Alassane Ouattara, déclaré vainqueur du scrutin du 28 novembre passé et reconnu comme tel par l`ensemble de la communauté internationale, détient pleinement les rênes du pouvoir en Côte d`Ivoire, depuis le lundi 11 avril dernier. Date à laquelle le monde entier a assisté à la chute brutale du régime de son rival Laurent Gbagbo, également proclamé élu et investi par le Conseil Conseil Constitutionnel avant de s`obliger à une capture en sa résidence d`Etat par les forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et assigné à résidence dit-on au nord. Quatre mois après le deuxième tour de l`élection présidentielle, la crise post-électorale, qui a causé d`énormes dégâts et fait de nombreuses victimes au sein de la population ivoirienne, tend à connaître sa fin. Avec la prise en main, désormais de l’appareil d’Etat les 5 prochaines années, le destin de la Côte d`Ivoire se trouve dans les mains de l`ancien Premier ministre d’Houphouët Boigny. Si ``une nouvelle page`` s`ouvre, comme il le dit dans ses premiers discours de chef d`Etat, ce sont de grands défis qui attendent formellement le régime du tout nouveau président de la République arrivé au pouvoir dans des conditions toutes aussi calamiteuses que son prédécesseur. Le premier grand défi auquel le régime Ouattara tente de faire face déjà, c`est la pacification du territoire ivoirien. Au delà des nombreux morts et blessés dans les combats, la montée de l`insécurité est l`un des plus criants effets collatéraux de l`accession au pouvoir par le chef de file du Rassemblement des Houphouétistes (RHDP) cela, suite au bras de fer sanglant qui l`a opposé au président sortant Laurent Gbagbo. L`ouverture de nombreuses prisons du pays a, en effet, déversé dans la nature des milliers de gangsters et individus incontrôlés, qui sévissent durement dans les quartiers et contrées. Ces derniers ont, pour la plupart, été à la base des pillages systématiques de commerces et entreprises et même de domiciles dans certaines communes d`Abidjan présentement. Outre ces individus dangereux, des milliers de jeunes armés, qui ont rejoint le mouvement des Forces républicaines dans les quartiers constituent un contingent que le gouvernement Ouattara a à gérer pour rétablir la question sécuritaire dans le District d`Abidjan. Un district où règne la psychose, en raison de la circulation massive des armes, mais également de leurs usages parfois abusifs dans des quartiers où l`on assiste à des représailles, voire à des règlements de compte. En clair, la lutte contre le grand banditisme constitue un défi majeur à relever dans les jours et semaines à venir par le tout nouveau pouvoir afin de se faire une image moins reprochable du public. Cette pacification du territoire passe par la restauration des commissariats et le retour à la tâche des tenants des lieux, qui ont tous déblayé afin d’échapper à la furia des ex-forces dites pro-Ouattara lors de l`offensive sur la capitale économique ivoirienne. A côté de ce défi de la pacification du territoire et de la sécurisation des personnes et des biens, l`équation reste tout entière quant à la formation d`une nouvelle armée, véritablement républicaine, qui passe par la fusion des désormais ex-Forces de défense et de sécurité (FDS) et ex-Forces armées des forces nouvelles (FAFN). La semaine dernière déjà, les premières difficultés sont apparues dans la tentative des officiers de ces deux entités de former des patrouilles mixtes pour sécuriser le District d`Abidjan. Cette tentative aura buté sur plusieurs points. Notamment, l`absence des éléments des FDS (éparpillés dans leur grande majorité dans la nature, après l`échec de la résistance face à l`offensive des FRCI et des forces impartiales), la méfiance encore très profonde entre les hommes des deux forces à unifier, mais également les nombreuses pertes enregistrées dans chaque camp au cours des derniers combats, qui ont encore rouvert des plaies. Si pour asseoir véritablement son régime, il faut au président Ouattara une armée forte, une vraie, la tâche ne sera pas encore aisée pour le successeur de Laurent Gbagbo, qui a encore sous la main l`effectif des milliers de combattants des FRCI (ex-FAFN) à gérer. Comment absorber tous ces hommes en tenue qui ont pris le risque de leur vie pour que le vainqueur déclaré du scrutin du 28 novembre 2010 puisse exercer le pouvoir? Telle est la préoccupation du gouvernement Ouattara encore sous les auspices du Premier ministre Guillaume Soro, ex-leader des Forces nouvelles cumulant le portefeuille du ministère de la défense pour les besoins de la cause. En passant la question militaire, le défi nouveau qui attend le nouveau président de la République, c`est celui de la relève de l`économie. Les nombreux opérateurs économiques, qui ont vu leurs entreprises pillées, ont désormais le regard tourné vers le président Ouattara. Eux et leurs milliers d`employés désormais à la rue, ainsi que ces familles victimes qui se demandent aujourd`hui de quoi demain sera fait pour elles. Dans son discours d`apaisement lancé aux Ivoiriens, le président Ouattara a indiqué que réparation sera faite pour ces entrepreneurs à qui il a promis un dédommagement. Dans combien de temps? L`on attend de voir. De même que le paiement des salaires et arriérés des fonctionnaires d`ici quelques jours, probablement à la fin de ce mois. Enfin et non des moindres, la réconciliation des Ivoiriens prônées par le nouveau président reste le challenge passionnant que les populations attendent de voir se traduire dans la réalité. Ce, après les profonds clivages sociaux exacerbés par des décennies de crises politico-militaires sur fond tribal. Bref, le tout nouveau président ivoirien aura du pain sur la planche durant ses cinq années de mandat dont le compte à rebours a véritablement commencé le lundi dernier, dans une atmosphère instable, à l`instar de l`environnement dont a hérité le régime passé. Régime qui n`aura pu engager une vraie bataille du développement jusqu`à sa chute dans un pays aux nombreuses potentialités qu’est la Côte d`Ivoire.
Félix D.BONY
Félix D.BONY