Ouattara.
L.P. : Quel image avez-vous de l’homme ?
C.Y. : Que ce soit subjectif ou objectif, je me souviens qu’au mois de décembre 2000, lorsque les militantes du RDR avaient été violemment réprimées, certaines violées et conduites à l’Ecole de police, je n’ai pas toujours été soutenue. La candidature d’Alassane Ouattara est un peu comme le commencement d’un processus. En décembre 2000, l’AIDF que je dirigeais à cette époque, a été au niveau nationale la seule organisation féminine à dénoncer le viol des femmes. N’oubliez pas que j’étais membre du gouvernement avant les manifestions de 2000, j’ai bénéficié des conseils et des soutiens d’Alassane Ouattara… Je ne suis pas une novice, je ne veux pas ressasser les vieux démons, mais je veux dire que je ne suis pas nouvelle dans les dénonciations des discriminations, des injustices et de l’intolérance. C’est peut-être parce qu’Alassane Ouattara a passé des années et des années à dénoncer les intolérances que j’ai suivi ce chemin en dénonçant l’intolérance. Je salue son courage de pouvoir pardonner, il m’arrive de dire aux gens que je suis comme Alassane et que comme lui, je pardonne les coups qu’on m’a fait inutilement, méchamment et volontairement. Je voudrais dire que pendant longtemps, j’ai observé Alassane Ouattara et il m’arrive de m’identifier à lui. Je me dis que ce monsieur a subi toute sorte d’intolérance et il a pardonné, peut-être qu’en allant à son école je serai un être très tolérant.
L.P : vous êtes une militante de gauche. N’est-ce pas une contradiction de partager les idéaux d’un candidat qui a un projet libéral ?
C.Y : en cette période, il y a des choses qui m’apparaissent comme des urgences. Quel que soit le drapeau idéologique, toute personne qui incarne le changement auquel j’aspire, j’adhère. Mon pays a aujourd’hui soif de liberté d’expression, de développement, de paix. Ces choses là ne sont pas négociables. On peut, en soutenant Alassane Ouattara, bâtir une nation de liberté, un Etat où l’on peut s’exprimer sans crainte d’être réprimé. Si l’on peut, avec Alassane Ouattara construire une Côte d’Ivoire qui prenne en compte les besoins sociaux, l’école, la santé, les infrastructures routières. Les femmes, quel que soit leur niveau et appartenance politique, ne paieront pas un sou comme frais d’accouchement. Ce sont des choses à applaudir et quand j’ai vu Alassane Ouattara prendre le risque de nous dire les délais dans lesquels il mettra en œuvre son programme, je dis qu’il mérite d’être soutenu. Je ne me contente pas de le soutenir. J’appelle et j’exhorte les Ivoiriens, j’appelle les mères de famille, j’invite tous ceux et toutes celles qui comme moi, étaient indécis et veulent d’une Côte d’Ivoire où il fait bon vivre, à voter Alassane Ouattara.
L.P : vous avez parlé de son programme, mais en face, on estime que ce se sont des illusions et que c’est impossible à réaliser.
C.Y. : Je crois que c’est la campagne et tout peut se dire. C’est à nous de juger, c’est au pied du mur qu’on voit le vrai maçon. Je ne veux pas qu’on s’adonne à des polémiques vaines, qui consistent à lire dans la pensée des gens. Dans ma langue on dit qu’il faut éviter de faire passer la main par la bouche de quelqu’un pour atteindre son ventre et lui enlever ce qu’il a dans le ventre. C’est dire simplement qu’il ne faut pas faire de procès d’intention. Quand on est en campagne, la seule chose que les candidats ont à proposer, ce sont des programmes. Ce dont nous disposons, c’est le profil de ces candidats, voire leur capacité à réaliser ce qu’ils proposent. Et puis, il y a des candidats qui ont la chance, malheureusement ou heureusement, d’avoir été à l’œuvre dans ce pays, ou alors d’avoir dirigé ce pays. On peut simplement voir qui peut faire quoi, quand il parle ; qui tient parole, qui ne tient pas parole ; qui a déjà réalisé une partie de ce qu’il a promis, ce sont des choses importantes pour moi. Au-delà du programme, au-delà du fait que la Côte d’Ivoire doit-être un Etat de droit, Alassane Ouattara est un homme en qui j’ai confiance.
