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Showbizz Publié le mercredi 9 février 2011 | Star Mag Plus

noël dourey : Il fait sa révolution...

Dans les pages glacées du Show-Biz ivoirien, il ne démérite pas dans son costume de Crooner. Mais sur les vagues de l'histoire de son pays, c'est en simple citoyen que Noël Dourey agit et fait des choix.Puis les assume. Quitte à être obligé aujourd'hui de vivre caché pour sa propre sécurité. Interview-vérité d'un homme depuis son exil... intérieur.


Elle a commencé par une belle histoire. Celle du tournage des pages noires de huit années de crise. Elle a continué par un film – Western – avec comme point d’orgue, le deuxième tour du 28 novembre 2011. Un rendez-vous à l’âpreté sans concession, à l’urgence parfois bouleversante parce que sortant du schéma ordinaire de la plupart des élections présidentielles dans le monde. Mais 72 heures seulement après le dernier tour de cet historique rendez-vous, on est entré au cœur du réacteur en fusion, dans la violence et la tourmente de la verticale de Jupiter, sans esquive possible. Dans ce face-à-face presque sans limites, la mode a viré aux menaces de mort et avec elles, leur lot de ''prisonniers'' parmi lesquels... Le citoyen Noël Dourey qui a dû quitter son domicile depuis plusieurs mois. Pour le ventre protecteur d'un hôtel devenu célèbre en la matière. Mais qu'à cela ne tienne. Entre les ''on dit'' et ''il paraît que'' parfois inquiétants, il fallait aller au charbon des nouvelles. De l'artiste d'abord. Puis écouter l'homme, dans ses arguments, car ici, on était sûr et certain que tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec nous, n'avaient pas forcément tort... Ainsi parla Noël Dourey.

Dis, comment, selon toi, les choses ont-elles pu tourner si vite au vinaigre, pour que tu te retrouves reclus dans cet hôtel ?
En général, là où on parle de vinaigre ou de vinaigrette, on parle de salade. C’est cette salade que nous vivons aujourd’hui. Moi, je ne suis pas un universitaire, peut-être que je n’ai pas une santé mentale assez poussée pour tout comprendre. Mais ce que ma petite tête me permet de comprendre, c’est que lorsqu’il y a une élection, c’est pour qu’il y ait un gagnant et un perdant. C’est pour que celui qui a perdu le reconnaisse et félicite celui qui a gagné. De sorte que les antagonismes et tout ce qui est violence, de nature à mettre en péril l'unité de la Nation, disparaissent. Pour ainsi dire que la salade intervient lorsque celui qui a perdu refuse de le reconnaitre, à plus forte raison aller féliciter celui qui a gagné. Voilà comment les choses ont tourné au vinaigre et je me suis retrouvé dans cet hôtel.

Ce ne sont peut-être que des menaces en l'air..
Mieux vaut prévenir que guérir .Au lieu d’être un héros mort, c'est-à-dire qui n'a pas tenu compte des avertissements, des frémissements, j'ai choisi d’être un lâche vivant. Je ne veux pas jouer au téméraire, me taper la poitrine et me promener, balayant du revers de la mains toutes les menaces que je recevais. Et lorsque le malheur frappera, ceux ceux qui viendront à mes funérailles, se désoleront de ce que je n'aie pas pris mes dispositions quant à ces menaces qui se répétaient. C’est pour éviter ces commentaires, que dès qu’il y a eu les frémissement, je me suis “cherché”. Je veux être témoin de l'histoire qui est en train de s’écrire sous mes yeux.

C'est le souhait de tous, tu sais...
Absolument! Mais je pense que la Côte d’Ivoire est un grand corps malade et que même au-delà de ma propre sécurité, de ma propre vie, de la vie de ceux qui sont dans cet hôtel, il faut penser à la vie des millions d’Ivoiriens qui souffrent. Il ne faut pas voir ma seule réclusion, mes seules difficultés, il faut les mettre à l’échelle nationale, voire même sous-régionale.

