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Politique Publié le lundi 10 janvier 2011 | L’Inter

Reportage - Sur les traces des violences et des morts de Duékoué - Comment tout a été planifié

Cela fait une semaine que Duékoué a basculé dans la violence. C’est certes l’accalmie, mais la tension reste palpable. Nous en avons fait le constat hier dimanche 09 janvier 2011.

34 personnes tuées, plus de 100 blessés. 20000 personnes déplacées entassées dans la cour de la mission catholique. 292 habitations incendiées et pillées. Des quartiers rayés de la carte de la commune. C’est ce qui reste de Duékoué. Sur les visages, la tristesse et l’amertume. Le bilan pourrait encore s’alourdir. Car ce dimanche dans la mi-journée, un corps entièrement calciné a été découvert par notre équipe de reportage, dans une cour. Comment en est-on arrivé à ce drame ? Une véritable énigme pour ceux qui voudront rechercher les pièces de ce puzzle. Reconstitution des faits.
Lundi 03 janvier 2011. Le préfet du département de Duékoué, Boni Agnimel, reçoit très tôt la visite d’une délégation de transporteurs. Ces derniers lui annoncent le meurtre d’une dame suite à une attaque des coupeurs de route.. Les accusations sont portées contre les autochtones. L’autorité préfectorale tente de calmer les esprits et promet de prendre des dispositions à l’effet de juguler le phénomène des coupeurs de route, à l’origine du drame. Une rencontre est organisée avec les responsables militaires de la région. Mais en face, il y a des personnes qui veulent en découdre avec les autochtones guérés. Dans la ville, la tension est montée d’un cran et le désordre s'installe.
Mardi 04 janvier. Des délégations sont formées afin de rencontrer les deux principales communautés, les Guéré et les Malinké. Cette tentative de médiation va tourner au vinaigre. Les médiateurs sont pris à partie. Le père Martin, curé de la paroisse Sainte thérèse de l’Enfant-Jésus, s'en tire avec le crâne fracturé par des manifestants. « Le dialogue était impossible », avoue le préfet. Dans les quartiers, on tue et on blesse des personnes, on incendie les maisons.
Mercredi 05 janvier. Les exactions se poursuivent. Les plus chanceux réussissent à s'enfuir, quand d’autres s’enferment dans des maisons. Thiéoulou Arthur raconte : « Nous étions 36 personnes enfermées dans une maison. Et c’est un jeune dioula qui nous a hébergé chez lui et nous a fait passer pour des membres de sa famille. C’est comme cela que nous n’avons pas été touchés ». Ce même jour, des positions de gendarmes sont attaquées. « Trop, c’est trop ! », estiment les militaires. Les éléments du capitaine Koffi, commandant du groupement Ouest, sont appelés en renfort. Les chars des militaires entrent en scène et pilonnent les poches de résistance. Les ennemis prennent la fuite. Vers 13 heures, les exactions s’arrêtent.
Jeudi 06 janvier. Il est 6 heures. Les populations sursautent de leur sommeil. Des jeunes autochtones préparent un assaut contre les allogènes. Motif, leurs parents seraient pris en otage dans le camp adverse. Mais les militaires ne veulent plus voir se poursuivre le désordre. Les manifestants sont dispersés. Depuis, le calme est revenu. L’heure est maintenant au bilan. « Mais la tension reste vive », reconnaît le préfet devant une délégation ministérielle venue expressément d’Abidjan. Il s’agit du ministre de l’Intérieur Emile Guiriéoulou et du secrétaire d’Etat en charge des victimes de guerre, Dosso Charles Rodel. Mais avant ces personnalités, des cadres et fils de la région sont arrivés samedi dernier. Objectif : s’imprégner de l’ampleur des dégâts et tenter de panser les plaies.

Bertrand GUEU(Envoyé spécial)
Légende 1 : Environ 20000 personnes déplacées ont été enregistrées à la mission catholique de Duékoué.
Code : DUEKOUE 1
Légende 2 : Une vue des dégâts enregistrés à Duékoué
Code : DUEKOUE 2 § DUEKOUE 3
Légende 3 : Cette personne morte calcinée a été découverte hier dimanche par notre équipe de reportage.
Code DUEKOUE 3

Encadré
Conflit inter-ethnique ou véritable guerre ?
Ce qui arrive aux populations de Duékoué a été flairé par le préfet de ce département depuis sa prise de fonction en octobre 2010. « J’ai fait le constat que les communautés ne s’aimaient pas ; elles se regardaient en chiens de faïence », raconte-t-il. Des rencontres régulières se sont multipliées tant avec les cadres de la région à Abidjan qu’avec les responsables de communauté à Duékoué. Si les choses se sont plus ou moins bien déroulées à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, le second tour du scrutin va raviver les passions. Il a fallu une étincelle pour faire exploser la poudrière. Conflit inter-ethnique ou véritable guerre ? Pour la délégation ministérielle, ce qui s’est passé à Duékoué a été savamment planifié par « ceux qui veulent attaquer la Côte d’Ivoire dans le but d’installer le candidat de l’étranger ». Le disant haut et fort, M. Dosso Charles Rodel pointe un doigt accusateur sur les puissances étrangères. « Elles ont voulu faire de Duékoué un cas d’expérimentation pour justifier une intervention étrangère », soutient le Secrétaire d’Etat aux Victimes de guerre. « D’où sont venues les armes de guerre qui sont intervenues dans un conflit inter-ethnique », s’interroge de son côté, le ministre Guiriéhoulou. Il a son idée : faire supprimer les zones de confiance afin de mieux contrôler les mouvements de personnes. Les consignes sont claires : il faut désormais mettre aux arrêts tous ceux qui appellent à la désobéissance civile.

B. GUEU
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