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Afrique Publié le mercredi 16 février 2011 | AP

La contestation gagne la Libye

© AP Par DR
Indépendances africaines : La Libye a célébré avec faste les 40 ans de pouvoir du guide de la révolution, le colonel Mouammar Kadhafi
Photo: le colonel Mouammar Kadhafi, Guide de la révolution de la grande Jamahiriya arabe Libyenne, populaire et socialiste
La Libye semble à son tour gagnée par le vent de contestation arabe. Tôt mercredi matin, la deuxième ville du pays, Benghazi, a été le théâtre de heurts entre les forces de sécurité et plusieurs centaines de manifestants dénonçant le régime de Moammar Kadhafi.

Des militants appellent sur Facebook et Twitter à une manifestation nationale jeudi pour réclamer le départ du colonel Kadhafi, qui dirige le pays depuis 1969, ainsi qu'une constitution et des réformes économiques et politiques d'ampleur. La mobilisation marquera le cinquième anniversaire de la manifestation contre les caricatures du prophète Mahomet devant le consulat italien, au cours de laquelle neuf personnes avaient été tuées.

D'après l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch, neuf militants ont été arrêtés à Tripoli et Benghazi, pour les empêcher semble-t-il de participer aux manifestations de jeudi.

A l'instar d'autres régimes arabes, le gouvernement de Moammar Kadhafi a tenté de désamorcer la contestation en proposant de doubler les traitements des fonctionnaires et en relâchant mercredi 110 détenus islamistes du Groupe islamique de combat libyen. Seuls 30 membres de ce groupe, accusé de complot pour renverser Moammar Kadhafi et soupçonné de liens avec Al-Qaïda, restent en détention.

A Benghazi, les manifestants se sont d'abord rassemblés devant le quartier général des forces de sécurité libyennes pour dénoncer l'arrestation du défenseur des droits de l'Homme Fathi Tarbel, d'après un militant libyen basé en Suisse, Fathi al-Warfali. La manifestation a rapidement pris un ton anti-gouvernemental.

Fathi Tarbel a été relâché après une rencontre avec un puissant responsable de la sécurité libyenne, Abdullah al-Sanousi, mais les protestataires ont continué de manifester, traversant Benghazi pour gagner la place principale dans le centre-ville, selon Fathi al-Warfali. La manifestation s'est prolongée jusqu'à 4h du matin mercredi, a ajouté le militant, en évoquant un "état d'agitation sans précédent".

Une confirmation de source indépendante était impossible, compte tenu de l'étroit contrôle exercé par le régime libyen sur les médias.

Cependant, des vidéos amateur mises en ligne sur internet montraient des manifestants brandissant des pancartes et scandant "Pas d'autre dieu qu'Allah, Moammar est l'ennemi d'Allah" et "A bas la corruption et les corrompus". La police et des miliciens pro-gouvernementaux sont rapidement intervenus pour disperser la manifestation, tirant des balles en caoutchouc et arrosant les protestataires avec des canons à eau.

Une autre vidéo, datée du même jour, montre des personnes qui s'enfuient en courant alors que résonnent des tirs. On aperçoit ensuite des manifestants évacuer un jeune homme au vêtement blanc taché de sang.

Selon un responsable de la sécurité libyenne, qui a requis l'anonymat, 14 personnes dont dix policiers ont été blessées. Ce responsable affirme que certains protestataires étaient armés de couteaux et de pierres.

Ces événements interviennent après l'échec des pourparlers entre le gouvernement et un comité représentant les familles de centaines de détenus tués pendant la répression des mutineries de 1996 à la prison d'Abou Salim. Tripoli a entrepris d'indemniser les familles, mais le comité exige que les responsables soient traduits en justice.

Lundi, plusieurs groupes d'opposition en exil avaient appelé au renversement de Kadhafi et à une transition pacifique du pouvoir. Des manifestants ont appelé aussi au limogeage du Premier ministre Baghdadi al-Mahmoudi, selon des témoins et des vidéos sur internet.

A Zentan, dans le sud du pays (120km au sud de Tripoli), des centaines de personnes ont défilé dans les rues et incendié le siège des forces de sécurité ainsi qu'un commissariat, selon des témoins cités par Fatih al-Warfali. Ils ont ensuite installé un campement au coeur de la ville en scandant "le peuple veut le renversement du régime". Le ressentiment envers Kadhafi est fort dans cette ville d'où venaient nombre des officiers à l'origine du coup d'Etat manqué de 1993 contre le dirigeant libyen.

A Beyida, à l'est de Benghazi, les forces de sécurité ont interpellé plusieurs militants en recherchant le cheikh Ahmed al-Dayekh, un religieux qui avait critiqué Kadhafi et la corruption en Libye lors d'un prêche du vendredi.

L'agence de presse officielle libyenne, la JANA, a passé sous silence les protestations anti-gouvernementales, évoquant seulement des manifestations de partisans du colonel Kadhafi dans la capitale Tripoli, ainsi qu'à Benghazi et dans d'autres villes du pays. L'agence officielle cite un communiqué des manifestants pro-Kadhafi qui promettent de "défendre le guide et la révolution" libyenne. Le communiqué traite les manifestants anti-gouvernementaux de "lâches et de traîtres". AP
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