En attendant, à l'échelle individuelle, cela fait combien de temps que vous vivez reclus pour “votre propre sécurité’’ comme on dit ?
Tout le monde sait quand les choses ont basculé en Côte d’Ivoire. Mais il faut signaler aussi que dans la réalité des faits, au final, tout le monde vit reclus. On est tous réduits dans nos mouvements. C’est la nuit tombée qu’on se retrouve. Je sais de quoi je parle.

Comment arrivez-vous à gérer votre vie familiale d'ici ? Madame et les enfants vous suivent-ils dans cette réclusion ?
C’est moi qu’on cherche. On n’a pas affaire à ma femme, encore moins à mes enfants. Je pense que les gens tiennent à m’avoir moi, personnellement et non ma femme ou mes enfants.

De l'artiste au citoyen, qu'est-ce qui a motivé le choix qui t'a mis dans cette situation ?
Mais la question ne se pose même pas. Je crois qu’en chaque être humain, se trouve la liberté de faire des choix, des choix simples. Vous voyez une belle fille qui passe, vous l’appréciez par rapport à une autre, qui peut même être plus belle que celle qui vous plait. Vous entrez dans un magasin de chaussures et il s’en trouve une en particulier sur laquelle vous portez votre choix, au-delà du prix. C’est une question de conviction, par rapport à des critères qui peuvent être aussi bien objectifs que subjectifs. Mais toujours est-il que c’est votre choix. C’est dans ce choix-là que je me suis retrouvé. Mon père Henri Konan Bédié m’a dit après le premier tour: “Ne pleurez pas pour moi. Faites en sorte que le candidat du RHDP remporte les élections.” Quant à ma réclusion dans cet hôtel, comme tous ceux qui sont là, ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question ! Moi, j’ai envie d’être dehors, d'être libre de me promener comme avant, aller où je veux et rentrer à l’heure où je veux ! Je ne suis pas maso au point de limiter ma vie au seul espace d’un hôtel, ou de me réjouir des difficultés que traverse mon pays au sortir d’une élection qui devait nous libérer ! Mais que voulez-vous si je suis privé de cette liberté-là?

Jusqu'à ne plus pouvoir vous raser convenablement?
Ah! Vous voulez savoir ce qui se cache derrière ma crinière,ma barbe ? (le ton est grave) Le message qui s'y cache est simple: j’en ai marre ! J’en ai marre ! J’en ai marre !... Je me raserai au Palais de la présidence de la République, le jour où Allassane sera installé. C’est un vœu que j’ai fait. Par la grâce de Dieu, il se réalisera.

Décidément, Dieu a le dos large dans cette histoire, vu que dans chaque camp, son nom revient souvent…
Moi, je ne parle pas du Dieu qui porte des ''Pointinini'', des chaines et des gourmettes en or, non. Je parle du Dieu vivant, le fils de la Vierge Marie qui est né dans une crèche, dans un mangeoire, au milieu d’animaux et qui s’est révélé au monde parce qu’il est venu pour servir, pour sauver. Je ne parle pas du Dieu qui est venu pour être servi, quitte à ce que tout un peuple soit opprimé. Je parle du vrai Dieu et ce Dieu-là ne fait jamais du mal à son peuple et il ne laisse jamais son peuple souffrir au-delà de ce qu’il peut supporter. Un jour, le jour se lèvera.

Cette phrase aussi n'est pas nouvelle, tu sais...
Je ne sais pas sur quelle base les autres le disent, mais moi, je parle de la vérité. Il faut dire qu’à un moment donné, on est désabusé. On se demande ce qui arrive à notre pays. Mais qu’y a-t-il de si précieux, de si vital dans le pouvoir pour qu'on en arrive là ? C’est la question que je me pose comme beaucoup autour de moi.

...
Houphouét Boigny le père fondateur et bâtisseur de tous les mètres carré de réalisation que nous avons dans ce pays aujourd’hui, a passé des décennies au pouvoir. Il est mort et la Côte d'Ivoire a continué sa marche, sans prendre feu. Bédié son successeur est arrivé, a passé plus de cinq ans avant d’être renversé par un coup d’état. Il a été contraint à l’exil avec toute sa famille, il n’en est pas mort et le pays n’a pas sombré dans le chaos.