L.P. : Ne craignez-vous pas qu’on dise de vous que vous êtes reniée?
C.Y : Non, pas du tout. Regardez, partout dans le monde, les lignes bougent. Dans les années 1930, les ouvriers s’étaient ralliés à Roosevelt pour soutenir son programme social. En 2008, Obama a brisé la représentation traditionnelle d’une classe ouvrière uniformément conservatrice. Son élection a été le fait de forts soutiens de la classe ouvrière, des ONG et des syndicats. Je voudrais donc lancer un appel à tous les Ivoiriens qui se réclament de la gauche démocratique. Je les invite à soutenir la candidature d’Alassane Ouattara, parce qu’on a besoin d’un homme de sa tempe pour construire un Etat démocratique où l’accès aux médias est équitable, où les médias d’Etat jouent leur rôle de promotion des actions gouvernementales. Des médias d’Etat qui ne réservent pas seulement l’antenne au pouvoir en place. Des médiats qui sont le reflet de notre diversité. La RTI de la période électorale nous rassure et cela doit pouvoir continuer après la période électorale. Il faut qu’elle cesse d’être la propriété d’un parti politique.
L.P : un commentaire sur le déroulement de la campagne, les affiches les productions télévisées des différents candidats, qu’est ce que cela suscite en vous ?
C.Y : J’ai découvert comme tous les Ivoiriens les panneaux publicitaires des différents candidats. Je me dis, il a fallu y penser. Je ne suis pas sûre que si j’étais à sa place j’y aurais pensé. Ces différents portraits d’Alassane Ouattara dans son peuple, avec son peuple, je crois qu’il était important de les montrer. Ca restitue les différentes facettes de l’homme avec son peuple. Je crois que c’est un bon point.
Je trouve aussi que notre campagne est excessivement chère et pénalise les candidats qui n’ont pas les moyens de s’offrir de grands espaces. Là, c’est la militante de gauche qui a ce petit regret, parce que nous qui aspirons a une société moins discriminée, une société dans laquelle on met le maximum à la disposition du maximum de personnes, on trouve dommage que l’argent puisse faire la différence. Que ceux qui ne sont pas riches ne puissent pas bénéficier d’autant d’espace. Cela dit, je suis contente de cette campagne. Elle me donne enfin l’occasion de rencontrer beaucoup de gens, de faire ma campagne dans la campagne. Pour parler avec des mères de famille, il a fallu cette campagne. J’ai pu ainsi lever beaucoup d’équivoques et briser des préjugés.
L.P : vous aviez évoqué tout à l’heure le passé. Parmi les 14 candidats, il y a trois qui ont déjà dirigé le pays. Est-ce que votre candidat a des arguments qui plaident en sa faveur
C.Y : je crois qu’ils ne sont pas nombreux ceux parmi les Ivoiriens qui ne savent que si on ne va pas au travail les samedis en Côte d’Ivoire et qu’on a le temps de s’occuper d’autres choses, de mener des activités de formation, de renforcement de capacité, c’est grâce à ADO. Malheureusement, par rapport aux horaires de travail, le laxisme s’est installé. Ce qui en 1990 était dans les habitudes, aller au bureau à 7heures 30, ne l’est plus. Le gouvernement était nourrit par la cuisine de la présidence, avec le passage de Alassane Ouattara chacun était obligé de mettre la main à la poche. Aujourd’hui, les ministres n’attendent pas de la présidence qu’elle leur serve des repas. Ce sont des choses qui me sont restées et j’en garde un excellent souvenir. Un candidat pour qui le retour au travail est un refrain qu’il n’arrête pas de fredonner, pour qui l’efficacité au travail est importante, pour qui la crédibilité de nos Institutions est une urgence, un candidat que j’entends dire que ceux qui animent aussi les Institutions doivent être crédibles, moi je ne sais pas ce que je demanderais d’autre à un candidat. Je ne me fatigue plus, je ne cherche plus à gauche et à droite. Je me dis : ‘’Seigneur, faite à ce qu’Alassane Ouattara soit président de la Côte d’Ivoire pour la reconstruire, pour que le pays renoue avec le développement’’. Je suis consultante internationale, je suis en Afrique Centrale, en Afrique australe, en Afrique de l’ouest, je vois bien le visage des gens à chaque fois que je décline mon identité. A chaque fois que je parle de la Côte d’Ivoire, tout le monde me renvoie à la Côte d’Ivoire d’avant. Cette Côte d’Ivoire je veux la revoir. Celui qui peut la ramener, celui qui peut l’améliorer, c’est bien Alassane Ouattara.
