Face à la détresse du monde paysan et aux mécontentements qui couvent dans les campagnes, Laurent Gbagbo, en panne de stratégie, a décidé de nationaliser les opérations de commercialisation du café-cacao. Si ce contrôle répond officiellement à la volonté de libérer les producteurs des «caprices» des traitants, il reste que, dans le contexte actuel, la mise en œuvre d’une telle décision est loin d’être une sinécure. Selon de nombreux spécialistes, la bureaucratisation d’activités fondamentalement commerciales risque de ne pas atteindre les objectifs escomptés dans la mesure où l’encadrement centralisé et autoritaire ne saurait garantir une meilleure rétribution des paysans et surtout dans les délais. En fait, par quelle alchimie, l’ancien régime va-t-il procéder pour acheter le produit bord champ ? Qui va financer toutes ces opérations d’achats ? Les fèves seront-elles cédées à crédit ? Autant de questions pour le moment sans réponses convaincantes. Pour les uns, toute cette «gesticulation» ne pourra que favoriser le développement du clientélisme d’Etat et la multiplication de passe-droits aux hauts fonctionnaires. Pour les autres, Gbagbo pose les jalons de la fracture économique susceptible d’exacerber les inégalités sociales. En effet, l’une des principales conséquences de l’avarie de la nationalisation est la perte d’autonomie des masses paysannes à travers le ravalement des coopératives à de simples points de collecte servant de courroies de transmission aux productions de plus en plus resserrées. Les répercussions sont énormes notamment une crise de la paysannerie et une dégradation des conditions de vie des ruraux. Rien que du bricolage. Plus globalement, c’est moins l’orientation des politiques initiales qui est mise en cause, que toute la dynamique fondée de la filière. Assurément, Laurent Gbagbo accouche d’un monstre budgétivore, d’un gouffre financier, d’un sanctuaire de malversations qui ne fera que précipiter la mort des vaillants paysans ivoiriens.
Lanciné Bakayoko
Lanciné Bakayoko