En tant qu’artiste-militant, peut-être n’as-tu pas forcément toute la lecture de la vérité de la situation?
D’abord, le terme ''artiste militant'' est impropre. Je ne suis pas un artiste-militant, je suis d'abord et avant tout, un citoyen. Je suis un être humain. On m’a dit que j’avais le droit d’avoir mon candidat, que j’avais le droit de voter qui je voulais. Ce que j’ai fait en tant que citoyen comme toi et moi. Donc, lorsque je parle d’Allassane ou d’Henri Konan Bédié, je ne parle pas en tant qu’artiste mais en tant que citoyen qui est témoin, qui vit dans un environnement, qui partage les joies et les peines de ses concitoyens. Je suis Noël Dourey, en tant qu’être humain qui pense qu’en faisant un tel choix, les choses peuvent s'améliorer dans la vie de la majorité qui vit dans son pays, qu’on peut évoluer. Aussi simple que ça.

Avec les médiations qui s'enchainent, combien de temps encore peux-tu tenir dans cette vie de réclusion ?
Je vais vous donner deux références bibliques: la première c’est que le peuple israélite est resté esclave en Égypte pendant des siècles. Il a été libéré. C’est une image pour dire que, quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira toujours par se lever. Deuxième référence: Dieu n’éprouve jamais les hommes au-delà de leurs forces. Voilà.

Serait-ce là le secret de ce contraste entre ton feeling de crinière en bataille et cette lueur qui brille dans tes yeux ?
C'est Dieu. Dieu est dans la vérité. Et il est bien connu que la vérité affranchit. Sois dans la vérité et tu sera affranchi. Lorsqu'on est dans le vrai, on n’as pas peur de témoigner. Quand on est est dans le vrai, on n’a pas peur du Démon. Quand on est dans le vrai, on n’as pas d’angoisse. Du coup, tu comprends que malgré la réduction de ma liberté, cette lueur d’espoir que je ne commande pas d’ailleurs, reste plantée dans mes yeux. Je suis serein.

Jusqu'à refuser de t'exiler à l'image de certains artistes dans la même situation que toi ?
D’abord, je n’ai pas les moyens qu’eux ont. Je n’ai pas le carnet d’adresses qu’ils ont. Mais, ça ne change rien à ma conviction. Et puis, il y en a deux qu'on dit virulents, mais cela dépend du camp où l'on se trouve. Parce que, lorsque j’écoute d'autres parler, je me dis que des gens comme Venance Konan ou Tiburce Koffi sont des agneaux. Parce que, à entendre d'autres, ce sont de véritables armes de destructions massives qui sont enclenchées à travers les propos qu’ils tiennent! Ils ont des propos très destructeurs! On n’ a pas besoin de cela en Côte d'Ivoire.

Pour toi, le bout du tunnel, c’est proche ou lointain ?
Le temps, c’est l’autre nom de Dieu. Il faut laisser le temps au temps. Mais en ce qui concerne la corporation des créateurs, ces trois derniers mois, on n’ a rien eu de spécial, c’est vrai que ceux qui ont de petits contrats en Europe essaient de travailler un peu mais dans tous les cas, on paie tous un lourd tribu. Et c’est le moment d’interpeller tous ceux qui accompagnent les hommes politiques, particulièrement en Côte d’Ivoire. L’intérêt personnel, c’est bien. C’est vrai qu’à force de s’entendre dire qu’il est le meilleur, le plus beau, le plus bon, un chef finit par se convaincre que c’est cela la seule vérité, si bien qu’il passe à côté de son devoir. C’est pour cela que d’aucuns préconisent qu’il faut que les deux chefs se rencontrent, loin des basses-cours respectives pour parler d’homme à homme, afin d’aplanir leurs divergences. C’est à ce prix-là que la Côte d’Ivoire va avancer. Il ne faut pas que les ambitions des uns ou des autres prennent le peuple en otage comme ce que nous vivons depuis trois mois et qui va de mal en pis ! Il s’agit de taire le moi pour se demander ce qu’on peut faire pour la Côte d’Ivoire. Parce que je sais que le chantier que le Président Allasane a pour les artistes de Côte d’Ivoire est grand. Le président Gbagbo a fait sa part. Allassane va faire autre chose plus grand, celui qui viendra après Allassane va apporter sa pierre à l’ediffice et c'est la Côte d’Ivoire qui gagne parce que les chantiers sont toujours à renouveler, à adapter au temps. C’est pourquoi j’appelle les uns et les autres à beaucoup de modération, parce qu’on entend des choses surprenantes, surtout venant des plus jeunes. On est une famille. La Côte d'Ivoire est une et indivisible. Ce n’est pas en s’insultant matin, midi et soir, qu’on retrouvera notre unité d’antan. C’est en désarmant nos cœurs.