L.P : la campagne a bien démarré. Beaucoup d’Ivoiriens redoutent que ça se termine dans la violence. Quelle est votre analyse sur cet avis?
C.Y : je crois que l’ensemble de notre communauté va donner tort à ceux qui ont des craintes. Cette élection sera démocratique afin que nous sortions de là avec des résultats clairs et nets. Si tel est le vœu des Ivoiriens, il n’y a pas à s’inquiéter. On pourrait dire que si les résultats dérangent certains d’entre nous et qu’ils nourrissent le désir de détourner les résultats, c’est une inquiétude qu’il faut prendre en compte. Je pense qu’il faut anticiper en expliquant aux uns et autres qu’aujourd’hui, qu’il sera difficile de tricher. Chacun de nous doit être vigilent pour que la démocratie soit une réalité en Côte d’Ivoire.
Charles Sanga
Le Patriote : Il y a une semaine, nous avons assisté à l’ouverture officielle de la campagne. Quel commentaire faites- vous de cette première dans l’histoire politique de la Côte d’Ivoire ?
Constance Yaï : cette campagne apporte un souffle nouveau sur ce pays. On peut dire, pour imiter le poète, qu’il fait bon vivre sur les bords de la Lagune Ebrié. Malgré quelques échauffourées ça et là, les Ivoiriens sont heureux et enthousiastes d’aller à ces élections, de pouvoir exprimer un choix, d’être pris en compte dans cette dynamique qui est en train de se mettre en place.
L.P : Selon vous, qu’est-ce explique cela ? Le désir des Ivoiriens, qui ont été privés d’élections depuis dix ans ou la volonté des candidats eux-mêmes, qui ont mis balle à terre et respectent un certain mode de conduite ?
C.Y : c’est un peu comme l’histoire de la poule et de l’œuf. On ne sait pas si ce sont les candidats qui, par des discours peu enflammés, poussent les militants au calme ou si ce sont les militants qui attendent de leurs leaders des mots d’ordre apaisants. Je pense que les deux sont liés. Les Ivoiriens sont fatigués, dirigeants politiques comme militants. Et il est évident que si la jeunesse a été sensibilisée à un discours de non violence et de paix, un discours violent ne peut l’atteindre. Si aujourd’hui, on pousse les jeunes à aller attaquer, à aller commettre des forfaits, si ces jeunes ont été correctement sensibilisés, éduqués et sensibles à un discours de paix, je pense que les dirigeants politiques n’auront pas les résultats qu’ils attendent. A côté de ça, ce qui m’intéresse dans cette campagne, c’est la nouveauté, ce n’est pas une campagne habituelle.
L.P : à quel niveau cette nouveauté se situe-t-elle ?
C .Y : la nouveauté est liée au fait qu’il y a aujourd’hui des candidats qui n’avaient pas ce droit dans ce pays, et malgré tout l’acharnement auquel on a assisté, cette page est tournée. C’est quelque chose qui va faire date. C’est pour cela aussi qu’on parle d’élection historique. Beaucoup de manipulations mentales ont eu lieu, ainsi que des souffrances, des pleurs, des mensonges. Pis, du sang a été versé et on a voulu culpabiliser, étiqueter, dénoncer, jeter à la vindicte populaire des Ivoiriens. Malgré tout ce fatras d’injures, de violences et de bassesses, il faut reconnaître que bon nombre d’entre nous sont restés dignes. Et je ne vous parle pas de façon générale, mais je parle aussi de moi, je parle aussi de ce qui a été déversé avec haine sur ma personne, malgré cela, j’ai pu tenir debout. Parce que je suis d’un pays où les gens ont fait preuve d’une grandeur d’âme. Sinon, ce ne sont pas les appels aux meurtres qui ont manqué, tout y est passé. Donc, Il nous a fallu franchir tout cela, il nous a fallu garder la tête haute devant les mensonges, devant les brimades, devant la souffrance tant morale que matérielle. Au-delà de tout cela, il faut sanctionner ce qui s’est passé. C’est tout le sens que je donne à ce vote. Je pense que les Ivoiriens en allant voter, vont dire : ‘’nous sommes vraiment fatigués. Nous ne voulons plus retourner à ce à quoi nous avons été mêlés. Nous voulons un Côte d’Ivoire grande et digne, une Côte d’Ivoire de confiance, de cohésion sociale’’
L.P : vous êtes membre active de la société civile. Quand vous analysez les programmes des différents candidats, la société civile y trouve-t-elle son compte?
