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Société Publié le mardi 29 mars 2011 | Nord-Sud

Koné Maméry (Redda) : “Nous avons recensé à ce jour 8.000 déplacés”

Fuyant les massacres et les tueries orchestrés dans le sud du pays par les partisans du président sortant Laurent Gbagbo, le nombre de déplacés qui arrivent à Bouaké, s’accroît de jour en jour. Pour en savoir davantage sur les conditions d’accueil réservées à ces déplacés, nous avons interrogé Koné Maméry, président du Réseau pour la démocratie et le développement en Afrique (Redda), dont la structure fait partie des premières Ong qui ont décidé d’apporter assistance et aide aux personnes déplacées.

l Depuis quelque temps, nous assistons à un déplacement massif de populations vers Bouaké. Comment votre structure s’organise-t-elle pour lzs accueillir ?
Nous avons été interpellés en tant qu’Ong (Organisation non-gouvernementale) oeuvrant dans l’humanitaire pour répondre aux besoins des populations. A la faveur de la reprise des hostilités dans la ville d’Abidjan, on a constaté que les populations se déplaçaient en masse. Nous avons mis en place un comité d’accueil et d’orientation de ces personnes venant d’Abidjan. Ce comité est composé de plusieurs sous-groupes et nous avons ciblé des zones. Au corridor sud de Bouaké, un groupe accueille les déplacés. Dès l’arrivée d’un car, nous montons dans le véhicule pour sensibiliser les déplacés. Parce que ceux qui arrivent sont dans la détresse totale. Nous essayons de les apaiser et de leur dire qu’il y a un comité d’accueil dans toutes les gares pour s’occuper d’eux et les accompagner dans leur famille d’accueil. On fait ce travail depuis bientôt une semaine. Nous avons recensé 8.000 personnes qui sont arrivées à Bouaké et le flux ne s’arrête pas. Les 8.000 personnes sont des personnes qui résident effectivement à Bouaké. Mais, nous avons recensé aussi près de 4.000 personnes en transit pour Korhogo et toutes les autres zones du Nord. Pour les 8.000 personnes qui sont arrivées et qui résident à Bouaké et dans les localités environnantes, nous nous sommes organisés pour les convoyer dans leur famille d’accueil. Nous constatons aussi que beaucoup de personnes sont arrivées à Bouaké affolées et sont venues parce qu’elles voulaient juste quitter Abidjan. Et elles ne connaissent personne à Bouaké. Pour cela, nous avons saisi M. N’Zikan, une autorité de la ville qui a gracieusement mis à la disposition du Redda, l’une de ses résidences à Bouaké et celle de son défunt frère ainsi que l’ex-hôtel l’Eléphant d’or, au rond-point, à Air France. Nous avons aussi contacté les opérateurs économiques de la ville pour nous apporter de l’aide. A ce jour, c’est la communauté libanaise qui a répondu favorablement en venant en aide à ces déplacés. Aujourd’hui, on peut donc dire que ces personnes déplacées sont largement prises en compte par la communauté libanaise. C’est d’ailleurs le lieu de la saluer et de la remercier et en même temps solliciter tous les opérateurs qui exercent à Bouaké afin qu’ils nous viennent en aide en se joignant à cet élan de solidarité.

l En dehors de la communauté libanaise, les organismes humanitaires vous sont-ils venus en aide ?
Ces agences humanitaires, notamment celles du système des Nations Unies ont pour rôle de venir en aide à ces populations en détresse. Mais elles sont très lentes. C’est une crise qui est née et qui n’était pas prévue par ces institutions, parce que nous étions dans une phase de sortie de crise. Et une crise post-électorale est née. Cependant, nous sommes allés vers eux pour leur expliquer la situation. Il y a toute une stratégie qu’il faut mettre en place pour que les uns et les autres puissent bénéficier de leur aide. Il est vrai qu’aujourd’hui l’aide extérieure est orientée vers les déplacés refugiés au Libéria. Sur les 500.000 personnes qui sont déplacées aujourd’hui, 90.000 sont refugiées au Libéria. Mais, il faut noter que les 420.000 personnes qui restent sont disséminées un peu partout dans les zones Cno (Centre, nord et ouest). Donc autant la situation des déplacés ivoiriens réfugiés au Libéria est alarmante, autant la situation des déplacés internes est alarmante. Il y a lieu de les interpeller afin qu’elles agissent vite pour le compte de ces déplacés pour ne pas qu’un autre drame s’ajoute à cette crise. Donc nous les interpellons fortement. Il y a des démunis, des malades. Certains en sont réduits à la mendicité totale, donc la dignité humaine nous interpelle. Tout le monde a droit à une assistance. C’est un droit humanitaire international. Il y en a qui sont venus avec 18 enfants sans aucun sou il y a lieu d’agir maintenant sans aucun calcul.

l Quels sont donc les moyens dont vous disposez pour la prise en charge des déplacés?
Je disais que la communauté libanaise nous aide fortement. Mais, il ne faut pas occulter la situation précaire des populations des zones Cno avant cette crise post-électorale. Celle-ci était déjà difficile. Quand on y ajoute encore celle des déplacés, je crois que le drame n’est plus loin. Donc nous demandons aux organismes humanitaires des Nations Unies de venir rapidement en aide aux familles qui ont bien voulu accueillir ces personnes déplacées, pour qu’elles puissent ensemble supporter cette nouvelle crise.

l Concrètement qu’est-ce que la communauté libanaise vous a exactement remis ?
On a bénéficié de nattes pour dormir et quotidiennement elle nous donne du pain et des repas froids. Elle est en train de s’organiser pour nous ravitailler en riz, huile et savon pour que ces populations déplacées puissent vivre dans la dignité.

l Ces populations déplacées proviennent-elles particulièrement des villes du Sud ?
Tous ceux qu’on a reçus à ce jour viennent particulièrement de la ville d’Abidjan. De Yopougon, d’Abobo et de Wiliamsville…

l Lorsque les déplacés arrivent chez vous, quelle est l’organisation mise en place pour pouvoir leur venir en aide ?
On s’est organisé pour d’abord faire de l’accueil et de l’orientation. Ce qu’on a constaté, c’est que la capacité d’accueil des familles n’est pas encore atteinte. Donc tous ceux qui arrivent sont absorbés par les familles. Mais si le nombre de déplacés atteint le million, nous serons obligés de créer des sites d’hébergement. Pour l’heure, nous faisons la prise en charge psychologique. Aujourd’hui, ce sont 40 cars de 70 places qui arrivent surchargés par jour à Bouaké, pour rejoindre les villages et villes des zones Cno.
Entretien réalisé à Bouaké
par Denis Koné
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