Un message de paix qui explique mal le courroux du camp adverse, n'est-ce pas ?
Il ne faut pas penser que toute la Côte d’Ivoire ou le monde entier est contre nous. Il ne faut pas non plus penser que le Président Gbagbo sauterait de joie d’apprendre qu’on me torture et tout, non ! Ce n’est pas vrai ! Il y a des zélés qui pensent qu’ils ont raison et toutes les raisons, pendant que tous ceux qui ne sont pas de leur bord ont totalement tort et tous les torts qui méritent la mort. A la limite, je crois même que certains se servent de la situation pour se livrer à des règlements de compte. Je ne crois pas que ce soit forcément des actions dirigées depuis la haut, non. Quelquefois même le Président Gbagbo ne sait même pas de quoi il s’agit. Je dirais même que Gbagbo ne ''calcule'' même pas un homme comme moi. Ce que je fais, dis, tout ça ne l'intéresse pas.

Et tu penses qu’après que les clameurs et les passions se seront tues, toutes ces menaces n’auront plus de sens ?
Naturellement. J’ambitionne, avec ma corporation, d’organiser une grand tournée de réconciliation à ce sujet. Vous savez, les artistes jouent toujours de grands rôles dans les moments-charnière de l’histoire. Rappelez-vous que dans le feu des évènements, l’Unart-CI, avec Gadji Céli avait organisé les Sillons de la paix. C’était pour repousser jusqu’aux limites de la frontière le mur de la méfiance. Et c’est dans les Sillons de la paix que les accords de Ouaga sont intervenus. Et c'est dans ces sillons que nous sommes allés aux élections. Donc les artistes peuvent être des instruments pour cimenter la paix. Pourquoi après 40 ans d’unité, aujourd’hui, nous avons tant de mal à nous unir? Qu’est-ce qui s’est passé ? C’est ce mal qu’il faut combtattre. Malheureusement, il y a des économies de guerre, des tensions, et il y a des gens qui “mangent” quand la situation est ainsi, ils sont heureux quand c’est comme ça.

Comment ta famille a-t-elle de tes nouvelles
J’appelle quand je peux. Ici, je ne suis pas seul dans mon cas. Au Golf ici, il y a des gens qui n’ont pas vu leurs familles depuis le 28 novembre 2010 ! Vous imaginez ce qu’on endure pour une simple histoire d’élection qui était censée nous sortir de la crise ? Mais je pense que c’est le prix à payer, le sacrifice à consentir pour la liberté. Les sud africains ont connu pire que ça, au temps de l’apartheid, mais lorsque le temps est arrivé, tous les murs sont tombés. C’est vrai qu’aujourd’hui, ce qui se passe au Golf et avec nous autres n’est peut-être pas la même chose. Mais c'est un exil intérieur qui a son prix...

Et qui le fera savoir le moment venu, sous forme de chansons pour l'artiste que tu es, c'est ça?
Oh là là là ! Pour cela je peux vous garantir que je suis en ce moment dans des compositions qui ne passeront pas inaperçues. Ce sont des textes très profonds mais sans haine, sans rancœur, qui vont interpeller tout un chacun, de quelque bord que nous soyons. Parce que chacun a sa vérité. Mais, il s’agit de comprendre que ce n’est pas de la faiblesse de reconnaitre certaines situations. C’est plutôt de la hauteur.

Par Améday KWACEE
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