C.Y : on a voulu, malheureusement, complexer notre société civile. Quand je dis société civile je ne parle pas de vous et de moi, je parle de la société civile organisée. Ce sont les ONG, les Syndicats, les groupements sociaux organisés pour défendre l’intérêt général. Je trouve qu’ils ne sont pas suffisamment dynamiques pour défendre l’intérêt général. Les expériences que j’ai vécues, les périodes électorales sont les moments où la société civile devrait être très active. Elle devrait se faire entendre en disant : pendant longtemps, nous nous sommes battus pour obtenir ceci ou cela, nous avons été entendu ou pas. C’est la période du bilan, et en ce moment là, la société civile organisée, prend position ou décide d’ailleurs de ne pas prendre position, parce qu’elle estime que les programmes qui lui sont présentés ne valent pas la peine, parce qu’ils se ressemblent. Mais, on a aussi des organisations de la société civile qui, légitimement, vous diront : notre organisation qui s’est battue, retrouve ses objectifs dans les programmes de tel ou tel candidat et appelle ses militants à voter ce candidat. Je veux dire que je ne vois pas ces débats là s’instaurer au sein de nos organisations de la société civile. Je trouve cela dommage parce que les organisations de la société civile en Côte d’Ivoire ont été contraintes à jouer le rôle d’organisations neutres, absentes de tout débat. Une volonté manifeste de faire de nous des techniciens, qui se rassemblent pour nettoyer les rues, ou soigner des enfants. Nous devons, non pas peut-être, forcement, prendre position, mais instaurer des débats. Moi ? Je prends position parce que j’en ai le droit.
L.P : vous avez fait un choix, dites-vous. Quel est-il ?
C.Y : je crois que mon choix est plus que clair. Je l’ai montré et je trouve même qu’il est conséquent, parce que j’ai, dans un premier temps, décrit le profil de l’homme ou la femme, que je pense qui doit diriger la Côte d’Ivoire. Quand je superpose les différents projets et programmes, je me rends compte que je suis en parfaite adéquation avec Alassane Ouattara.
L.P. : Quel image avez-vous de l’homme ?
C.Y. : Que ce soit subjectif ou objectif, je me souviens qu’au mois de décembre 2000, lorsque les militantes du RDR avaient été violemment réprimées, certaines violées et conduites à l’Ecole de police, je n’ai pas toujours été soutenue. La candidature d’Alassane Ouattara est un peu comme le commencement d’un processus. En décembre 2000, l’AIDF que je dirigeais à cette époque, a été au niveau nationale la seule organisation féminine à dénoncer le viol des femmes. N’oubliez pas que j’étais membre du gouvernement avant les manifestions de 2000, j’ai bénéficié des conseils et des soutiens d’Alassane Ouattara… Je ne suis pas une novice, je ne veux pas ressasser les vieux démons, mais je veux dire que je ne suis pas nouvelle dans les dénonciations des discriminations, des injustices et de l’intolérance. C’est peut-être parce qu’Alassane Ouattara a passé des années et des années à dénoncer les intolérances que j’ai suivi ce chemin en dénonçant l’intolérance. Je salue son courage de pouvoir pardonner, il m’arrive de dire aux gens que je suis comme Alassane et que comme lui, je pardonne les coups qu’on m’a fait inutilement, méchamment et volontairement. Je voudrais dire que pendant longtemps, j’ai observé Alassane Ouattara et il m’arrive de m’identifier à lui. Je me dis que ce monsieur a subi toute sorte d’intolérance et il a pardonné, peut-être qu’en allant à son école je serai un être très tolérant.
L.P : vous êtes une militante de gauche. N’est-ce pas une contradiction de partager les idéaux d’un candidat qui a un projet libéral ?
C.Y : en cette période, il y a des choses qui m’apparaissent comme des urgences. Quel que soit le drapeau idéologique, toute personne qui incarne le changement auquel j’aspire, j’adhère. Mon pays a aujourd’hui soif de liberté d’expression, de développement, de paix. Ces choses là ne sont pas négociables. On peut, en soutenant Alassane Ouattara, bâtir une nation de liberté, un Etat où l’on peut s’exprimer sans crainte d’être réprimé. Si l’on peut, avec Alassane Ouattara construire une Côte d’Ivoire qui prenne en compte les besoins sociaux, l’école, la santé, les infrastructures routières. Les femmes, quel que soit leur niveau et appartenance politique, ne paieront pas un sou comme frais d’accouchement. Ce sont des choses à applaudir et quand j’ai vu Alassane Ouattara prendre le risque de nous dire les délais dans lesquels il mettra en œuvre son programme, je dis qu’il mérite d’être soutenu. Je ne me contente pas de le soutenir. J’appelle et j’exhorte les Ivoiriens, j’appelle les mères de famille, j’invite tous ceux et toutes celles qui comme moi, étaient indécis et veulent d’une Côte d’Ivoire où il fait bon vivre, à voter Alassane Ouattara.
L.P : vous avez parlé de son programme, mais en face, on estime que ce se sont des illusions et que c’est impossible à réaliser.
C.Y. : Je crois que c’est la campagne et tout peut se dire. C’est à nous de juger, c’est au pied du mur qu’on voit le vrai maçon. Je ne veux pas qu’on s’adonne à des polémiques vaines, qui consistent à lire dans la pensée des gens. Dans ma langue on dit qu’il faut éviter de faire passer la main par la bouche de quelqu’un pour atteindre son ventre et lui enlever ce qu’il a dans le ventre. C’est dire simplement qu’il ne faut pas faire de procès d’intention. Quand on est en campagne, la seule chose que les candidats ont à proposer, ce sont des programmes. Ce dont nous disposons, c’est le profil de ces candidats, voire leur capacité à réaliser ce qu’ils proposent. Et puis, il y a des candidats qui ont la chance, malheureusement ou heureusement, d’avoir été à l’œuvre dans ce pays, ou alors d’avoir dirigé ce pays. On peut simplement voir qui peut faire quoi, quand il parle ; qui tient parole, qui ne tient pas parole ; qui a déjà réalisé une partie de ce qu’il a promis, ce sont des choses importantes pour moi. Au-delà du programme, au-delà du fait que la Côte d’Ivoire doit-être un Etat de droit, Alassane Ouattara est un homme en qui j’ai confiance.
L.P. : Ne craignez-vous pas qu’on dise de vous que vous êtes reniée?
C.Y : Non, pas du tout. Regardez, partout dans le monde, les lignes bougent. Dans les années 1930, les ouvriers s’étaient ralliés à Roosevelt pour soutenir son programme social. En 2008, Obama a brisé la représentation traditionnelle d’une classe ouvrière uniformément conservatrice. Son élection a été le fait de forts soutiens de la classe ouvrière, des ONG et des syndicats. Je voudrais donc lancer un appel à tous les Ivoiriens qui se réclament de la gauche démocratique. Je les invite à soutenir la candidature d’Alassane Ouattara, parce qu’on a besoin d’un homme de sa tempe pour construire un Etat démocratique où l’accès aux médias est équitable, où les médias d’Etat jouent leur rôle de promotion des actions gouvernementales. Des médias d’Etat qui ne réservent pas seulement l’antenne au pouvoir en place. Des médiats qui sont le reflet de notre diversité. La RTI de la période électorale nous rassure et cela doit pouvoir continuer après la période électorale. Il faut qu’elle cesse d’être la propriété d’un parti politique.
L.P : un commentaire sur le déroulement de la campagne, les affiches les productions télévisées des différents candidats, qu’est ce que cela suscite en vous ?
C.Y : J’ai découvert comme tous les Ivoiriens les panneaux publicitaires des différents candidats. Je me dis, il a fallu y penser. Je ne suis pas sûre que si j’étais à sa place j’y aurais pensé. Ces différents portraits d’Alassane Ouattara dans son peuple, avec son peuple, je crois qu’il était important de les montrer. Ca restitue les différentes facettes de l’homme avec son peuple. Je crois que c’est un bon point.
Je trouve aussi que notre campagne est excessivement chère et pénalise les candidats qui n’ont pas les moyens de s’offrir de grands espaces. Là, c’est la militante de gauche qui a ce petit regret, parce que nous qui aspirons a une société moins discriminée, une société dans laquelle on met le maximum à la disposition du maximum de personnes, on trouve dommage que l’argent puisse faire la différence. Que ceux qui ne sont pas riches ne puissent pas bénéficier d’autant d’espace. Cela dit, je suis contente de cette campagne. Elle me donne enfin l’occasion de rencontrer beaucoup de gens, de faire ma campagne dans la campagne. Pour parler avec des mères de famille, il a fallu cette campagne. J’ai pu ainsi lever beaucoup d’équivoques et briser des préjugés.
L.P : vous aviez évoqué tout à l’heure le passé. Parmi les 14 candidats, il y a trois qui ont déjà dirigé le pays. Est-ce que votre candidat a des arguments qui plaident en sa faveur
C.Y : je crois qu’ils ne sont pas nombreux ceux parmi les Ivoiriens qui ne savent que si on ne va pas au travail les samedis en Côte d’Ivoire et qu’on a le temps de s’occuper d’autres choses, de mener des activités de formation, de renforcement de capacité, c’est grâce à ADO. Malheureusement, par rapport aux horaires de travail, le laxisme s’est installé. Ce qui en 1990 était dans les habitudes, aller au bureau à 7heures 30, ne l’est plus. Le gouvernement était nourrit par la cuisine de la présidence, avec le passage de Alassane Ouattara chacun était obligé de mettre la main à la poche. Aujourd’hui, les ministres n’attendent pas de la présidence qu’elle leur serve des repas. Ce sont des choses qui me sont restées et j’en garde un excellent souvenir. Un candidat pour qui le retour au travail est un refrain qu’il n’arrête pas de fredonner, pour qui l’efficacité au travail est importante, pour qui la crédibilité de nos Institutions est une urgence, un candidat que j’entends dire que ceux qui animent aussi les Institutions doivent être crédibles, moi je ne sais pas ce que je demanderais d’autre à un candidat. Je ne me fatigue plus, je ne cherche plus à gauche et à droite. Je me dis : ‘’Seigneur, faite à ce qu’Alassane Ouattara soit président de la Côte d’Ivoire pour la reconstruire, pour que le pays renoue avec le développement’’. Je suis consultante internationale, je suis en Afrique Centrale, en Afrique australe, en Afrique de l’ouest, je vois bien le visage des gens à chaque fois que je décline mon identité. A chaque fois que je parle de la Côte d’Ivoire, tout le monde me renvoie à la Côte d’Ivoire d’avant. Cette Côte d’Ivoire je veux la revoir. Celui qui peut la ramener, celui qui peut l’améliorer, c’est bien Alassane Ouattara.
L.P : la campagne a bien démarré. Beaucoup d’Ivoiriens redoutent que ça se termine dans la violence. Quelle est votre analyse sur cet avis?
C.Y : je crois que l’ensemble de notre communauté va donner tort à ceux qui ont des craintes. Cette élection sera démocratique afin que nous sortions de là avec des résultats clairs et nets. Si tel est le vœu des Ivoiriens, il n’y a pas à s’inquiéter. On pourrait dire que si les résultats dérangent certains d’entre nous et qu’ils nourrissent le désir de détourner les résultats, c’est une inquiétude qu’il faut prendre en compte. Je pense qu’il faut anticiper en expliquant aux uns et autres qu’aujourd’hui, qu’il sera difficile de tricher. Chacun de nous doit être vigilent pour que la démocratie soit une réalité en Côte d’Ivoire.
Charles Sanga